Certaines choses
Nous entourent « et les voir
Equivaut à se connaître »
George Oppen
"Mais rien de cette nature n'est définitivement acquis. Comme une eau, le monde vous traverse et pour un temps vous
prête ses couleurs. Puis se retire, et vous replace devant ce vide qu'on porte en soi, devant cette espèce d'insuffisance centrale de l'âme qu'il faut bien apprendre à côtoyer, à combattre, et
qui, paradoxalement est peut-être notre moteur le plus sûr." Nicolas Bouvier
« La poésie vient vers nous, on ne sait d’où, et elle nous quitte, allant vers on ne sait quel au-delà. Mais en passant, elle nous laisse des mots et elle nous fait des signes dont l’interprétation est inépuisable. » Gabriel Bounoure
" Avec tes défauts. Pas de hâte. Ne va
pas à la légère les corriger. Qu'irais tu mettre à la place ? " Henri Michaux
"Savoir que nous ignorons tant de choses suffit à mon bonheur." George Oppen
Jean Vasca est mort dans la nuit du solstice d'hiver à 76 ans, là en 2016...
Lui qui utilisait Cocteau pour définir la poésie...
(https://www.youtube.com/watch?v=kTBpZuJrOsc)
"Demandez à un poète de définir de poésie, c'est un peu comme si vous demandiez à une fleur de parler d'horticulture..."
Un des bons amis de Jacques Bertin, ce dernier consacrant un beau CD au "club des cinq"...
Jacques Bertin est le dernier de cette bande de joyeux zouaves qui cherchait à inventer "une autre chanson", loin du showbiz et des médias.En pleine amitié.
Jean Vasca laisse une trentaine de CD, une dizaine de recueils de poésies. Il est le seul avec Jacques Bertin a avoir eu de son vivant un CD de la célèbre collection "POETES & CHANSONS" (chants Vasca et Ogeret)(EPM 2005©)
Bref un "poète-chanteur" lui aussi d'une force peu commune et si ignoré du grand public...
Il a également travaillé avec des arrangeurs de génie : Michel Devy, Robert Suhas ou Rosso (Brassens).
Comme Bertin, la rencontre avec Luc Bérimont fut déterminante.
Une de mes chansons préférées
datant de 1970, le temps passe comme on dit...
ici magnifiquement chantée par Marc Ogeret
les youtube de Vasca semblant avoir disparu pour la plupart...
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NOUS N'AVONS DE CHATEAUX
Nous n'avons de châteaux qu'engloutis en nous-mêmes
La musique du siècle bourdonne à nos oreilles
Les moteurs de la mort échauffent en nous leurs bielles
Et nous cherchons en vain de nos destins l'emblème
Nous n'avons de châteaux qu'en de lointains pays
Entre l'ennui de vivre et les métamorphoses
Etre voleur fu feu ou complice des roses
S'incarner à genoux ou bien n'être qu'un cri
Nous n'avons de châteaux qu'en notre solitude
Les hommes sont dehors avec les poings fermés
Et l'amour nous fait signe avec ses yeux crevés
Des ombres des rumeurs sous d'autres latitudes
Nous n'aurons de châteaux qu'au delà de nous-mêmes
Dans l'espace gagné où perce enfin réelle
Cette étoile impossible qui nous écartèle
Nous n'aurons de châteaux qu'au delà de nous-mêmes
Cette chanson, il a commencé à l’écrire au début des années 60 dans une version comportant 55 strophes de 8 octosyllabes. Ferré en modifia sans cesse le nom et les paroles d’abord appelée Les chants de la Fureur puis Ma Bretagne à Moi, la chanson sortira finalement sous le titre La mémoire et la Mer comportant seulement 10 strophes. Les chansons La Mer Noire, Géométriquement Tien (1976), Des mots (1979), FLB (1980) et La Marge, Christie (1981) sont composées des strophes abandonnées pour La Mémoire et la Mer. La mélodie très simple de cette chanson, un triolet ressemblant à celui d’Avec le Temps, mêlé à la voix nostalgique de Ferré sur des paroles envoûtantes, lyriques en font une œuvre magnifique et émouvante, bien qu’un peu hermétique. Il n’est pas étonnant de la voir reprise par de nombreux artistes ou citée comme référence, à l’image d’un autre grand de la chanson française, Hubert Felix Thifeaine qui a déclaré que « La Mémoire et la Mer est unique, c’est une révolution dans la chanson »
EN BLEU TEXTE DE Jacques LAYANI
Cette version "complète" a été aussi "dite à voix nue" par le grand ami de Léo Richard Martin à Marseille...
