« Quand le désir de vivre est intense, nous n’en venons jamais à penser que nous en savons déjà assez sur le monde. Chaque réponse repose une nouvelle question. Voilà pourquoi on dit que la curiosité maintient en vie. Et nous fait mourir. »
Enrique Vilas-Matas
Il y a d'abord ce beau titre, moi qui aimais sans faille et sans réserve ce trompettiste de génie et qui ai eu la chance de le voir dans une petite boîte de nuit quelques semaines avant sa mort, la tronche dévastée par l'alcool, les drogues et les femmes (si, si il parait que cela fait vieillir prématurément aussi - :-) ) ; mais avec sa voix de bluesman impeccable et ses phrasés de trompette inoubliables ; voilà il a voulu voler ou il s'est endormi au bord de sa fenêtre suicidaire...
En désirant écrire une « fiction critique », l’auteur part à Turin,seul, sans famille « pour se retrouver écrivant » et nous livre ici un autoportrait critique : parler de ses goûts en littérature, comparer certains livres esentiels, tel Finnegans Wake de Joyce ou Monsieur Hire de Simenon. Au passage : livres surprenants de sa bibliothèque / C’est très intello et très « littéraire »nous prouvant par là même qu’il existe bien « un monde spécifique de la littérature » ; avec ses lieux, ses personnages et toutes les histoires qui se mélangeront ensemble ; une grande connaissance et des recoupements seront certes nécessaires pour en tirer la substantifique moelle . Enrique Vilas-Matas prouve ainsi sa grande maitrise du monde des lettres et sa position singulière de « voyeur-critique-écrivain » ; tout cela ponctué d’excellents extraits d’œuvres littéraires majeures selon Vila-Matas qui va du refus du désordre inconsidéré de la vie de Monsieur Hire au chaloupé inventif et plein de folie du traitement du langage par Finnegans Wake et ainsi atteindre « un fugace bonheur presque tangible ».
Bien sûr, c'est très "intello" ; et parfois ma lecture fut en diagonale, mais il en reste une impression forte de puissance de la littérature et de ceux qui en parlent ; un monde "autre" près de nous, dont nous pourrions discuter lontemps sans nous endormir ni nous ennuyer. Une culture essentielle, à nous, pauvres occidentaux lecteurs.
Enfin c'est grâce à ce livre que j'ai découvert puis lu "mes deux mondes " de Chejfec qui est sans nul doute un des plus beaux et étranges romans découvert depuis belle lurette !