Venise 1982 : atelier de fabrique de gondoles / photographie © frenchpeterpan
Au coude à coude, avec la grande mort courbée
Fouillis de frelons dans l’ombre des glycines, cet après-midi
Dans l’ombre penchée, l’œil de la mort apparaît attiré
Puis sur la table que les mouches tamponnent
Un rai de soleil inonde le bois d’un trait définitif
Alors : je déplace de quelques centimètres ta photographie
De peur qu’elle ne jaunisse quand la mort fanfaronne
J’entends son ronronnement dans la poussière
Et son contentement de nos vieillissements
Que faut-il que je fasse avec ma main
Des lents mouvements de phrases pour éloigner ces doutes
Sur ces eaux plates et froides où un jour je me noierai
Il y a cet après-midi un gris que j’aime
Un gris d’orage perlé comme les nuages du ciel, comme ces grands cieux
Sur la latérite africaine, ce rouge orangé criant pour ce gris presque noir
Dans ces instants-là, dans ces lumières-là et seulement là
Je n’imagine plus la mort, mais seule la vie rougeoyante et grise
Pour l’eau bruyante qui nous laverait demain
Puis : je déplace encore cette photographie noire et blanche,
Ma main hésite : rejeter la mort ou l’accepter ?
Les poussières dansottent au gré des rayons jaunes
Il y a dans l’immobilité douce de cet instant tout le résumé de ma vie difficile
Les incompréhensions de mon corps, les indécisions, les courtes batailles, les escarmouches miséreuses
Les méchantes humeurs de ceux qui n’y ont jamais cru et qui n’y croient toujours pas