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Lorsque l'enfant était enfant, il marchait les bras ballants...
Il voulait que le ruisseau soit une rivière un fleuve et
que cette flaque d'eau soit la mer...
Lorsque l'enfant était enfant, il ne savait pas qu'il était enfant.
Pour lui tout avait une âme,
Et toutes les âmes n'en faisaient qu'une.
Lorsque l'enfant était enfant, il n'avait d'opinion sur rien, il n'avait pas d'habitudes...
Souvent il s'asseyait en tailleur, partait en courant...
Il avait une mèche rebelle
Et ne faisait pas de mines quand on le photographiait...
Lorsque l'enfant était enfant
Vint le temps des questions comme celle ci :
Pourquoi est-ce que je suis moi?
Et pourquoi est-ce que je ne suis pas toi?
Pourquoi est-ce que je suis ici?
Et pourquoi est-ce que je ne suis pas ailleurs?
Quand a commencé le temps?
Et où finit l'espace?
La vie sur le soleil n'est-elle rien d'autre qu'un rêve?
Ce que je vois, ce que j'entends
Ce que je sens
N'est-ce pas simplement l'apparence d'un monde devant le monde?
Est-ce que le mal existe véritablement?
Est-ce qu'il y a des gens qui sont vraiment mauvais?
Comment se fait-il que moi qui suis-moi,
Avant que je devienne, je n'étais pas
Et qu'un jour moi qui suis moi
Je ne serais plus ce moi que je suis...
Peter Handke
Les ailes du désir
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Cliquez sur l'image de Berlin vu par les anges de Wim Wenders pour écouter la vidéo de ce splendide texte, un des plus beaux sur l'enfance, le plus beau peut-être, même... en tout cas un texte qui a une résonance très particulière pour moi...
texte en entier à la demande de Valentine :
« Lorsque l’enfant était enfant,
Il marchait les bras ballants,
Il voulait que le ruisseau soit rivière
Et la rivière, fleuve,
Que cette flaque soit la mer.
Lorsque l’enfant était enfant,
Il ne savait pas qu’il était enfant,
Tout pour lui avait une âme
Et toutes les âmes étaient une.
Lorsque l’enfant était enfant,
Il n’avait d’opinion sur rien,
Il n’avait pas d’habitude
Il s’asseyait souvent en tailleur,
Démarrait en courant,
Avait une mèche rebelle,
Et ne faisait pas de mimes quand on le photographiait.
Lorsque l’enfant était enfant, ce fut le temps des questions suivantes :
Pourquoi suis-je moi et pourquoi pas toi ?
Pourquoi suis-je ici et pourquoi … pas là ?
Quand commence le temps et où finit l’espace ?
La vie sous le soleil n’est pas qu’un rêve ?
Ce que je vois, entend et sens, n’est-ce pas…simplement l’apparence d’un monde devant le monde ?
Le mal existe t-il vraiment avec des gens qui sont vraiment les mauvais ?
Comment se fait-il que moi qui suis moi, avant de le devenir je ne l’étais pas, et qu’un jour moi… qui suis moi, je ne serais plus ce moi que je suis ?
Lorsque l’enfant était enfant,
Les pommes et le pain suffisaient à le nourrir,
Et il en est toujours ainsi.
Lorsque l’enfant était enfant,
Les baies tombaient dans sa main comme seule tombent des baies,
Les noix fraîches lui irritaient la langue,
Et c’est toujours ainsi.
Sur chaque montagne, il avait le désir d’une montagne encore plus haute,
Et dans chaque ville, le désir d’une ville plus grande encore,
Et il en est toujours ainsi.
Dans l’arbre, il tendait les bras vers les cerises , exalté
Comme aujourd’hui encore,
Etait intimidé par les inconnus et il l’est toujours,
Il attendait la première neige et il l’attend toujours.
Lorsque l’enfant était enfant il a lancé un bâton contre un arbre, comme une lance,
Et elle y vibre toujours."
Peter Handke