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"Le poète est un archer qui tire dans le noir." - Salah Stétié -
"Soyez un écrivain mineur, cela vous rajeunira." 
Dominique Noguez

"Cette femme était si belle
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 Guillaume Apollinaire

"In a place far away from anyone or anywhere, I drifted off for a moment." -- Haruki Murakami --


"Être poète n'est pas une ambition que j'ai. C'est ma façon à moi d'être seul."   -- Fernando Pessoa --

"Ca va tellement mal aujourd'hui que je vais écrire un poème. Je m'en fiche ; n'importe quel poème, ce poème." -- Richard Brautigan --

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et la vie la fuite des collines. »
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Nous entourent « et les voir

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(Guillaume Apollinaire)



"Quand je dis « je », je désigne par là une chose absolument unique,
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" Je ne suis pas moi ni un autre

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-- je vous souhaite un bon passage... --


"Mais rien de cette nature n'est définitivement acquis. Comme une eau, le monde vous traverse et pour un temps vous prête ses couleurs. Puis se retire, et vous replace devant ce vide qu'on porte en soi, devant cette espèce d'insuffisance centrale de l'âme qu'il faut bien apprendre à côtoyer, à combattre, et qui, paradoxalement est peut-être notre moteur le plus sûr."  Nicolas Bouvier

« La poésie vient vers nous, on ne sait d’où, et elle nous quitte, allant vers on ne sait quel au-delà. Mais en passant, elle nous laisse des mots et elle nous fait des signes dont l’interprétation est inépuisable. » Gabriel Bounoure

" Avec tes défauts. Pas de hâte. Ne va pas à la légère les corriger. Qu'irais tu mettre à la place ? " Henri Michaux


écrivez moi si vous le souhaitez :    

Soyez indulgent, je ne suis qu'un petit écrivaillon tentant d'écrivasser

Mai 2008 : "L'apéritif de la neige"
est "paru"

Si vous êtes intéressé : laissez moi un message
(133 pages de poèmes et textes poétiques, pour la plupart ici sur mon blog)

"Le meilleur choix de poèmes est celui que l'on fait pour soi." Paul Eluard

"Savoir que nous ignorons tant de choses suffit à mon bonheur." George Oppen

______________________________________________

 

26 février 2010 5 26 /02 /février /2010 22:06
     « Le suicide est certainement la ligne ultime sur laquelle peut venir s’écrire la liberté humaine. Elle en est peut-être le point final.
Le droit de mourir n’est pas inscrit dans les droits de l’Homme
Comme l’individualisme n’y est pas inscrit
Comme l’amour fou n’y est pas inscrit
Comme l’athéisme n’y est pas inscrit ; Ces possibilités humaines sont trop extrêmes. Elles sont trop antisociales pour être admises dans le code qui prétend régir les sociétés. »


Pascal Quignard. (in « La barque silencieuse »)

quignard


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26 février 2010 5 26 /02 /février /2010 09:46



Publié au Seuil en 1969
ce livre fut un des plus étonnants que j'ai lu

La quatrième de couverture met en garde :

« L’éditeur ne peut pas se contenter, en présentant ce livre, d’une formule comme : «  à ne pas mettre entre toutes les mains ». Il se sent tenu de prévenir sérieusement le lecteur. Plus qu’une audacieuse confession ou qu’un  témoignage impudique, ce livre est une épopée psychanalytique, une tentative effrénée chez un fils, pour posséder, détruire, liquider sa mère. C’est dire que les pages scabreuses, éprouvantes, ne manquent pas ici. Bien plus : ce que l’auteur, puisant dans les profondeurs, ramène à la lumière est au-delà des univers sexuels généralement décrits.
Le nerf de l’amour et celui de la haine, exaspérés dans ce long cri, provoqueront sans doute des réactions passionnelles. On n’a jamais parlé ainsi des relations fils-mère.
« La rhubarbe » (prix Médicis 1965), premier roman d’un jeune écrivain tout joyeux de s’ébrouer, rocambolesque histoire d’un bâtard, avait fait un certain bruit. R.V. Pilhes entreprend aujourd’hui une ascension, plus audacieuse encore que celle du Loum, grand dard rocheux qui pointe vers l’azur. Dans une première partie, la mère, charnue, noire et poudrée, et son fils, auréolé de gloire récente, pleins tous deux de tendresse et de haine l’un pour l’autre, avancent vers le sommet, mêlant leurs obsessions et leurs fantasmes, déguisant leur hystérie. Mais ce n’est pas assez. Il faut aller plus haut. La seconde partie reprend l’ascension sous l’œil du Père Puissance, complice de la mère, tortionnaire du fils. L’ascension devient à la fois l’histoire du livre, du texte même et celle, plus réelle encore, de l’enfance du fils très loin au delà des horizons tristes et pervers.
Enorme roman, sauvage, épique, d’une verdeur plus folle que malsaine, plus liquidation que règlement de compte, éclatante démonstration faite à la m ère des pouvoirs verbaux du fils, ce combat est certainement pour une part, un poème à la gloire de l’enfance perdue.
Ainsi du moins, l’auteur peut-il être entendu. Pourvu que le lecteur, surmontant un effroi bien naturel, accepte de lire au-delà des mots. »

