
Ah ! Le sac et le ressac – dit-elle – c’est beau, c’est romantique, on resterait là des heures, juste à regarder.
Moi je ne disais rien, je ne disais plus rien depuis un certain temps, j’aurais souhaité être seul parmi ces rochers blancs, mais elle était là.
Quelle étrange somme ! Cette addition : un homme une femme. Comment peut-on au début se sourire, se séduire, se parler, battre les cœurs.
Flirter : quel beau mot !
Et puis des mois plus tard, chercher la solitude, chercher le contentement solitaire, chercher des moments d’exception, seul sans l’autre. Sans cette moitié manquante et qu’on dit essentielle. Quel est donc ce terrible dérèglement ? L’amour qu’on lit dans les livres, qu’on voit au cinéma n’est donc pas le même ?
Que faut-il faire pour que le sac et le ressac moi aussi je les aime ?
Je ne vois que le ressac de sa parole, ses interrogations. Jadis j’aimais les jolies filles ou les belles femmes qui avaient un bagou du diable. Je me taisais, elles parlaient, je mâtais, elles se faisaient désirables, épaules nues. Aujourd’hui j’aime un certain silence, les petits bruits de la nature et les paroles humaines souvent me désespèrent.
Un ami me dit que pour réécrire, je dois retomber amoureux ; peut-on retomber amoureux ainsi année après année ?

La séduction est finie, la cour de mon école fermée. Les récréations et les billes sont au placard. La vie va devenir autre chose, devenir père, se réfugier dans un travail, devenir respectable. Peut-on imaginer autre chose ? Une vie adulte différente ? Moins pessimiste, plus riche, plus en forme, plus en mouvement. Redresser la tête.

Elle se leva, prit des pierres, fit des ricochets ; une petite houle la gênait.
Je revoyais ce corps que j’avais jadis adulé, je n’étais plus à midi depuis longtemps. Ce corps, je le reconnaissais, chaque grain de douceur, chaque courbe, une pâleur de peau particulière ; j’aurais bien voulu imaginer autre chose. Et pourtant il n’y avait rien à redire.
Ses cheveux courts de blé, son air de rousse, ses seins trop petits, tous je les avais aimés. Maintenant cela m’était indifférent, je ne les haïssais pas non plus, je m’en désintéressais.
Etonnée de mon silence, elle se retourna : « dis je croyais que tu aimais la mer, toi aussi ? »
Je répondis : « Oui j’aime le sac et le ressac… Flaubert disait que la mer était une bonne source d’inspiration poétique… »
Elle se tut. Moi aussi.

Nous étions dans un lieu extraordinaire : des pierres claires blanches, la mer bleu vif, presque trop foncée, des pins méditerranéens très verts très sombres donnaient à cette crique un aspect irréel, unique. La nature est belle le jour où le jour est beau. Elle comprit quelque chose, je ne sais trop quoi. Elle-même se tut, après se mit à lire, tenta de s’allonger dans les pierres dures ; j’allais me baigner dans la crique, j’allais parmi les voiliers amarrés, j’oubliais un peu – par grandes brasses – ma vie humaine.
Puis le soleil commençait à se coucher, l’atmosphère devenait plus sombre. Les ombres s’agrandissaient. Nous allions rentrer dans la grande ville.
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