La mer m’effleure de tous ses doigts ; je rêve, illuminé par mes mensonges et mes peines ; les chants musicaux flottent insensiblement et les mouettes guettent les innocents noyés inattentifs
Quelques dériveurs plongent et ressortent, ruisselants d’aigue-marine, les essences marines et les nuages préparent leur migration ; quelques oiseaux crient – de joie – ou se heurtent aux fractures des cieux
Ma main se rapproche de la tienne, mais nous restons désunis ; les détours des réalités sont sombres et difficiles ; à ma lucarne, un phare et dehors, la mer ; les minutes du bonheur sont éternelles dans leur silence
Ces filles gracieuses sur la plage font vibrer le sable ; j’aimerais que ce phare écrive les mots d’amour que j’ai en tête ; leur innocence floue est du meilleur effet au soir qui arrive ; le soleil est terni et l’air manque
Passent des grands chevaux dans l’écume forte ; la mer reprend de la force et rugit ses animaux puissants ; l’air de rien, regarder ces paysages d’eau donne du cran et du vouloir vivre ; il y a de l’inspiration et des fuites
Le soir est triste sans ta présence ; la peinture éternelle, c’est le sombre sang, que ma belle fidèle fait couler depuis cent ans ; je ne sais plus d’où vient cette ritournelle ; je ne distingue plus tes maigres signatures ; il va faire nuit
Le sable bleu est mon étable ; manque juste le toit pour me boire ; les chevilles des jeunes filles sont blanches, fines, attirantes ; tu es comme la neige au printemps : un délice ; ton ventre plat et jeune tangue lui aussi des airs anglais
Tu es si belle que mon chat n’arrête pas de miauler ; mes mains tremblent ; je ne sais plus distinguer l’invisible et l’impossible ; tu es partie avec ton cou de cerise et tes mots à toi ; tout – comme des dominos – s’écroulerait alors
Mes isobares faiblissent ; le soir finit de tomber avec seul le silence de la mer immortelle ; cela hésite entre l’équilibre et la catastrophe ; je rêve de méduses géantes qui viendraient m’embarquer dans leur désastre d’eau
Le soleil est oblique et complice, j’hésite à savoir si tu existes, ton corps est une danse à lui seul ; pourquoi l’amour fait-il peur ? pourquoi brûler avec amour ? pourquoi mon corps est encore chaud dans cette attente ?
Pourquoi des lézardes – toujours – à l’horizon ? et cependant tu n’es pas morte, et dans l’ombre grandissante, c’est bien ton corps que je vois ; le crépuscule mange mes mots ; le soir tombe encore dans une paix douce
L’insonorité de mon cœur est totale et pourtant j’existe, ton corps à peine couvert est un lavis ; ta peau, une lavande, une bougie, un assemblage incroyable, un puzzle où chaque jour je travaille, quelque peu asservi
Les fêtes du soir sont là, comme un immense fessier du monde, des odeurs acres de sexe bleuis ; massivement beaucoup d’amour que chacun peine à exprimer ; je prône l’amour dans le sable au soleil couchant
J’aurais rêvé cet amour ? Existes-tu ? femme sauvage, sublimement ; musaraigne de femme tant ton corps est gracile ; comment pourrait-il enfanter ? toi, qui le veux tant ? je semble gigantesque dans ma maladresse
C’est le décompte de la journée qui coule, bientôt, je ne te discernerai plus ; cette danse foutue de ton corps girelle ; indépendante es-tu, alors que tu semblais si fragile ; tes chevilles sont les plus belles du monde et leur naissance, aussi
La plage est désertée, le sable est violet, ta silhouette printanière ; ton imago – enfin – illumine frontal ; et ton manteau une étole d’étoiles, silhouette découpée dans le noir brouillé ; seul à nouveau dans l’apathie de ma vie
Et toi, dans ce carnage, tu me dis « je rentre » « tu viens ? »
Tu apparais humaine, brutalement de nouveau
Et ma faiblesse d’enfant devient ma force : je tends la main
Et le soir est enfin tombé sur cette plage de l’Atlantique
Ton corps enfin jouxte le mien prêt à jouir, prêt à jouer
Boum fait le soleil dans l’eau, tu ris, je suis rassuré
Alors :
Pourquoi je pense aux morts lorsque tu me dis d’être heureux ?