Le dernier cahier d'études paru sur Ferré (le N°11) ne parle quasiment que de ce "poème-fondateur" Pendant 16 ans Ferré travaillera ce texte dont un des titres est "Guesclin 1" du nom de l'île du Guesclin où il habita (pas loin de St Malo et Cancale) ; finalement voici 55 strophes, chacune de huit octosyllabes ; chef d'oeuvre de poésie surréaliste, chef d'oeuvre de la chanson... C'est un texte hautement autobiographique qui peut sembler bien hermétique. Ce texte lu devient réellement "surréel", les mélanges de sexe, de mer, de mots... Au final, donc, 7 chansons naitront de ce poème-fleuve. L'histoire retiendra essentiellement "La mémoire et la mer" dont même Léo s'étonnera du succès, le texte étant hermétique nettement et compréhensible pour ceux qui ont les clés (en d'autres termes, les gens qui connaissent bien la vie du poète et ses amis).
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Je viens à l'instant de découvrir la version récitée de Jean-Baptiste Mersiol ; cela dure plus de 14 minutes et c'est 14 minutes d'un bonheur intense et magique ; la voix est légèrement monotone, le texte est dit dans une longue mélopée - litanie maritime -, les changements de tons sont rares donnant à l'ensemble une cohérence et une puissance insolite et sublime. Je suis heureux de voir que le plus grand poète chanteur de tous les temps puisse être encore interprété avec un tel langage ! Bravo ! A acheter donc urgemment ! |
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Christie quand je t'ai vue plonger Mes vergues de roc où ça cogne Des feuilles mortes se peignaient Quelque part dans la Catalogne Le rite de mort aperçu Sous un divan de sapin triste Je m'en souviens j'étais perdu La Camarde est ma camériste
C'était un peu après-midi Tu luisais des feux de l'écume On rentrait dans la chantilly Avec les psaumes de la brume La mer en bas disait ton nom Ce poudrier serti de lames Où Dieu se refait le chignon Quand on le prend pour une femme
Ô chansons sures des marins Dans le port nagent des squelettes Et sur la dune mon destin Vend du cadavre à la vedette En croix granit christ bikini Comme un nègre d'enluminure Je le regarde réjoui Porter sur le dos mon carbure
Les corbeaux blancs de Monsieur Poe Géométrisent sur l'aurore Et l'aube leur laisse le pot Où gît le homard nevermore Ces chiffres de plume et de vent Volent dans la mathématique Et se parallélisent tant Que l'horizon joint l'ESThétique
L'eau cette glace non posée Cet immeuble cette mouvance Cette procédure mouillée Me fait comme un rat sa cadence Me dit de rester dans le clan A mâchonner les reverdures Sous les neiges de ce printemps A faire au froid bonne mesure
Et que ferais-je nom de Dieu Sinon des pull-overs de peine Sinon de l'abstrait à mes yeux Comme lorsque je rentre en scène Sous les casseroles de toc Sous les perroquets sous les caches Avec du mauve plein le froc Et la vie louche sous les taches
Cette rumeur qui vient de là Sous l'arc copain où je m'aveugle Ces mains qui me font du flafla Ces mains ruminantes qui meuglent Cette rumeur qui me suit longtemps Comme un mendiant sous l'anathème Comme l'ombre qui perd son temps A dessiner mon théorème
Et sur mon maquillage roux S'en vient battre comme une porte Cette rumeur qui va debout Dans la rue aux musiques mortes C'est fini la mer c'est fini Sur la plage le sable bêle Comme des moutons d'infini Quand la mer bergère m'appelle
Tous ces varechs me jazzent tant Que j'en ai mal aux symphonies Sur l'avenue bleue du jusant Mon appareil mon accalmie Ma veste verte de vert d'eau Ouverte à peine vers Jersey Me gerce l'âme et le carreau Que ma mouette a dérouillé
Laisse passer de ce noroît À peine un peu d'embrun de sel Je ne sais rien de ce qu'on croit Je me crois sur le pont de Kehl Et vois des hommes vert-de-gris Qui font la queue dans la mémoire De ces pierres quand à midi Leur descend comme France-Soir
La lumière du Monseignor Tout à la nuit tout à la boue Je mets du bleu dans le décor Et ma polaire fait la moue J'ai la leucémie dans la marge Et je m'endors sur des brisants Quand mousse la crème du large Que l'on donne aux marins enfants
