il y a de nombreux mois, je faisais la queue pour voir l'exposition de Basquiat à Paris
la queue - dieu merci - était moins longue que le matin pour Monet
une bonne demi-heure ceci dit
la veille j'avais passé toute la journée à réciter du Michaux pour mon ami Nicolas (bretzel lab) qui essaye de mettre ça en musique, en "poème sonore" comme il dit
devant moi, un jeune homme, aux cheveux fort bruns patientait en lisant des poèmes d'Osip Mendelshtam dans ces petits livres blancs Gallimard que tous ceux qui s'interessent à la poésie connaissent bien
il fut surpris de mon regard, je lui expliquais qu'il était rare de voir quelqu'un faire la queue, en lisant des poèmes
il se présenta : emmanuel Laugier, poète , essayiste, et critique littéraire au Matricule des anges... Moi qui venais juste de ne pas renouveler mon abonnement, j'étais mal... :)
nous avons bavardé fort agréablement jusqu'à l'entrée, il venait d'enregisreer pour Sophie Nauleau et son excellente émission "Ca rime à quoi" , je lui disais mon expérience au même micro quelques mois auparavant...
du coup plus tard j'achetais "FOR" éditions Argol, 2010
la poésie d'emmanuel Laugier est très déstructuré, la syntaxe est malmenée, restent les mots et leur agencement si particulier à ce poète ; cela m'a rappelé un peu la poésie de Christophe Lamiot Enos, mais la poésie de Laugier est encore plus hachée, pleine d'interrogations sur ce que l'oreille entend, les yeux voient, à partir de situations simples, le poème peut et doit se dévoiler / une page :
ce qui reste se continue
au-devant de grandes pierres noires forment un
collier
quand ton pied passe de l'une
à l'autre
comme cela par un écart
il disparaît un instant
l'ombre de la pierre le boit tu ne sais plus
qui marche en elles si
c'est le rêve
qui le permet ou
bien en réel tel
franchissement qui accomplit
ouvre une passe
la suivante
le synthétique moment du jour
indiscernable