je ne fais qu’ici mal occuper l’espace
je voulais juste te serrer en mes bras
Alors
Je paressais face à ton triangle de fougère
cet isocèle de mes manques
fleur d’oranger oh senteur étrangère
je paressais face au vent des montagnes illusoirement escaladeur
et du monde querelleur
et ma faiblesse aux dires des autres avec fadeur
mon infirmité chronique
des culs blancs butinaient cuirassés de sucs
cuisaient tu t’ennuyais
je retournais aux montagnes malignes
me perdre pacifiste aux fleurs des champs
que la ville était laide sans habitants
assouvi du vent irréelle dénudée
rassasié de tes lettres et clés
en ivresse de tes baumes tes benjoins
je minaudais à une fleur tes desseins bafouais tes amis tes amies
incapable de comprendre
c’est ta jeunesse c’est ta jeunesse qui fut ma fanfare mon fanal mes branches
ton corsage était mon pays mes cosses mes gousses
pourquoi si loin suis-je
tes lèvres bleues éblouies
et mon âme caillasse éboulis alluvions
le vent m’épluchait avec rudesse
échappé de tous tes toits
ici je ne fais qu’occuper l’espace
alors je voulais juste te serrer dans mes bras
ton corps dénudé est ma plage d’été
mon delta immense d’ivrogne
j’éjectais des liquides
j’élaguais mes noirceurs
jour après jour tu disparaissais
monolithe monstrueux immense
pourquoi sommes nous si délaissés
de toutes ces romances fanées
je suis raide en moi même
de tant d’épreuves moroses
et ta peau triste avait un si beau rose
ici je ne fais qu’occuper l’espace, mal
alors que je voulais tout juste …

"Les amoureux" / Emile Friant / 1888