Mes mains sont devenues importantes ; je m’endors le poing fermé placé sur le menton et le pouce érigé, posé sur mes lèvres ; cette posture me prolonge doucement l’endormissement. Mon autre main, la droite, adopte un mouvement circulaire avec le pouce et l’index, un frottement peau contre peau et une sensation d’hypnose manuelle, de franchissement du sommeil comme un début d’anesthésie. Ces deux gestes, le pouce sur mes lèvres et le mouvement de frottement de mon pouce et index droits semblent donner un sens à ma vie, ma vie de ce moment-là, ma vie de début de nuit, de changement de décor, du passage au sommeil, de l’assoupissement, l’envers de ce tiers de vie somme toute inexploré et énigmatique. Alors une odeur de réglisse se répand dans la chambre comme un chutney de nuit, une douceur avant la transition brutale au néant. Ainsi, je fais davantage attention maintenant à ce passage, à ce gué entre le jour et la nuit et cette position allongée, différente, cette transmission de la journée. Ma main devient comme une passerelle entre le blanc et le noir, le connu et l’inconnu, le jour et la nuit.
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