J'avais beaucoup aimé "la rhubarbe" (prix Médicis 1965) et bien sûr "l'imprécateur" (prix Femina 1974) : écriture aisée, fine, brillante et richesse des histoires ; du coup je me mis à lire ce pavé. Attention ! chef d'oeuvre de la littérature française ; jamais je n'avais lu un tel livre (et plus jamais depuis d'ailleurs) ; on dit qu'il représente un texte unique dans la littérature psychanalytique. ( Le livre a d'ailleurs fait récemment l'objet d'une lecture publique à Genève et figure dans l'Anthologie de la littérature érotique de Pauvert. )

"Longtemps considéré par l'ensemble de la critique comme l'un des écrivains les plus doués, puissants et singuliers de l'après-guerre, Pilhes fut victime dans les années 90 d'un torpillage en règle à cause de son roman L'Hitlérien, scandaleusement considéré comme antisémite par une minorité dominante et ultra de la communauté juive, fraction qui a réussi à le marginaliser pour un temps. Une bonne connaissance de ce "proscrit" est offerte dans son livre d'entretiens avec Maurice Chavardès Les Plaies et les Bosses ainsi que dans La Littérature contemporaine de Jérôme Garcin."

Le livre est divisé en deux parties :
1- la partie ambiguë (orgueils et sévices)
2- la partie tendue (folies et folies)
annexe : quelques lettres échangées entre la mère et le fils et inventées par l'auteur.

PS : une troisième partie, écrite, attendait. R.V. Pilhes souhaitait attendre le décès de sa mère pour publier cette troisème partie, or cette dernière décéda à un âge très avancé ; d'autre part l'auteur ne cesse de réécrire cette troisième partie comme il le dit sur son blog.

Cette "épopée psychanalytique" est intrigante à souhait ; à la première page Son Excellence est citée "Pilhes, mon vieux, écrivez-nous donc un petit bouquin franc, capable de toucher le coeur des masses, une espèce de narration scupuleuse et loyale, une sorte de livre neurasthénique à formule quasi inconnue."
: Mission accomplie cher Mr Pilhes, et vraiment très bien accomplie, félicitations. Ce livre jadis m'avait réconcilié avec la création littéraire et la littérature tout court.

René-Victor Pilhes, un écrivain majeur ; il est stupéfiant que sur le net, je n'ai rien trouvé d'intéressant sur ce livre hors-normes.
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CORRECTION : l'amie Judith est responsable d'une page parfaite sur WIKIPEDIA
c'est excellent et c'est ICI


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Le blog de l'auteur - en cours de construction -
est maintenant partiellement disponible
cliquer sur son portrait




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22 février 2010 1 22 /02 /février /2010 19:22


    Malcolm Lowry était un formidable écrivain, perdu dans l'écriture et l'alcool, bars et abîmes... de cette vie qui n'en finissait pas, cette dépression chronique ... S'il fut un très grand prosateur ("au-dessous du volcan" entre autres), il fut un poète qui me plut. D'une certaine manière je me sens proche de ce poète-là.

Pour l’amour de mourir

Les tourments de l’enfer sont implacables, vifs
Sont les feux de l’enfer ; et pourtant les vautours
S’arc-boutant contre l’air pour virer sur leur aile
Sont plus beaux que le vol plané de ces mouettes
Abandonnées au vent dans la fraicheur du jour
Plus beaux que les ventilateurs dans les asiles
Qui par leur soyeux va-et-vient
Tissent à l’espoir un destin ;
Et jamais l’espoir n’a lancé
Sa gageure aussi haut que l’illusion vitale
Qui chevauche le vol du vautour. Si la mort
Peut voler pour l’amour de voler, est-il rien
Que la vie, pour l’amour de mourir, ne pût faire ?


