"Comme le phalène, je vole droit au brasier et baise l'incandescence."
Sergueï Essenine
Certaines choses
Nous entourent « et les voir
Equivaut à se connaître »
George Oppen
"Mais rien de cette nature n'est définitivement acquis. Comme une eau, le monde vous traverse et pour un temps vous
prête ses couleurs. Puis se retire, et vous replace devant ce vide qu'on porte en soi, devant cette espèce d'insuffisance centrale de l'âme qu'il faut bien apprendre à côtoyer, à combattre, et
qui, paradoxalement est peut-être notre moteur le plus sûr." Nicolas Bouvier
« La poésie vient vers nous, on ne sait d’où, et elle nous quitte, allant vers on ne sait quel au-delà. Mais en passant, elle nous laisse des mots et elle nous fait des signes dont l’interprétation est inépuisable. » Gabriel Bounoure
" Avec tes défauts. Pas de hâte. Ne va
pas à la légère les corriger. Qu'irais tu mettre à la place ? " Henri Michaux
"Savoir que nous ignorons tant de choses suffit à mon bonheur." George Oppen
"Comme le phalène, je vole droit au brasier et baise l'incandescence."
Sergueï Essenine
J'ai peu de choses à dire au fond je cherche peu de choses
Et tout le reste c'est un habit sur moi à peu près ajusté
Je peux bien partager votre combat vos certitudes : papier-buvard
Le mal au fond le mien c'est ailleurs un fanal resté allumé
J'écris, ma femme dort, je rassemble un maigre bagage
Un maigre bien des idées vagues, des tentatives de notions
Tout ce à quoi je souscris et qu'en bon entendement il faut admettre
Des restes de vos garde-robes, des idées de révolution
Qu'est-ce que j'ai à moi ? Ma mère le lundi qui lave
Quand elle pleure, c'est qu'elle a les yeux pleins de savon
Le linge sèche, la cuisine est humide, la radio couvre le cri des gosses
Je n'ai rien qu'une enfance banale comme un cartable en carton
O les appartements tièdes, les belles dames
Messieurs qui parlez fort bien et lisez des journaux avancés
Comme si le monde vous appartenait ô fils de familles
Vous êtes les meilleurs jusque dans la révolte ô impeccables révoltés
Qu'est-ce que c'est mon bien ? Qu'est-ce que je peux mettre dans la balance
Je suis ce bateau à l'écart des routes échoué
Dans une nuit où flottent des mots insaisissables
Parfois ils frôlent les toits comme le bas des robes brodées
Mère de mon ami madame des romans et des jardins à la française
Cheveux tirés qui régnez sur vos bibelots et vos rendez-vous
Que faites-vous ici ce soir, pourquoi vous déshabillez-vous
Ici, chez ce jeune homme qui est un enfant et qui vous prend les genoux
Parlez très vite et que s'effondre l'édifice
Je pénètre dans le parc interdit, je brise tout
Quand vous serez vaincue, votre monde souillé avec vous
Je suis encore l'enfant qui s'excuse pour le désordre et pour tout
Qu'est-ce que c'est mon bien ? le silence des enfants des pauvres
Et deux ou trois détails à dire aux copains les jours d'abandon
Un dimanche matin d'hiver, un jour, quand j'étais gosse
Il fait chaud, dehors, j'entends passer les dynamos
Qu'est-ce que j'ai à moi ? Qu'est-ce que je peux dire pour ma défense
Un souvenir sans intérêt, une nuit de vendredi saint
Nous allions boire un café à 25 francs sur une table de campagne
En ville, des messieurs-dames parlent des poètes avec du maintien
Qu'est-ce j'ai à dire On ne m'a pas donné la parole
J'ai le manteau troué au vent des étoiles de la révolution
Je suis sur mon vélo, je rentre à la maison par la croix-blanche
O mon père et ma mère laissez le garage allumé, je rentre à la maison
ma diction à moi de ce très beau texte :
Une photo du disque montre tout ce joli monde à table, une photo qui respire l'amitié de la jeunesse et le désir de bien faire ce à quoi on croit. L'idéal pour moi est là à cette table : l'amitié (des choses inertes ;-) ), la ferveur, la foi, les idéaux réconciliés, la jeunesse impétueuse...
