"Les grandes révélations qu'un homme reçoit dans sa vie sont rares, une ou deux le plus souvent. Mais elles transfigurent, comme la chance. A l'être passionné de vivre et de connaître, ce livre offre, je le sais, au tournant de ses pages, une révélation semblable. Il est temps que de nouveaux lecteurs viennent à lui. Je voudrais être encore parmi eux, je voudrais revenir à ce soir où, après avoir ouvert ce petit volume dans la rue, je le refermerai aux premières lignes que j'en lus, le serrai contre moi, et courus jusqu'à ma chambre pour le dévorer enfin sans témoins. Et j'envie, sans amertume, j'envie, si j'ose dire, avec chaleur, le jeune homme inconnu qui, aujourd'hui, aborde ces îles pour la première fois..." Albert Camus
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Jean Grenier fut le professeur de philosophie à Alger de Camus et celui-ci avait alors 20 ans lorsqu'il lut ce livre qui le troubla profondément.
Jean Grenier, ici, nous propose, par la voie métaphoriques des îles une recherche méditative de l'absolu, voire du divin, lui qui fut classé parmi les chrétiens "quiétistes" et qui fut aussi un sceptique bien célèbre.
Dans son livre intitulé Iles, Grenier écrit : « On peut donc voyager non pour se fuir, chose impossible, mais pour se trouver et se reconnaître. Quand on fait cette reconnaissance, ajoute-t-il, le voyage est achevé. » L'un des chapitres de Iles s'intitule Les îles Kerguelen, et ce qui est passionnant dans cette histoire, c'est qu'à aucun moment Grenier ne parle des Kerguelen. Mais alors, pourquoi avoir choisi ce titre ? Mystère. En tout cas il s'est reconnu dans ce nom. Et cette « fausse reconnaissance » est la plus vraie de toutes. Il s'est reconnu dans cet archipel parce qu'il pressentait une vérité cachée faite d'isolement, de solitude et de méditation, que seule l'île peut résumer.
Jean Paul Kauffmann « Les Kerguelen, nouvelle " utopie " », in Louis Brigand (dir.), D'île en île, l'archipel du conservatoire, Paris: Conservatoire du littoral, 1995 (p. 66)
Un de ces livres rares (aujourd’hui on dirait “cultes”) dont la splendeur nue ouvre une porte au clair-obscur de l’esprit, une porte étroite qui mène à une sagesse de l’incertitude que Camus sut faire sienne. ( cf excellent article du site internet le lorgnon mélancolique)