Pensées à effacer de mon destin

Il ne cesse de lire, le poète à venir,
Peut-être justement dans cette anthologie

Révisée (car elle le sera, d’ici dix ans,
Ce qui laisse à notre poète
Tout le temps qu’il faut pour grandir) ;

Bien qu’il ne cesse de lire, il ne comprend toujours pas
Même dans son pays, il se sent « à côté »

Il lit comme s’il écrivait entre les lignes
Lignes d’autrui où il devine
Bien peu de sens ou de folie.

Par rapport au démon de tous ces gens, ses forces
Sont comme le soutier par rapport au marin.

Il lit mais il ne comprend rien

Sauf dans quelque  fragment d’une biographie
Où il est écrit : « se donna la mort ».




Rilke et Yeats

Aidez-moi à écrire,
Montrez-moi les portes
Où sont affichés les ordres.
Et la cage
Où mon courage
Sous le regard de mon âme fascinée
Rugit derrière les grilles.




Pierres blessées

Parfois l’enfant ne sait pas dire son chagrin,
Mais il entend, le soir, les étranges présages
Qui annoncent aux pierres blessées, à même le sol,
Leur libération, où il apprend que les pierres
Cœurs brisés, ont parfois l’éclat dur d’un langage.
Le bruit de la mer rugit au vestiaire
- Et un reproche ; mais cela même est rassurant :
Un reproche de moins entre lui et la mort…
Et là, sur le tapis devant la cheminée,
Il regarde l’enfer et voit son avenir
- Qui sait, peut-être une chambre de chauffe ?-
Pourtant, l’enfant, je pense, a connu des fous-rires
(On dit que de la vie ce sont les seuls remèdes),
Et puis, n’eût-il pas survécu,
Saurait-il que Rimbaud a connu ces chagrins,
Rimbaud dont l’âge d’homme aussi, comme le sien,
Fut déserté d’amour et privé de langage ?

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19 février 2010 5 19 /02 /février /2010 15:16
Holderlin



Hälfte des Lebens

Mit gelben Birnen hänget
Und voll mit wilden Rosen
Das Land in den See,
Ihr holden Schwäne,
Und trunken von Küssen
Tunkt ihr das Haupt
Ins heilignüchterne Wasser.

Weh mir, wo nehm' ich, wenn
Es Winter ist, die Blumen, und wo
Den Sonnenschein,
Und Schatten der Erde ?
Die Mauern stehn
Sprachlos und kalt, im Winde
Klirren die Fahnen.

Moitié de la vie (traduction Bernard Pautrat)

Pend avec des poires jaunes,
Toute pleine d'églantines
La campagne dans le lac ;
Et vous, cygnes gracieux
Et enivrés de baisers,
Avez la tête plongée
Dans l'eau, la saintement sobre.

Mais moi, où, malheur ! prendrai-je,
L'hiver venu, les fleurs, et
Où du soleil la clarté
Et des ombres sur la terre ?
Les murs sont là qui se dressent
Sans un mot, froids, dans le vent
Les enseignes font clic clac.


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Une amie allemande est passée ces jours ci et m'a offert ce livre, d'où je tire ce poème. Ce poème est célèbre et elle se souvient d'une interprétation par Bruno Ganz qui l'avait émerveillée, je lui disais alors les dictions de Bouquet pour Michaux, de Pierre Brasseur pour Péret ou de Barrault pour Aragon qui avaient agi de même pour moi ; elle est assez perplexe par contre pour la traduction, et "les enseignes font clic clac" pour terminer ce beau poème ne me convient guère moi aussi ; on en revient au problème perpétuel des traductions, là par exemple on perd la rime intérieure : wilden-holden... entre autres. difficile donc et clairement la chute finale ne me convient pas : plutôt les drapeaux claquent ? Pourquoi "enseigne" ?
si des germanophiles passent par là, je serais intéressé par leurs commentaires.


Holderlin-hymnes

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autre traduction
( de François Garrigue )
(Ed. La Différence)

MOITIE DE LA VIE

Avec poires jaunes pend
Et plein de roses sauvages
Le champ dans le lac,
Vous ,cygnes gracieux,
Et ivres de baisers
Plongez la tête
En l'eau saintement sobre.

Pauvre de moi ,où prendre quand
C'est l'hiver ,les fleurs, et où
Le clair du Soleil
Et les ombres de la Terre ?
Les murs se dressent
Muets et froids ,au vent
Grincent les girouettes.


