Cela fait 3-4 fois que je lis ce petit livre de la "chronique d'une folie" ; William Styron ("Le choix de Sophie", "Un lit de ténèbres"... entre autres) a souffert très sérieusement d'une grave dépression l'amenant au seuil de la mort.
Il en parle dans ce petit livre dont Philippe Sollers dit :
"Nous ne croyons pas à l'Enfer, nous sommes incapables d el'imaginer et pourtant il existe, on peut s'y retrouver brusquement au-delà de toute expression. Telle est la leçon de ce petit livre magnifique et terrible.
Récit d'une dépression grave, avec son cortège d'angoisses, d'insomnbies, de "rafales destructrices", de tentations de suicide, il nous montre pour la première fois ce qu'est vréellement cette tempête des ténèbres" intérieure qui peut frapper n'importe qui à chaque instant, mais peut-être plus particulièrement certains écrivains, ou artistes. Hemingway, Virginia Woolf, Romain Gary, Primo Levi, Van Gogh : la liste de ces proies désignées de l'ombre serait longue.
Enfer, donc, comme celui de Dante, douleur sans autre issue que celle de l'autodestruction, état de transe incommunicable que ne soupçonnent pas les autres, pas même les psychiatres. Pourtant, la guérison est possible, on peut en tirer une connaissance nouvelle. Avec précision et courage, le grand romancier qu'est William Styron plaide ici à la fois pour une meilleure compréhension de notre prochain abîmé dans l'horreur, et contre le goût du néant qui nous guette tous." (quatrième de couverture)
Arrivant à Paris pour recevoir un prix littéraire, l'auteur y commence son livre : la vue des endroits où Romain Gary, son ami, se tua, où Jean Seberg quelques années plus tôt fit de même lui rappelle qu'entre dépression, mal-être et mélancolie et suicides réels ou différés-délégués (Camus ?) (Camus qui sachait que le fils Gallimard était un adepte de la vitesse, aimait rouler vite / Camus ne disait-il pas dans le Mythe de Sisyphe : "Il n'y a qu'un problème philosophique vraiment sérieux : c'est le suicide. Juger que la vie vaut ou ne vaut pas la peine d'être vécue, c'est répondre à la question fondamentale de la philosophie.", tout est lié dans cette noirceur. D'autres suicides encore : Abbie Hoffman, Randall Jarrell, Primo Levi...
William Styron est assez dur avec les psychiatres d'autrefois qui prescrivaient des molécules toutes nouvelles, toutes récentes, sans trop connaître les effets indésirables, ni les bonnes posologies. Lorsque Styron se fera hospitaliser en urgence la nuit même où il avait décidé d'en finir, il apprendra qu'il prenait un médicament déconseillé pour son âge, déconseillé pour ses problèmes et qu'il prenait 3 fois la dose recommandée (le Triazolan, interdit depuis dans maints pays...). A l'époque de découverte de tous ces anxiolytiques et anti-dépresseurs, la mode était de les tester un par un chez les patients un peu à l'aveuglette.
William Styron parle de flux et de reflux de vagues mélancoliques, de ses insomnies incroyablement délétères et des pensées suicidaires constantes. La nuit où "a priori" il pensait en finir, il regardait un DVD d'une de ses pièces ; il fut sauvé par la musique, l'incroyable beauté d'une rhapsodie pour contralto de Brahms lui fit prendre conscience brutalement de l'intérêt de vivre. Il alla réveiller sa femme Rose et la nuit même il fut hospitalisé. A l'hopital des médecins plus précautionneux et plus attentifs lui sauvèrent la vie. L'ambiance même de l'hopital, le côté "prison" et le temps qui passe lui furent très bénéfiques. Il écrit : "Pour moi, les vrais guérisseurs furent la solitude et le temps."
Fin du livre :
" Quant à ceux qui ont séjourné dans la sombre forêt de la dépression et connu son inexplicable torture, leur remontée de l'abîme n'est pas sans analogie avec l'ascension du poète, qui laborieusement se hisse pour échapper aux noires entrailles de l'enfer et émerge enfin dans ce qui lui apparaît comme le "monde radieux". Là quiconque a recouvré la santé, a presque toujours également recoucré l'aptitude à la sérénité et à la joie, et c'est peut-être là un ecompensation suffisante pour avoir enduré cette désespérance au-delà de la désespérance.
E quindi uscimmo a riveder le stelle.
Et là nous sortîmes pour revoir les étoiles."
William Styron