chez une amie, en mars, un vieux cerisier s'enorgueille d'un tapis de centaines de violettes à son pied, il frime le bougre, et subitement n'est plus tout-à-fait cerisier
je garde moi aussi un souvenir émerveillé d'un tel tapis de fleurs
c'est l'enluminure de l'arbre, sa signature de début de printemps
enfant je me souviens d'un sous bois vers Savonnières, près de Tours, où c'était un océan de cyclamens sauvages bleus violets et blancs
ces lieux sont magiques lorsque de telles couleurs surgissent dans le vert
de tous les jours
le temps passe .../...

je rêvais de maitresse habile de sa bouche, de ses doigts et amoureuse de son corps et de sa féminité, de victoires aux jeux de société auxquels je joue quotidiennement, d'un élan vital
qui briserait les monotonies des vies
d'être moins inactif, d'être plus actif, de voir ma femme plus heureuse
moins résignée,
de découvrir d'autres passions, d'être encore plus cultivé dans mes passions actuelles : la poésie, la littérature, la vie, les jeux, les jolis filles et les belles femmes, l'écriture,
la diction, la chanson "à texte", la peinture et les arts,
les corps nus que nous ne découvrons pas assez
brutalement étourdis de tant d'habitudes,
les belles phrases qui ne viennent pas
mon inaptitude à parler à Bertin lorsque que je le vois et que je l'attends ; notre timidité bilatérale
l'incapacité du mot juste devant venir
les impuissances encore une fois à aimer
je rêvais de suicides théâtraux pour montrer aux autres que j'existais
toujours pas, je ne comprends pas la mort qui enserre mal
je rêve de soleil vif sur la neige blanche comme aujourd'hui chez moi
sur le coteau abattu, couché dans sa lumière
bref nous manquons tous d'amour et d'amitié
pourquoi tant de distances
et le temps passe : rouleau compresseur sur les violettes et les cyclamens et sur ceux qu'on a aimés et sur l'enfance à jamais éloignée
les routes de Touraine et les hauteurs à gravir
mon inaptitude à vivre again et again
cette histoire en cul de sac en cercle vicieux
ce petit sexe qui peine tant et qui a tant vieilli
cette soif de posséder et qui ne sert à rien
(qu'à transmettre ? oui, mais les autres s'en foutent)
ces envies de tout, ces envies de rien
les corps de 17 ans dans les mémoires fanées
les blondes, les brunes, les rousses qui m'ont hanté
l'eau foncée des Loire poissonnières
les grands et hauts houblons des branchages dans l'eau
les inondations jadis quand la Loire s'amusait
enfin les couacs de mes insuccès
dans les accouplements mêlés
parmi nos sexes de cotons
et le cuivre des peaux, des sables
les dysfonctions des coeurs sensibles
en chorale grand-messe des grands mondes
magasin de mon âme
remplis d'étagères
en mauvais mica
et toutes vides
de mots et de boîtes qui ne viennent pas
ami, amie, amis, amies
je vous offre ce bouquet de moi
et d'émoi