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             Exposition : F. Hölderlin : présences du poète du 28 janvier 2010 au 01 avril 2010 à Strasbourg. (BNU : Bibliothèque Nationale et Universitaire)

affiche pageHolderlin

    Hölderlin (1770-1843) est de nos jours le poète allemand le plus traduit au monde, en avance sur son temps il fut mal compris à son époque malgré l'aide de Schiller ; il passera la seconde moitié de sa vie dans le monde de la folie (interné de force à 36 ans), heureusement protégé par une famille fraternelle. Redécouvert à l'aube du XX ième siècle, il fut alors reconnu par tous comme un poète essentiel, le plus grand poète lyrique en langue allemande.


"Voudrais-je être une comète ? Je le crois. Parce qu'elles ont la rapidité de l'oiseau, elles fleurissent de feu, et sont, dans leur pureté, pareilles à l'enfant."                                     F. Hölderlin
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16 février 2010 2 16 /02 /février /2010 15:25
- tout simplement, un des plus beaux poèmes de Desnos et l'un des plus beaux poèmes tout court ; il y a dans cette concision et dans cette fluidité tout l'art d'écrire de la bonne poésie -
desnos
J'ai tant rêvé de toi

J'ai tant rêvé de toi que tu perds ta réalité.
Est-il encore temps d'atteindre ce corps vivant
Et de baiser sur cette bouche la naissance
De la voix qui m'est chère?


J'ai tant rêvé de toi que mes bras habitués
En étreignant ton ombre
A se croiser sur ma poitrine ne se plieraient pas
Au contour de ton corps, peut-être.
Et que, devant l'apparence réelle de ce qui me hante
Et me gouverne depuis des jours et des années,
Je deviendrais une ombre sans doute.
O balances sentimentales.


J'ai tant rêvé de toi qu'il n'est plus temps
Sans doute que je m'éveille.
Je dors debout, le corps exposé
A toutes les apparences de la vie
Et de l'amour et toi, la seule
qui compte aujourd'hui pour moi,
Je pourrais moins toucher ton front
Et tes lèvres que les premières lèvres
et le premier front venu.


J'ai tant rêvé de toi, tant marché, parlé,
Couché avec ton fantôme
Qu'il ne me reste plus peut-être,
Et pourtant, qu'a être fantôme
Parmi les fantômes et plus ombre
Cent fois que l'ombre qui se promène
Et se promènera allègrement
Sur le cadran solaire de ta vie.

 

 

 

Robert Desnos, "Corps et biens". 1930

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desnos1945
dernière photographie connue de Robert Desnos à la libération du camp de Theresienstadt, en Tchécoslovaquie. Malgré sa libération, il décèdera peu après, fort affaibli. (le 8 juin 1945)


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14 février 2010 7 14 /02 /février /2010 07:29
    Je quittai la petite maison isolée et partis avec la grosse chienne blanche. Je laissai mon ami traire ses cinquante chèvres pour déambuler dans la campagne berrichonne. Les sentiers étaient pleins de boues et de flaques, il avait fort plu la veille, ils s’enfonçaient dans les champs, souvent en creux ce qui rajoutait au silence et au sentiment d’isolement. La campagne berrichonne brille après la pluie et si riche de rivières, de sources ; la Creuse toute proche que j’aimais longer en sautant sur les gros rocs éparpillés. Quelques petites falaises apparaissaient nous obligeant, moi et le chien (moi surtout), à quelque contorsion pour passer à travers les branchages. Lorsque je m’arrêtais pour contempler l’eau et les bords de la rivière, le chien m’imitait, quand je repartais, il se relevait apparemment heureux de me suivre.

    Le monde de George Sand était tout près et je m’imaginais fouler des sentes où elle était peut-être passée. Ce qui est sûr, c’est que je voyais ce qu’elle vit, elle. J’imagine bien sûr que le monde paysan n’était pas le même. Mon ami, journaliste indépendant, venait de tout plaquer, pour élever ses chèvres. Au début ce fut difficile, les fromages souvent trop ceci ou pas assez cela, quelques quolibets de la campagne profonde du profond Berry, puis peu à peu il fut accepté. On pouvait acheter ses fromages dans plusieurs commerces du petit village, il était devenu l’un des leurs. Pourtant avec sa petite maison bien proprette, vieux garçon oblige, avec ses grandes photographies d’Afrique ou de Madagascar, ou des Seychelles et les innombrables bibliothèques qui rendaient les déplacements délicats dans l’habitation, il donnait l’impression de ne pas être à sa place.

