Difficile de dire à la fermeture de « Scintillation » ce que l’on ressent. Enigmatique, sans nul doute.
Bien sûr, on vient de lire un livre d’exception, écrit dans une langue forte, celle d’un poète qui vers 30 ans décida d’arrêter de se détruire et d’écrire de la poésie ; 10 ans plus tard après une dizaine de recueils, il se tournera vers le roman. « Scintillation » est le 6ième roman du poète John Burnside.
Dans une presqu’île polluée à outrance par une ancienne usine chimique abandonnée et par une industrialisation forcenée, dans « Intraville », la vie et la mort semblent se ressembler (un monde dévasté aussi qui pourrait ressembler aux images de Stalker de Tarkovski) ; sous le court prétexte de disparitions d’enfants, l’auteur fait une critique très sévère du capitalisme, du profit, de l’apathie du peuple, du laisser-faire, de la misère du monde moderne ; mais d’un point de vue totalement poétique. Ce qui donne un objet inhabituel, un livre carrément à part.
Plusieurs personnages dérivent dans le livre, on s’intéresse particulièrement à Léonard, jeune adolescent qui aime les livres ; quand on connaît l’enfance extrêmement difficile de John Burnside, on comprend clairement la parenté (encore que le bibliothécaire dont le prénom est John s’amuse de l’enthousiasme de son jeune lecteur) ; d’autant plus qu’enfant l’auteur s’est lui-même réfugié dans les livres afin de ne pas mourir. Les livres, c’était la liberté. La liberté était dehors, à la maison c’était l’enfer.
Mais ce fut limite (lire les excellents articles dans le matricule des anges), si le père de Burnside était violent et alcoolique, son fils lui aura cherché à décoller d’une Ecosse triste par les drogues et diverses révoltes, en particulier contre les dérèglements environnementaux ; ce n’est que très tardivement que ce dernier se mettra à écrire des romans et son premier roman « La maison muette » (1997) est déjà très construit et très personnel.
Ce qui sous-tend les œuvres de cet auteur, c’est son profond désarroi sur la nature humaine et sur les politiciens et la politique, les notions de révolution, l’importance de l’adolescence : là où on peut « changer ». Un pessimisme à toute épreuve.
Dans la version française, il y a un petit prologue qu’on comprend mieux à la fin du roman ; l’auteur a enlevé ce prologue dans l’édition américaine afin de laisser davantage d’ambiguïté.
Ce livre demanderait plusieurs lectures, tant le premier goût reste amer en bouche ; on a l’impression d’être passé proche d’un chef d’œuvre, donc vérifions-le.
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Lire les excellents articles sur cet écrivain dans le N° d'octobre 2011 du "Matricule des anges".