…en parcourant l’excellent livre d’Isabelle Alfandary (voix américaines, Belin, 2002) sur E.E. Cummings, ce peintre et poète majeur, si énigmatique, très « difficile d’accès » (- soyons franc -) (Quand un éditeur lui demandera en 1926 de rédiger une introduction censée aider les lecteurs à comprendre les particularités de son style, il intitulera cela « deux et deux font cinq », ce qui n’améliorera pas les choses.)… ;-)
« La poésie ne signifie ni n’insignifie rien, elle EST. »
Isabelle Alfandary = « S’il pleut tant dans les poèmes d’E.E. Cummings, c’est que la pluie, dans sa chute imperceptible, figure un contact invisible mais réel. Métonymie du sens du toucher, la pluie est sensation : silencieuse, elle affecte les êtres sur lesquels elle s’abat sans heurt ni violence. La pluie nous touche sans en avoir l’air.
Ce que toucher
veut dire
L’expérience de la pluie, redoutée par les hommes, mais non par les enfants, révèle ce que toucher veut dire. Le toucher communique littéralement le sens. Le sens du toucher est porteur d’un sens qui peut à peine se dire, d’un sens proprement obscène, et bouleversant.
La sensation est source de connaissance. Dans le poème, ce n’est pas tant l’intellection de l’exprimé qui ouvre la voie au sens mais bien plutôt la sensibilité à l’imprimé. On ne touche pas plus un poème fait d’encre et de papier, surface plane et sans relief, qu’on ne touche la pluie. La pluie et le poème n’en sont pas moins réels. Ce que l’on ne peut pas toucher du doigt ne nous touche pas moins. »
(*) : poème lu par l’excellent acteur Michael Caine dans un de mes films préférés de Woody Allen “Hannah et ses soeurs”. (oscar du meilleur scénario original en 1986) Comédie douce amère avec des relents de Bergman et où les rôles féminins sont extraordinaires : Mia Farrow, Barbara Horshey et Dianne Wiest... Michael Caine - en amoureux des poèmes de E.E. Cummings - est adorable. Woody Allen en hypochondriaque puissance 100 est divin. Ce film est un pur bijou et on y récite du E.E. Cummings.
un dernier pour la route :
ne vaille de mourir, si
(et quand) les roses se plaignent
que leurs beautés sont vaines
mais peut l'espèce humaine
juger toute mauvaise graine
une rose, les roses (j'en suis
sûr) aussitôt sourient
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