    Je me souvenais sur une butte dominant la Creuse, d’un amour platonique d’enfance, et des mêmes balades ; à l’époque la chienne était noire et assez pataude, il fallait souvent la porter, mais il s’agissait du même paysage, des mêmes sensations, du même émerveillement devant le monde naturel, les innombrables oiseaux, les traces d’animaux, les odeurs des feuilles mortes, le terreau, la glaise, la boue, les flaches dans les arbres, les bois morts, les forêts sauvages. La jeunette était brune et fort sauvageonne, toujours solitaire, mais elle me tolérait dans ses balades forestières, moi le tourangeau, donc presque l’étranger puisqu’il y a bien une centaine de kilomètres entre le pays aux mille étangs et la Touraine. Elle avait un très beau sourire, et lors d’une des dernières excursions faites ensemble, elle me permit (chose exceptionnelle !) de la photographier, je garde ces quelques portraits comme une porte ouverte encore sur un autre monde. J’appris bien plus tard qu’elle mourut, elle et son mari fou de montagnes, dans une avalanche.

    Là, encore, je m’assoupis, la tête collée au corps poilu et chaud de la grosse chienne blanche. Je voyais que le temps passe. Que les corps vieillissent. Les trous d’eau où je plongeais, je n’y saute plus. Mais les paysages, eux, ne se fanent pas, les couleurs naturelles sans cesse refont leurs saisons, j’eus enfin envie de dire merci, merci à je ne sais qui, merci de vivre, merci de partager ce feuillage, merci pour l’odeur « ventre de lièvre » de ce sous-bois humide, merci de cette eau fraîche qui piquait ma main. Oh ! Pays ! Gloire à toi !
    Subitement la chienne mugit, un trou béant s’ouvrait dans une faille de la falaise, tout doucement il s’agrandit, une petite grotte apparut. Un air tourbillonnant anormalement chaud nous irriguait, j’avançais, je compris alors : il suffisait de débusquer la mort. Heureux, je franchis le gouffre.




"Le ravin de la folie à Crozant" d'Armand Guillaumin,
un des maîtres de l'école de Crozant, 1894
ce lieu est tout près de "mon gouffre"

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Toi, sous un châtaignier majestueux et digne,
Aux coincoins du canard qui nageait comme un cygne
Rêveuse, tu croquais des sites apaisés;
Et je venais te voir quand tu me faisais signe,
A l'ombre des coteaux rocailleux et boisés.

Maurice Rollinat
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11 février 2010 4 11 /02 /février /2010 17:29
"La poésie s'écrit ..."comme on ment à un mourant et qui le sait." "
Michel Deguy

(lu dans l'excellent "Le poète perplexe" de j-m Maulpoix)
deguy.jpg
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9 février 2010 2 09 /02 /février /2010 22:12
le vert
passa la main
sur l'épaule du jaune
qui eut un frisson mauve
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la pierre
n'entend
son coeur battre
que dans la pluie
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Le parfum
se promena nu
avec
pour tout cache-sexe
le forme
de la fleur
---------------------------------

les murs
marchaient
à plat
pour ne pas réveiller
la rue
---------------------------------

le bruit se croqua et
laissa ses dents dans
les touches du piano
---------------------------------
Malcolm De Chazal






le grand écrivain et peintre mauricien définit ainsi sa poésie :



UN DES BUTS MAJEURS

DE LA POÉSIE...


