« Écrire est la seule vérification que j'ai de moi-même... J'ai toujours l'impression d'aller à un échec relatif. C'est à la fois fichu et gagné. Désespérant et excitant. » F.S.
Françoise Sagan écrira « Des bleus à l’âme » à 37 ans, sans doute période charnière dans la vie mouvementée de la romancière, ce roman (en est-ce un ? moitié roman, moitié « essai » ?) est étonnant : mélange d’autoréflexions, mixage de personnages romanesques et d’auto-analyse.
Ce parti-pris est touchant et la lecture très intéressante ; les thèmes de Sagan reviennent encore avec force : suicide, solitude, rupture, sexualité… Son écriture est ciselée, parfaite, hautaine, riche d’humour et d’autodérision, bref quelqu’un qui sait écrire. Très vite, on se désintéresse (relativement) des personnages qui viennent parait-il d'une de ses pièces de théâtre, pour se focaliser bien davantage sur toutes les digressions littéraires, sociétales et psychologiques de l'auteur.
Il y aurait beaucoup à dire sur ce petit chef d’œuvre, « une ode à la liberté » dit Yves Simon, mais un épisode littéraire a retenu mon attention, le voilà :
.../... "Quant aux poètes, mes préférés, ceux qui font joujou avec leur mort, leur sens des mots et leur santé morale, quant aux poètes, ils prennent peut-être plus de risques que nous, les « romanciers ». Il faut un joli toupet pour écrire : « la terre est bleue comme une orange » et il faut une gigantesque audace pour écrire : « Les aubes sont navrantes, toute lune est atroce et tout soleil amer . » Parce que c’est jouer avec la seule chose qui nous appartienne à nous, les fonctionnaires de la plume, les mots, leur sens, et c’est quasiment abandonner ses armes à l’entrée de la guerre ou décider de les tenir à l’envers en attendant, les yeux déjà éblouis, demi-éteints, qu’elles vous sautent au visage."