Les rimes que j’extirpais des corps nombreux et variés, en silence ou en chants, en calme plat ou tempêtes hurlantes, vagues engourdies ou en diablesse. Les femmes.
Les rimes ?
= Soupir et désir, foi et effroi, amant aimant
L’eau des cieux avait inondé les rues, débordant les saillies, faisant hernies sur les trottoirs glissants, toi parmi ces chaînes, tu marchais dans une bulle de lumière, ronde et ensoleillée, une bulle de protection. Collants noirs opaques et petites chaussures à talon, bien féminines, jupe multicolore si vive qu’on ne pouvait que fixer tes jambes et gros pull couleur caramel comme l’un de tes chats. Un foulard au cou en guise de décoration ou pour protéger ta glotte réputée fragile : trop de chants, trop de bonheur ; les sons étaient bons, le ciel se zébrait d’éclairs couleur café puis vanille ; sans parapluie, tu n’étais pas mouillée. Poitrine en avant, tu fendais les gouttes comme magicienne. J’étais assis, trempé à l’autre bout d’un pont, de mon regard – après toi – je longeais celui du fleuve, engourdi lui aussi dans des désirs irrésolus. De longues volutes d’eau en mouvement mais par lenteur, par grande lenteur, le fleuve irait en mouvement, d’un serpent qui déciderait de s’étendre, d’étendre ses voies. Sa peau de fête, tel un miroir du monde, infini qui reflète des éclats ensoleillés. Ou fatigué simplement, juste se dérouiller les vertèbres trop lovées.
Moi, mes mains étincelaient, crachaient des étoiles comme celles des poètes inquiets avec leur trop plein d’amour, fagots à offrir à tous et toutes, tous mes amis hommes, de cette espèce-là qu’on peut peut-être encore aimer, voire désirer. De ces désirs-là, j’en ai eu tant jadis ! Je croyais qu’on allait m’aimer, tout de suite, immédiatement, sans sourciller. Et puis , non, n’est-ce pas ? Ce n’est pas ainsi. Alors j’ai raturé des cahiers d’écoliers d’une prose ubuesque et fatiguée. En grande fatigue, déjà et si jeune cependant. Ta silhouette, et pourtant. Tu éclairais ce gris dans tous ces champs, un champignon très coloré, un champignon femelle qui donnait des leçons de vie, les explications de ce monde, oh toi belle institutrice de ce grand univers ; en paroles et en gestes, tu expliquais ; secondairement je ne vis que tes gestes, puis enfin je ne vis que tes yeux dans l’ovale de ta peau de jeunesse ; ce sont tes yeux qui parlaient qui racontaient, tu dissertais.
Sous le pont, l’eau charriait d’immenses cicatrices boisées, arbres malades ou déracinés puis découpés, épluchés pour quitter le monde ; ces bois flottés étaient chacun une partie de moi-même, de mon corps supplicié, mon cerveau brisé, mes âmes délétères, corrompues.
C’est ainsi que j’avançais dans l’eau – mon amie – des cailloux pleins les poches, et mon caban bleu s’alourdissant. Je traversais les bras du fleuve, il ne voulut point de moi. Sur les îles, j’errais de sentiment en sentiment, du possible vers l’impossible, de quêtes inventées, en rupture. Je ressuscitais sous cette pluie d’automne. Enfermé, toujours, mais vivant encore, vers ces soleils bleus à révéler. Tu passerais encore – je sais -. Comme une revue aux Folies-Bergère : ensorceleuse, inaccessible, jolie et terrible, pleine de vie et de mort. Et en pleine rêverie de jambes gainées et sexy, j’inventerais un autre paysage pour t’oublier en toute fin, en finalement, en point – à la ligne - , en tout et pour tout ; bref tu sortirais de mon paysage définitivement, comme une verrue afin brûlée et dont les racines seraient crevées très très profondément.
No more construction, je dirais.

commenter cet article …