Didier Levallet a eu ensuite la carrière que l'on connaît dans le milieu du jazz, il fut même directeur de l'orchestre national de jazz pendant deux années je crois ; Siegfried Kessler était sans nul un des plus grands pianistes de jazz, il est mort, il y a peu, noyé, en début d'année, loupant l'entrée de son voilier un soir sans nul doute de large griserie ?
Cette "gauche-là" a bel et bien disparue, on ne la revoit pas, on ne la reverra sans doute jamais et c'est bien dommage. Peut-être est-ce aussi une histoire d'âge ? De cette jeunesse-là, forcément de gauche et contre toutes les injustices et les inégalités.
Merci encore mon ami Jacques.
Nuages en bedaine
Pluies fécaloïdes
Feintes de givre
Opalescence glacière
De tes yeux monstrueux
Il y avait du goémon dans les cieux
Si sombre
On devait éjointer cet amour
Débarras à l’ombre
Pour cette débâcle stupide
Nuages en bedaine
Pluies fécaloïdes
Feintes de givre
Opalescence glacière
De tes yeux monstrueux
Intense râle du temps qui passe
Drame obscurant
Où glissent encore
Des fragrances d’or
En fraisiers odorants
Nuages en bedaine
Pluies fécaloïdes
Feintes de givre
Opalescence glacière
De tes yeux monstrueux
Ces raisins de railleries
Ces rolles pinots grenaches
Malvoisie et malaga
Farfelu ton sexe grappe
De muscat d’ivresses caresses
Nuages en bedaine
Pluies fécaloïdes
Feintes de givre
Opalescence glacière
Tes gros yeux monstrueux
Tes gros yeux monstrueux
iris nain qui semble me fixer
impression fugace du sens de ma vie et de la vie en général, qu’est-on ?
il ne faut pas chercher une utilité à sa vie nous dit Nicolas Bouvier
seuls les sentiments comptent dit-on / que faisons nous pour les entretenir ?
vieillissement de la fleur comme métaphore du passage de la vie
chaos désordre
le petit iris nain est là
sobrement nettement
il perce la pierre, il sort du minéral
son jaune est éclatant et les cailloux sont gris
dans les autres corps, les autres présences
rien qu’un vide infini
un vide "central"
quelques insectes vrombissent dans la quiétude
de cet instant charmeur
cependant insuffisant
éminemment au plus mal
AMOUR HEUREUX, cet
accord, coïncidence
comme carrefour.
*
Les formes affrontent
les faits trouvent.
*
Un
faisan une
faisane
marchent côte à côte.
Rien, cette écume, vierge vers
A ne désigner que la coupe ;
Telle loin se noie une troupe
De sirènes mainte à l'envers.
Nous naviguons, ô mes divers
Amis, moi déjà sur la poupe
Vous l'avant fastueux qui coupe
Le flot de foudres et d'hivers ;
Une ivresse belle m'engage
Sans craindre même son tangage
De porter debout ce salut
Solitude, récif, étoile
A n'importe ce qui valut
Le blanc souci de notre toile.
Salut amical à tous les poètes, Mallarmé se sent vieux et invite les jeunes à triompher à l'étrave du navire des poètes...
solitude du poète, mais aussi sentiment de plénitude à n'être pas seul, coupe de Champagne à la main !
" Très tôt j'ai compris que j'étais comme les cerises et que je me conserverais mieux et plus longtemps dans l'eau de vie."
Pierre Autin Grenier
"Mon ambition est de saisir une touche d'éphémère."
