On ne retrouva ton corps qu'au bout de quelques jours dans ton ranch où tu t'étais terré tout l'été, et puis ce mauvais mois d'octobre, et le revolver près de ton corps.
Tes amis mirent du temps à comprendre que tu t'étais suicidé.

Les journaux tout de suite débitèrent beaucoup de conneries à ton sujet, en insistant bien sur ton côté hippie, tes instabilités, le monde beatnik...
Pourtant tu n'avais pour voisins que des amis : Peter Fonda, Jim Harrison, Thomas Mac Guane. Tu avais cotoyé Ginsberg et tant d'autres ; célèbre tu le fus dès la parution de tes premiers romans, sans doute même que cette brutale notoriété ne te fut pas bonne, tu t'y étais habitué et tu aimais être adulé, tu compris moins bien ensuite tes relatifs insuccès.
Tu te mis à vieillir mal, maniaque, dépressif, tu t'isolas, tu étais ivre très souvent, morose et paranoïaque, tu fus attiré par les armes à feu ; ainsi te décrit un vieil ami Keith Abott auteur d'une belle biographie de toi.
Tout le monde imaginait te voir finir alcoolique ou disparaître de mort violente, personne n'imagina un suicide.
Tu écrivis jusqu'à la fin, de tout petits poèmes, courts et brutaux, comme celui-ci :
« Agrandissement de la mort :
Au-dessus de l'obscurité il y avait une autre obscurité,
Et seule grandissait la mort s'agrandissant.
Elle s'agrandissait comme l'obscurité au-dessus de l'obscurité grandissante. »

Alors, voilà, l'autre fois me baladant dans les falaises ocracées de Rustrel, j'ai pensé à toi maintenant que nous avons le même âge et je t'ai écrit un court poème. Amitiés ... et sait-on jamais toi qui croyais en la réincarnation...
il y a la MORT
et derrière ce peintre, encore la mort
le désespoir des choses passées
silence radio
dans une brume incolore
la fuite du temps ou c'est l'inutile
c'est silice entre les doigts, on ne peut rien retenir
ni les amis qui fuient, ni la jeunesse si riche en vie, ni les jolies filles habillées de fleurs et l'innocence jeunesse
et toujours la mort
en visage de craie, masque,
certaine un jour d'aimer gagner
le sexe des filles
est une étoile ovale
qui clignote
un bourgeon étoilé
un ove quasi parfait
un bourgeon aimé


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