A pris son temps.
Il y a donc dans un livre une forte part de soi-même ; du moins on le dit. Tout dépend des personnages, de l'intrigue, de l'histoire. Mais obligatoirment l'écrivain et le livre sont liés, peu importe le type de lien. Ainsi ma marche, au rythme de ma respiration, ainsi mes pieds au sol, ma gravité me donne mon essence, ce poids dirigé vers le centre de la terre . La marche me donne l'illusion d'exister. Et mon écriture ? pour mon ami, c'est une survie. Tout arrêter pour écrire, quitter famille, travail quotidien. S'isoler pour aligner les mots. Sourire ou pleurer du résultat. Bilan. Ainsi ma marche difficile dans les sentiers caillouteux de la montagne et mes difficultés à écrire.
Pourtant le chemin était clair, les hauts mélèzes brûlants et fiers bordaient le ruisseau ; l'eau glacée mourrait dans des creux sombres. Et elle : godillots vaillants et jupette jaune, jambes hâlées comme on dit, passait devant, guerrière pressée, devant moi, infirme déjà ; sifflotant et buvant sa jeunesse dorée, cuisses brunes et musclées.
En m'arrêtant, je redressais le corps, rachis vertical, douleur dans les lombes. Le soleil étincelait sur l'eau et les rocs, les ombres augmentaient l'irréalité de ces lieux singuliers ; de cette nature qui serait une grosse part de nous-mêmes. Je suis l'élément silice et j'appartiens à la terre.
Le soleil avait bruni ses jambes, délicieusement. J'imaginais un beau sexe moussu et gourmand. Un nid, disent les poètes. Je cherchais la frontière discrête ou brutale du hâlage. Amourettes larvaires ou début du Tout ?
Le soleil s'abaissait, les grands ombres basculaient. Seul, je bus l'eau claire et les milliers de fleurs des prés m'étourdissaient dans mon ravissement. Je voyais la nature onduler et chanter. Je pensais y participer. Il faudrait donc aimer pour écrire ; pour réécrire. Se redresser encore, se déplier, tête au soleil, tête à brunir, finir son harassement, oublier la fatigue. Se dire homme, le vouloir ou y croire.
Descendre parmi les hommes plus simplement ; être comme ce liseron qui chaque fois s'éloigne et chaque fois revient vers son tuteur.

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