Ce qui m'a le plus tôt rendu sensible à la poésie ? Une goutte de pluie.
Sur le chemin que j'empruntais pour aller à l'école se trouvait un pin stupa qui restait de glace chaque fois que je passais devant lui.
Un jour, après la pluie sans doute, le monde était frais et pur. Le pin stupa se mit soudain à étinceler, couvert de gouttes de pluie brillantes accrochées aux branches et aux aiguilles ; je m'oubliais moi-même. Je vis que chaque goutte d'eau renfermait d'innombrables arcs-en-ciel en mouvement, un magnifique ciel bleu ; dans chacune le monde et moi-même.
J'apprenais qu'une minuscule goutte de pluie peut contenir l'univers, et tout purifier. Ce monde qui brillait dans une goutte de pluie se révélait plus pur, plus beau que celui dont nous dépendons pour vivre.
La poésie, c'est une goutte de pluie scintillante sur l'arbre de l'idéal.
Gu Cheng
(traduction du chinois par Annie Curien, 1981. in Europe, juin 1987, n°698/699)