Tu dis mon pessimisme ; et jadis, j’ai vu ton corps parader papillon ; l’aube qu’on dit claire souffrait de feux ; tes sources taries : tes renaissances en débâcle ; on avait bâché nos champs du désir ; nos doigts qui avaient fait l’amour ; tes sourires avec la confiance ; c’est loin la mer, n’est-ce pas ? Etale, comme peau nue.
Tu dis mon pessimisme ; il t’ennuie ; nous nous agaçons en cadence sur ces lacs profonds et sombres ; le couple n’est pas l’unisson du monde ; alors vieillir, n’est-ce pas ? après les murs, derrière ; et toi que vois-tu ? Tu dis : je ne distingue rien. Seul, le silence ; seul, le noir, l’opaque ; la mort sans doute, c’est la mort que j’ai ressentie : souffle tiède dans la nuque. Couleur ombrée sur ton épaule. Un vide sans fin. Une tromperie glacée, enivrante.
Tu dis : mon amour, on finira là, main dans la main, comme deux adolescents indécis, attristés. Puis : « l’entreprise parentale ». Puis : on vieillira, puis : je ne sais plus.
Concision, concision de la vie ? la vie : qu’est-elle ? comment vivre, quoi vivre, que vivre ? Il y a le besoin de se dire humain, le besoin d’amitié, le besoin des regards clairs. Les fagots d’incertitudes, on les posera au sol. Peut-être … mais…je ne peux me satisfaire, j’ai besoin de formes artistiques dans cette drôle de vie. Mes détours, mes déroutes salutaires.
Les artistes me font vivre.
Tu as perdu ton art subtil.
J’ai perdu ma mer proche.
Le temps va encore manquer.
Du sable, en poche, que je fais couler entre les doigts les soirs d’amertume, les soirs où je veux me déguiser en personne heureuse de vivre, c’est mon gri-gri, ce sable gris, celui de mon passé.
Les femmes des magazines donnent à rêver, mais rêver à quoi ? et elles sont trop loin, et puis les hommes se disent déçus. Et puis la chair est triste et on ne peut pas lire tous les livres et je ne peux pas parler aux étrangers ; mon pire cauchemar.
Quelle idée trop sotte cette tour de Babel ! Ces langages à jamais inconnus ! Camisoles. Incompréhensions.
« Tout le problème de la vie est donc le suivant : comment rompre sa propre solitude, comment communiquer avec d’autres. C’est ainsi que s’explique la persistance du mariage, de la paternité, des amitiés. Parce que, ensuite, voyons, là serait le bonheur. Pourquoi on devrait être mieux en communiquant avec un autre qu’en étant seul, est étrange. C’est peut-être seulement une illusion, la plupart du temps, on est très bien seul. Il est agréable de temps en temps d’avoir une outre où se déverser et où boire soi-même étant donné que nous demandons aux autres ce que nous avons déjà en nous. Pourquoi il ne nous suffit pas de regarder et de boire en nous-mêmes et pourquoi il nous faut nous ravoir dans les autres ? mystère. (le sexe est un incident : ce que nous en recevons est momentané et fortuit ; nous vivons quelque chose de plus secret et de plus mystérieux dont le sexe n’est qu’un signe, qu’un symbole.) » (Cesare Pavese, le métier de vivre, 1958.)
« J’affirme la nécessité du geste d’amour. » (Jean Michel Piton)
Insatisfaction comme le non mûrissement du raisin sur les pampres violets ;