  Un des buts majeurs de la poésie est, selon moi, de créer des pentes dans les mots, d’entailler des glissières dans la langue, pour faire passer et ruisseler au dehors la sensation. La forme poétique n’est point, à mon sens — ainsi que le croient les poètes courants — un moyen d’enclaver, de retenir ou d’enchaîner la sensation, car je me sers d’autres « vases » pour cela : ma forme même d’écrire, qui n’a rien à voir avec toutes les formes de littérature usuelle, et qui rétrovase l’idée en prenant la sensation comme point de départ, et l’idée comme point d’arrivée — mon mode d’écrire est sensation pure, ma prose est corps-fleuve de sensations, et par conséquent n’a nullement besoin de contenir la sensation, parce que la sensastion est, dans ma prose, contenant, la sensation est le vase même qui véhicule l’idée que je transmets. Aussi le difficile pour moi n’a pas été de trouver des mots pour contenir la sensation dans mes phrases-fleuve de sensations, mais de faire faire passer cette sensation au lecteur afin de faire jaillir dans son cerveau les idées et les idéo-images que j’avais vue et que j’ai désiré lui transmettre par mes propres voies.
  Ma forme poétique consiste donc à couper des angles aux mots, à installer des pentes au sein de leur substance afin de faire ruisseler la sensation au dehors. Tout mon art poétique est là et consiste en cette ciselure, en ce rabotement, en ces découpages constants, en ces entaillements psychiques des mots, et qui n’ont rien à voir avec le travail de menuiserie usuel de la langue, ce machinisme des physicistes des mots que sont les poètes courants. Aussi ma prose n’est-elle pas une poésie-but mais une poésie-moyen. Ma forme poétique m’est imposée ; je n’ai pas eu le choix, parce qu’elle est l’unique moyen qui pût me mener à mes fins qui sont de transmettre au lecteur la substance-verbe de sensation, chair contenant ma pensée, moule des vérités, poésie dans la poésie, traductrice de l’invisible et des arcanes du monde surnaturel. Car comme je l’ai répété à satiété et comme je le redis encore ici, la poésie n’est nullement pour moi dans les mots, mais derrière les mots, entre les mots, entre les mots et les syllabes, et surtout dans l’indit, c’est Invisible aux yeux béants qui nous fixent et nous interpellent des tréfonds de leur spiritualité. Qui chercherait à trouver la poésie dans la forme extérieure de ma prose pourrait aussi bien « chercher » le goût du fruit en léchant sa surface. Qui ne mord pas à travers la chair de ma poésie et jusqu’à son noyau de vie surnaturelle, en saurait y voir que des caractères d’imprimerie, tout justes ayant la valeur de la bouteille d’encre qui leur donna le jour. Ma poésie n’est pas une poésie de la forme, mais une poésie du fond, et uniquement cela.
  Le corps poétique, sous ma plume, sert à créer une ouverture, un exutoire à la sensation, et non à contenir la sensation qui est déjà dans le mode d'écrire, — la sensation étant la colonne vertébrale, les vertèbres, la moelle épinière et la matière grise même de mon Verbe.
L'âme-poésie, je la mets derrière les mots, entre les mots et les syllabes, etc. Ma poésie est donc dans le côté spirituel des mots, et non pas dans leur côté physique ou dans leur sonorité. Ce qui explique admirablement chez moi cette torsion de la langue, cette chirurgie verbale, ces creux psychiques intercalés, ces lézardes, ces emboîtages, déboîtages et rémboîtages linguistiques, cette refonte architecturale constante des mots, et dont le seul but dernier est de créer des couloirs, des trous, des percées et des avenues dans les mots, pour laisser filter à travers le surnaturel, et atteindre par là l'âme du lecteur.
  On est accoutumé à dire que le poète est le voyageur qui est parti pour le Pays des Chimères. Cela est faux. Le poète est parmi les rares voyageurs d'ici-bas qui sont partis pour le Pays de la Vie, quittant le royaume des Apparences pour celui des Réalités Spirituelles, — les seules éternelles. Le poète est un réaliste dans le plus haut sens spirituel du terme.

la Vie filtrée, éd. Gallimard, 1949
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7 février 2010 7 07 /02 /février /2010 11:09
Et me revoir, ainsi, ces solitaires des cafés, jamais assis, debouts accoudés au zinc, familiers du patron, discutant, familiers de débats où chacun se retrouve, comme une autre famille, une autre famille
j'étais là ainsi, à siroter quelque boisson de convenance, mon regard allait partout guettant un autre regard sur le mien, j'avais mis quelques beaux habits me préparant à l'âge adulte
là, je cherchais, je cherchais ainsi ma voie, je cherchais mon humanité dans le regard de quelques inconnus, je cherchais mon frère, je cherchais l'affection que l'on doit trouver sur cette terre dit-on
je ne cherchais pas forcément l'autre sexe mais un être humain, seulement
rompre cette solitude enfant puis adolescent, jeune adulte et ces difficultés à communiquer, ces manques d'empathie, ces idées intellectuelles, suicides idéalisés
garder cependant l'âme lycéenne, mais non devenir "sérieux"
alors je ne tintinnabulerai donc plus dans ce monde trop silencieux ?
à 30 ans on décidera de rejeter le syndrome de Peter Pan et de vivre "adulte" ou on se suicidera
et finalement tout passera en ouate, en coton amortisseur
le temps a passé comme un poing serré avec les phalanges blanches de colère, les articulations douloureuses, la peau blanche et rouge
de tout ceci , il ne savait que faire ; il n'avait jamais su réellement quoi faire...