Berthe Morisot
POUR TOUT DIRE
Je n'aurai pour tout dire
Ecrit sur mon chemin
Que mon incertitude
La buée qui recouvrait la vitre
Et peut-être la vitre
Mais jamais la fenêtre
Et jamais le chemin
le ciel est colossal avec ses geysers pulsant l’air
de nombreux nuages dystociques brament l’univers
la robe au sol
comme un chiffon une gifle de ton corps
un intervalle au passant
et moi qui demeure
l’espacement cuivre
ton sexe de calisson
ferveur le soleil revient
ici-bas sur terre où il faudrait vivre
parfois ta peau ornée sanguine est mon sanctuaire
le ciel grand dehors est sans-dieu a un goût de santal
c’est un trésor d’être vivant au sein de ce monde
vésicules dentelées où mes ongles crochent mal
déraison de toi même dérisoire oraison, amour
c’est une closerie que de toi je comprends si mal
comme une frénétique fin de vie où tout serait à faire
j’ai beau déverser en toi toutes mes déviances
je besogne trop dans ce monde pour enfin t’appréhender
aseptique amour
amour amaigri
il faudrait revenir à ma solitude épave
obscènes et obscurs débris de vie
couple de Caloptéryx au bord d'un ruisseau...
Je respire où tu palpites,
Tu sais ; à quoi bon, hélas !
Rester là si tu me quittes,
Et vivre si tu t'en vas ?
A quoi bon vivre, étant l'ombre
De cet ange qui s'enfuit ?
A quoi bon, sous le ciel sombre,
N'être plus que de la nuit ?
Je suis la fleur des murailles
Dont avril est le seul bien.
Il suffit que tu t'en ailles
Pour qu'il ne reste plus rien.
Tu m'entoures d'Auréoles;
Te voir est mon seul souci.
Il suffit que tu t'envoles
Pour que je m'envole aussi.
Si tu pars, mon front se penche ;
Mon âme au ciel, son berceau,
Fuira, dans ta main blanche
Tu tiens ce sauvage oiseau.
Que veux-tu que je devienne
Si je n'entends plus ton pas ?
Est-ce ta vie ou la mienne
Qui s'en va ? Je ne sais pas.
Quand mon orage succombe,
J'en reprends dans ton coeur pur ;
Je suis comme la colombe
Qui vient boire au lac d'azur.
L'amour fait comprendre à l'âme
L'univers, salubre et béni ;
Et cette petite flamme
Seule éclaire l'infini
Sans toi, toute la nature
N'est plus qu'un cachot fermé,
Où je vais à l'aventure,
Pâle et n'étant plus aimé.
Sans toi, tout s'effeuille et tombe ;
L'ombre emplit mon noir sourcil ;
Une fête est une tombe,
La patrie est un exil.
Je t'implore et réclame ;
Ne fuis pas loin de mes maux,
O fauvette de mon âme
Qui chantes dans mes rameaux !
De quoi puis-je avoir envie,
De quoi puis-je avoir effroi,
Que ferai-je de la vie
Si tu n'es plus près de moi ?
Tu portes dans la lumière,
Tu portes dans les buissons,
Sur une aile ma prière,
Et sur l'autre mes chansons.
Que dirai-je aux champs que voile
L'inconsolable douleur ?
Que ferai-je de l'étoile ?
Que ferai-je de la fleur ?
Que dirai-je au bois morose
Qu'illuminait ta douceur ?
Que répondrai-je à la rose
Disant : " Où donc est ma soeur ?"
J'en mourrai ; fuis, si tu l'oses.
A quoi bon, jours révolus !
Regarder toutes ces choses
Qu'elle ne regarde plus ?
Que ferai-je de la lyre,
De la vertu, du destin ?
Hélas ! et, sans ton sourire,
Que ferai-je du matin ?
Que ferai-je, seul, farouche,
Sans toi, du jour et des cieux,
De mes baisers sans ta bouche,
Et de mes pleurs sans tes yeux !
Victor Hugo.
je rentrais dans la grande forêt musicale
sensible aux vents aux fleurs sonores à la senteur
acoustique au parfum des cuivres aux stridences
pédonculées des guitares électriques
je rentrais dans la forêt des sons comme un
enfant qui découvre pour la première fgois la mer
ou qui arrive par le haut au théâtre de
Vaison-La-Romaine et qui tout à coup sent le
grand vide des gradins l'aspirer et lui
monter au visage
Julos Beaucarne