Viens de lire pour la seconde fois ce petit livre de psychanalyse (pas que, l'auteur est agrégée de lettres) sur le lieu, la maison...
J'ai toujours eu l'impression que les lieux de mon enfance possédaient une force inouïe, mais pas que mon enfance, aussi les lieux ; les lieux amis, les lieux où l'on se sent bien ; comme ma seconde maison "provençale" celle qui a suivi l'appartement tourangeau de mon enfance.
Qu'est que l'homme dans un lieu ? Est-ce superficiel, superflu ou essentiel ? Cet ancrage. Cette territorialité, et ce désancrage de l'adolescence... (Isée Bernateau est une spécialiste de l'adolescence). Cette notion d'inquiétante étrangeté pour citer Freud. Et l'aspect spatial et matériel de la maison.
Papa-maman-maison = famille disait F. Molto.
Mais pas que la maison, l'extérieur ; mais aussi l'intérieur "le mobilier", le "dedans".
La maison est un abri. ("contre la nuit" Bachelard). La maison est la famille, mais le bâtiment et le mobilier comptent tout autant ; importance de ce mobilier (même si déménagement) : continuité identitaire et liens oedipiens.
La maison est aussi "maternelle", il y a une analogie avec le corps ; l'enfant et la maison : c'est le centre du monde : mis à mal à l'adolescence ; mais restera forcément "un prolongement de soi". A partir de 4 films de Gus Van Sant (la tétralogie de la mort) l'auteur explique bien ce désancrage à l'adolescence (lire "je m'arrache" p.53 très intéressant).
"Il faut que l'homme sorte à la rencontre de la vie hostile" (Schiller). C'est l'éducation à la réalité. Très instructif aussi : les anti-lieux des adolescents = des lieux faits ni pour les adultes, ni pour les enfants...
Puis passage sur Perec pour qui les lieux furent une idée fixe ; lui, qui perdit son père au front à 4 ans et sa mère déportée à 6 ans... Perec et son "non-lieu" de naissance, l'errance de l'enfance de placement en placement ; quasi toute la littérature de Perec tourne autour des lieux...
Puis conclusion sur la khôra de Platon : le lieu reste insaisissable ; et le retour à la terre ne produit rien, car la perte de la mère est irrémédiable. Vue sur mère.
Un petit livre très instructif dont je conseille la lecture pour ceux qui s'intéressent comme moi aux lieux, aux lieux qu'on aime, à la maison, à la maison natale ; aux rapports maternels ; aux fuites adolescentes plus ou moins difficiles...
" Alternative nostalgique (et fausse) :
Ou bien s'enraciner, retrouver, ou façonner ses racines, arracher à l'espace le lieu qui sera vôtre, bâtir, planter, s'approprier, millimètre par millimètre, son "chez-soi" : être tout entier à son village, se savoir cévenol, se faire poitevin.
Ou bien n'avoir que ses vêtements sur le dos, ne rien garder, vivre à l'hôtel et en changer souvent, et changer de ville, et changer de pays ; parler, lire indifféremment quatre ou cinq langues ; ne sentir chez soi nulle part, mais bien presque partout."
Georges Perec
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