Comme disait mon ancien ami CRM : " Il n'y a qu'une façon de se retrouver dans ce merdier carré, dans ce square world, c'est le bon vieux sentier indien, Broadway. Que le grand esprit soit remercié, il existe partout, il suffit de le trouver. Si vous savez comment on déchiffre ainsi sans faute écrivez moi, si je peux lire dans le noir. "






"Et cependant je continue à chercher
 
quelqu'un qui ne me comprendrait pas

 et que je ne comprendrais pas, car j'ai

 un besoin effrayant de fraternité."

Emile Ajar.








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6 février 2010 6 06 /02 /février /2010 21:11
Soirée intellectuelle

K-White


("L'idée devient femme" - Nietzsche)


J'ai lu beaucoup de textes hindous
ces dernières années
cent ouvrages étudiés à fond
mais quand je le suis trouvé ce soir-là
près de la fille
au sari bleu
alors qu'on attendait de moi
quelque conversation brillante
je n'ai pu penser à rien d'autre
qu'au sari bleu
et à la nudité qu'il couvrait


Kenneth White

sari bleu
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5 février 2010 5 05 /02 /février /2010 21:40
Entretien avec moi-même

« A quoi sert la poésie ?
- La poésie ne sert à rien.
- A quoi sert la vie ?
- La vie ne sert à rien.
- La vie sert à donner vie à la poésie. »

Salah Stétié
Stétié
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3 février 2010 3 03 /02 /février /2010 09:30
I'd like to read
one of the poems
that drove me into poetry
I can't remember one line
or where to look

the same thing
happened with money
girls and late evenigs of talk

Where are the poems
that led me away
from everything I loved

to stand here
naked with the thought of finding thee.

Leonard Cohen
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31 janvier 2010 7 31 /01 /janvier /2010 16:10
SPLEEN du passé SURREALISTE AU-DESSUS DE LA MER




à voir
là où je suis, l’estrade vermoulue du monde éteint, sous mes bottes sales ou le repos que je pensais, et nous contemplons, dos tournés, vaste pays, un passé révolu, lisière et plainte et  fracas.
méchants remous de tourbillons gras, papiers sales jaunis.
falaises, océans multiples, mélange familier
l’eau de mer boit, paisible, le sable aux couleurs claires, rejets de vagues, tendre bonne eau, limpide, flux et reflux
…/…
courtoisie de mes plaintes, odeur de pain chaud dans mes têtes, dossier érodé du monde érodé.
Je lis, je bois pour me détacher des idées de mort, ou de ruines antiques, parfumés d’embruns, d’ocres, algues pourrissantes, ou triste ou sinistre, la fin morose des vignes sauvages d’où je tenais notre vin
mes vies d’être humain, puis fœtaux membres en déclin…

derrière mon dos, il y a le verger de pommes noires et d’amertume
la vie déprécie, je disais, pour une perte de temps complexe
intimement visage infime dont mes souvenances,
la marée sombre et la robe blanche ont grisonné
au miroitement de l’embarcadère ennuyeux et les

mains entre bouées et balises, en escalier vers chemins et dunes avancées et
naviguer en s’effaçant, refusant déjà les abîmes
plonger blême dans les lieux imparfaits
définir, suivant les marques, les à-coups insatisfaits
les petites morts de trop

qu’il est ridicule le temps d’hier
une danse passée sur la plage mesquine
parcelle irréelle terrasse unique
surplomb où je peux voir « en dessous »

avec le bruit d’un silence infirme
où toute graine sonne mélancolie




oeuvre photographiée (musée Kampa à Prague)
de Magdalena Abakanovic

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30 janvier 2010 6 30 /01 /janvier /2010 20:02


Henri Michaux est sans conteste un de mes poètes préférés, quelqu'un de ma parentèle, un frère, un ami, un père, une borne sur ma route
c'est surtout un poète "à dire", ses poèmes se lisent, se disent, se récitent tout simplement tellement les mots viennent bien
Michel Bouquet les avait lui même dits avec une perfection divine sur un 33 tours que j'ai écouté des centaines de fois, essayant d'imiter, de reproduire le grand acteur.

