instinct
instinct tel animal
tout près herbu visage de ce faune
qui boitait dans les herbes hautes
j'ai vu le faune saigner et son air attristé, bougueur,
Pan est parti clopinant et maugréant, le monde est trop moderne pour lui,
ne croit plus aux miracles, aux fées
j'avais l'instinct pourtant de comprendre ces petites gens-là
mais non
l'envers (l'enfer) du décor est tel
qu'il reste dans la poésie de la neige que de la neige
rien d'autre (seul et inutilement seul)
les rêves sont donc à refaire , regagner du terrain sur les plages oubliées
refaire le grain, les courbes, les déviants, les extrèmes
et puis tout recommencera au Printemps
c'est ce que j'ai dit à mon ami aux pieds de bouc :
tu verras
la terre est plus forte, tu retrouveras tes tabacs et tes rhums,
tes fées et sylves, dryades
tes diamants et pierreries
tes sacrifices et tes vins rouges
tes amantes et ton désir de vivre
tes manteaux de lierre et tes taxis de lézards
les veines bleutées de ce granit
les cieux couchants après le rhume
et les visages , les visages de ceux que tu aimes : animaux souterrains, insectes gris, abeilles et guêpes jaunes, ces rainettes vertes, cloportes incertains, rossignol rouge, lucane armurier, églantine malicieuse
et les pustules des amis crapauds
le port altier du cerf qui s'arrête et te fixe
les ornières de bonne boue dans les grandes forêts de feuillus
où les hautes fougères font des cachettes pour toi enfant retourné
ce pays des bois, des feuilles saumâtres, des ventres de lièvre, des glands que tu ronges
le beau pelage du renard roux en boule qui t'attend
et puis le peuple du haut, en haut qui sillonnent les hautes branches
et gazouille chacun à sa façon
dans ces grandes allées du bois de Chinon,
sur un large chablis récent
l'enfant détourne son arme ; l'ennemi est là juste derrière lui
il se retourne brutalement et tire, un bruit immense rompt la forêt
l'indien tombe face au sol, son arc pourtant armé, son carquois coloré
rassuré l'enfant remet dans son étui son canon scié à la Joss Randall
de la fumée violette s'échappe du canon en plastique
et puis c'est l'heure du goûter dit une voix familière
alors faune et flore et minéral sont là attendant des miettes de patisserie
tout est infime et petit
mais bien là pour communiquer à l'enfant
le grand esprit de la forêt
les traces au sol à la fois perpétuelles et égarées, certaines et passagères
derrière ce tas de bois, de buches bien taillées
Pan scrute avec avidité les débris des gateaux qui sculpte le sol de feuilles
Quand les grandes personnes seront parties, il viendra partager ce repas avec son ami l'enfant
son esprit est là, retenu dans la fumure des végétaux pourris
dans l'humus gras et sale, il y a toute une vie d'enfer qui se prépare, qui s'active
ça grouille et pour qui veut l'entendre, il l'entend ce bruit des dents et des ventouses
mille milliard de mâchoires préparant le Printemps