On ressort de la lecture du « puits » d’ivan Repila étonnamment abasourdi. Ce livre et son contenu ne ressemblent à rien de bien connu. Deux frères (un grand ; un petit) sont au fond d’un puits sans espoir de le quitter...
Une grande partie du livre parlera de leur survie avec un luxe de détails.
La fin de sera pas dévoilée ici, par moi ; disons qu’elle parle de vengeance et d’amitié fraternelle. Et de "révolution".
Le réel titre du livre est « L’enfant qui vola le cheval d’Attila » ; drôle de traduction, mais bon les raccourcis souhaités par les éditeurs sont légion. Le titre français est plus clair, le titre espagnol plus en logique avec le récit.
Encore que... il ne s’agit pas d’un puits à proprement parler, mais bien d’un trou. Mais la symbolique du « trou » est bien moins brillante que celle du puits.
Le livre est découpé en chapitres, numérotés en nombres premiers, bref ceux que l’on ne peut pas diviser ; ces nombres indiquent aussi la somme de jours passés... on est ici plus proche d’un long poème symboliste, lyrique et énigmatique.
Quelle est la symbolique du puits ? la solitude ? la mort ? l’écrin utérin ? Quitter l’enfance pour pénétrer le monde adulte ? Se ressourcer pour mieux renaître ?
Le puits est clairement un symbole féminin : abondance et vie, mais aussi secret et dissimulation. Plutôt maternel que sexuel nous disent les psychanalystes. Et le livre justement parlera sans cesse de la mère.
Eléments terre et eau réunis, le puits se présente comme un atout : on va pouvoir se désaltérer, se ressourcer, chercher cette intériorité ; mais si l’on est au fond, c’est une tout autre histoire : la mort est proche : par noyade ou au contraire par dessèchement et épuisement.
Le puits est aussi traditionnellement l’image de la connaissance et de la vérité ; on connait son importance dans nos religions monothéistes. Mais, ici, dans ce récit, le puits a clairement perdu son côté magique, sacré, son aspect « connais toi toi-même » comme on avait pu le comprendre par exemple dans le même épisode de notre héros coincé au fond d’un puits dans « Chroniques de l’oiseau à ressort » d’Haruki Murakami. De même, ici, il a perdu les notions de connaissance (la vérité est au fond du puits), non, ici, le seul but : sortir du trou !
Ici, remonter du puits est vraisemblablement une seconde naissance, voire même une première ; mais pour en faire quoi ?
« Profond comme un puits sans fonds » : on retrouve la symbolique du puits dans le jeu de l’oie et ses cases mystérieuses ; ici le puits conduit directement à la prison (la prison la plus rude étant souvent celle que l’on se construit soi-même).C’est ici tout-à-fait ce dont il s’agit.
Grand texte énigmatique, « Le puits » reste un livre étrange, écrit remarquablement, je ne suis pas sûr que l’on en ressorte « purifié », comme l’eau qui lave ou l’eau de pluie qui s’infiltre. Si la littérature est faite pour « déranger », Ivan Repila a bien rempli son contrat, surtout pour un premier roman.