On commence par "dans la nuit" / Plume / Gallimard / 1963

diction : la-nuit.mp3 la-nuit.mp3



Dans la nuit
Dans la nuit
Je me suis uni à la nuit
A la nuit sans limites
A la nuit

Mienne, belle, mienne

Nuit
Nuit de naissance
Qui m'emplit de mon cri
De mes épis.
Toi qui m'envahis
Qui fais houle houle
Qui fais houle tout autour
Et fume, es fort dense
Et mugis
Es la nuit.
Nuit qui gît, nuit implacable.
Et sa fanfare, et sa plage
Sa plage en haut, sa plage partout,
Sa plage boit, son poids est roi, et tout ploie
    sous lui
Sous lui, sous plus ténu qu'un fil
Sous la nuit
La Nuit.
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29 janvier 2010 5 29 /01 /janvier /2010 01:06
    Le théâtre m'a apporté beaucoup de satisfaction, soit de belles mises en scène, soit des textes sublimes, parfois quand les dieux s'accordaient, les deux en même temps. Je me souviens de quelques pièces exceptionnelles, comme "Faut pas payer" de Dario Fo avec un orchestre de jazz derrière, ou certains spectacles mis en scène par Patrice Chéreau, ou certaines dictions de Terzieff disant Pinter particulièrement, Molière aussi bien sûr.
    Mais une pièce qui m'avait réellement scotché sur mon siège tant elle était parfaite, c'est sans nul doute "Jacques et son maître" hommage à Denis Diderot écrit par Milan Kundera et que j'ai eu la chance de voir au théâtre des Mathurins en 1981, mis en scène par Georges Werler. Les acteurs étaient sublimes, la mise en scène intelligente et astucieuse, le texte merveilleux. Bref, du pur bonheur à l'état brut. Je me souviens en particulier d'un passage sur les poètes.  Le voici, qu'en pensez-vous ?

"Les mauvais poètes" ...

.../...
JACQUES : Monsieur, vous vouliez me dire un mot au sujet de ce poète.
LE MAITRE, encore sous le charme de l'aubergiste : Poète ?
JACQUES : Le jeune poète qui alla trouver notre maître à tous deux?
LE MAITRE  : Oui! Un jour, un jeune poète est venu chez notre maître, celui qui nous a inventés. Les poètes venaient souvent l'embêter. Les jeunes poètes sont toujours légion. Ils s'accroissent d'environ 400.000 chaque année. Rien qu'en France. Et c'est pire chez les nations moins cultivées!
JACQUES : Et qu'en fait-on? On les noie?
LE MAITRE : C'était l'usage autrefois. A Sparte, dans le bon vieux temps. Là-bas, les poètes étaient précipités dans la mer du haut de la roche aussitôt après leur naissance. Mais en notre siècle éclairé, il est permis à quiconque de vivre jusqu'à la fin de ses jours.
.../...
Donc un jour un jeune poète se présente chez notre maître et tire de sa poche un papier. "mais en voilà une surprise, dit notre maître, ce sont des vers ! - Oui, des vers, Maître, des vers de mon cru, dit le poète. Je vous prie de me dire la vérité, rien que la vérité. - Et vous avez peur de la vérité dit notre Maître ? - Non ", répondit le jeune poète d'une voix tremblante. Et notre Maître lui dit : "cher ami, non seulement il m'est démontré que vos vers ne valent pas leur pesant de merde, mais jamais vous n'en ferez de meilleurs! - C'est fâcheux, dit le jeune poète, il faudra donc que j'en fasse de mauvais toute ma vie. " Et notre Maître de répondre : "Je vous avertis, jeune poète. Ni les dieux, ni les hommes, ni les poteaux indicateurs n'ont jamais pardonné la médiocrité aux poètes! - Je le sais, dit le poète, mais je n'y peux rien, c'est une impulsion. "
JACQUES : Une quoi ?
LE MAITRE : Une impulsion. "C'est une formidable impulsion qui me pousse à écrire de mauvais vers. - Encore une fois, je vous avertis!" s'écria notre maître ; et le jeune poète lui répondit : "Je sais, Maître, que vous êtes le grand Diderot, et que je suis un mauvais poète, mais nous autres les mauvais poètes, nous sommes les plus nombreux, nous aurons toujours la majorité! L'humanité toute entière n'est composée que de mauvais poètes! Et le public, par l'esprit, par le goût, le sentiment n'est qu'une assemblée de mauvais poètes! Comment pensez-vous que de mauvais poètes pourraient offenser d'autres mauvais poètes ? Les mauvais poètes qui sont le genre humain sont fous de mauvais vers! C'est justement parce que j'écris de mauvais vers que je deviendrai un jour un grand poète consacré!"
.../...


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