
« la mort c’est l’infini des plaines
et la vie la fuite des collines. »,
j’ai voulu rappeler sa condamnation à 5 ans de prison dans ce qui fut « l’affaire Brodsky ».
On sourit de savoir qu’il avait été arrêté en 1964 pour « fainéantise et parasitisme social ». Il ne quittera l’URSS qu’en 1972. Combien de grands poètes l’ex-Union soviétique a-t-elle perdu ainsi dans sa folie ? « parasite para-littéraire » (dixit 1963 dans le journal Leningrad soir)
Dialogue (véridique) entre le juge Mme Savaleva et Brodsky :
- quelle est votre profession ?
- je suis poète. Je suppose…
- pas de ces « je suppose » ici. Tiens toi droit. Ne t’appuie pas contre le mur. Regarde le tribunal. As-tu une profession stable ?
- je croyais que c’était là une profession stable.
- Mais qu’elle est ta spécialité d’une manière générale ?
- Je suis poète, traducteur poète.
- Et qui t’a reconnu comme poète ? qui t’a fait rentrer dans les rangs des poètes ?
- Personne. Et qui m’a fait rentrer dans les rangs de l’espèce humaine ?
- As-tu étudié pour l’être ?
- Quoi ?
- Pour être poète. N’as-tu pas cherché à poursuivre tes études au lycée, où l’on prépare, où l’on apprend ?
- Je n’ai pas cru que c’était matière d’enseignement.
- Comment alors ?
- Je crois que ça vient de Dieu…
voici un poème en hommage à Lorca
publié dans l'excellent "Collines et autres poèmes, 1962)
La légende raconte qu’avant d’être fusillé il vit au-dessus des soldats se lever le soleil et dit alors : - et pourtant le soleil se lève…
C’était peut-être le début d’un nouveau poème.
Revoir un instant les paysages
Derrière les fenêtres où se penchent
Nos femmes, nos semblables,
Les poètes.
Revoir les paysages
Derrière mes tombes de nos camarades
Et que la neige lente qui vole
Quand l’amour nous défie.
Revoir
Les torrents troubles de la pluie qui rampe
Sur les carreaux et brouille toute mesure,
Les mots qui nous dictent notre devoir.
Revoir
Au-dessus de la terre inhospitalière
La croix étendre ses derniers bras raidis.
Une nuit de lune
Revoir l’ombre longue
Que jettent les arbres et les hommes.
Une nuit de lune
Revoir les lourdes vagues de la rivière
Qui luisent comme des pantalons usés.
Puis à l’aube
Voir une fois encore la route blanche
Où surgit le peloton d’exécution,
Revoir enfin
Le soleil se lever entre les nuques étrangères des soldats.