Déjouer toujours ; tourner autour du pot ; s’effacer pour s’affirmer ; ne pas comprendre les autres ; des différences de « ressenti » ; perdre haleine puisque l’on tombe ; glisser sans fin sur ces autoroutes de l’incompréhension ; ne pas piger ce que dit l’autre ; ne pas piger « du tout » ; s’enfoncer noir sur noir ; perdre confiance ; perdre le peu d’estime de soi ; faire semblant ; avoir envie de mourir à force de faire semblant ; se dire que non ; puis oui ; être fatigué de toutes ces questions ; se dire « malgré tout » ; ne plus oser regarder le ciel ; ne plus se sentir vivant ; creuser pour rien ; ne plus se sentir comme « faisant partie du monde » ; ne plus dormir ; ne plus aimer ; fermer sa caverne ; retirer sa boîte aux lettres ; dire qu’on est parti en voyages ; dire voyage de noces pour tromper l’ennemi ; c’est à dire tous les autres ; ne plus avoir d’amis ; car c’est ainsi ; ne pas en souffrir ; respirer mieux en se disant que c’est la fin ; repousser les corps qui s’approchent ; se crever les yeux ; s’ensabler ; s’envaser ; ne plus lire « du tout » ; ne plus lire « en tout » ; choisir ce précipice ; ce revolver ; marcher dans l’air pour tomber ; ne plus ouvrir son parachute ; ternir son image, son reflet ; griffer le miroir de l’eau du dernier narcissisme ; continuer sa dépression « à fond » ; refuser l’aide ; seul peut être mais peinard ; peinard pour le mur à venir ; l’allégresse des suicidaires dit Jacques ; cette allégresse là, je l’ai, possédant mon âme, éclairant mes mains ; talus des discordes, montagnes des désunions, frictions des fêlures ; porte que l’on ferme ; lumière que l’on éteint ; silence – souffle coupé - ; personne n’est là ; mésentente, rupture, tension ; entours vides, creux, salaces, gris, perdus ; monde perdu, monde méchant, monde inutile ; abrutissement total ; incompréhension nette ; pénurie d’amour ; diabète très long ; pour le cœur qui s’arrête, d’un coup et se repose
"Femme" peinture d'Yvon Saillard 2012 ©