Quand je me glisse dans le texte La vague me prend tout mon sang Je couche alors sur un prétexte Que j'adultère vaguement Je suis le sexe de la mer Qu'un peu de brume désavoue J'ouvre mon phare et j'y vois clair Je fais du Wonder à la proue
Les coquillages figurants Sous les sunlights cassés liquides Jouent de la castagnette tant Qu'on dirait l'Espagne livide Je fais les bars américains Et je mets les squales en laisse Des chiens aboient dessous ton bien Ils me laisseront leur adresse
Je suis triste comme un paquet Sémaphorant à la consigne Quand donnera-t-on le ticket A cet employé de la guigne Pour que je parte dans l'hiver Mon drap bleu collant à ma peau Manger du toc sous les feux verts Que la mer allume sous l'eau
Avec les yeux d'habitants louches Qui nagent dur dedans l'espoir Beaux yeux de nuit comme des bouches Qui regardent des baisers noirs Avec mon encre Waterman Je suis un marin d'algue douce La mort est comme un policeman Qui passe sa vie à mes trousses
Je lis les nouvelles au sec Avec un blanc de blanc dans l'arbre Et le journal pâlit avec Ses yeux plombé dessous le marbre J'ai son Jésus dans mon ciré Son tabernacle sous mon châle Pourvu qu'on s'en vienne mouiller Son chalutier sous mon Bengale
Je danse ce soir sur le quai Une rumba toujours cubaine Ça n'est plus Messieurs les Anglais Qui tirent leur coup capitaine Le crépuscule des atouts Descend de plus en plus vers l'ouest Quand le général a la toux C'est nous qui toussons sur un geste
Le tyran tire et le mort meurt Le pape fait l'œcuménique Avec des mitres de malheur Chaussant des binettes de biques Je prendrai le train de marée Avec le rêve de service A dix-neuf heures GMT Vers l'horizon qui pain d'épice
O boys du tort et du malheur O beaux gamins des revoyures Nous nous reverrons sous les fleurs Qui là-bas poussent des augures Les fleurs vertes des pénardos Les fleurs mauves de la régale Et puis les noires de ces boss Qui prennent vos corps pour un châle
Nous irons sonner la Raison A la colle de prétentaine Réveille-toi pour la saison C'est la folie qui se ramène C'est moi le dingue et le filou Le globetrotteur des chansons tristes Décravate-toi viens chez nous Mathieu te mettra sur la piste
Reprends tes dix berges veux-tu Laisse un peu palabrer les autres A trop parler on meurt sais-tu T'a pas plus con que les apôtres Du silence où tu m'as laissé Musiquant des feuilles d'automne Je sais que jamais je n'irai Fumer la Raison de Sorbonne
Mais je suis gras comme l'hiver Comme un hiver analgésiste Avec la rime au bout du vers Cassant la graine d'un artiste A bientôt Raison à bientôt Ici quelquefois tu me manques Viens je serai ton fou gâteau Je serai ta folie de planque
Je suis le prophète bazar Le Jérémie des roses cuisses Une crevette sur le dard Et le dard dans les interstices Je baliverne mes ennuis Je dis que je suis à la pêche Et vers l'automne de mes nuits Je chandelle encore la chair fraîche
Des bibelots des bonbons surs Des oraisons de bigornades Des salaisons de dessous mûrs Quand l'oeil descend sous les oeillades Regarde bien c'est là qu'il gît Le vert paradis de l'entraide Vers l'entre doux de ton doux nid Si tu me tends le cœur je cède
Ça sent l'odeur des cafards doux Quand le crépuscule pommade Et que j'enflamme l'amadou Pour mieux brûler ta chair malade O ma frégate du palier Sur l'océan des cartons-pâtes Ta voilure est dans l'escalier Reviens vite que je t'empâte
Une herbe douce comme un lit Un lit de taffetas de carne Une source dans le Midi Quand l'ombre glisse et me décharne Un sentiment de rémission Devant ta violette de Parme Me voilà soumis comme un pion Sur l'échiquier que ta main charme
Le poète n'est pas régent De ses propriétés câlines Il va comme l'apôtre Jean Dormant un peu sur ta poitrine Il voit des oiseaux dans la nuit Il sait que l'amour n'est pas reine Et que le masculin gémit Dans la grammaire de tes chaînes
Ton corps est comme un vase clos J'y pressens parfois une jarre Comme engloutie au fond des eaux Et qui attend des nageurs rares Tes bijoux ton blé ton vouloir Le plan de tes folles prairies Mes chevaux qui viennent te voir Au fond des mers quand tu les pries
Mon organe qui fait ta voix Mon pardessus sur ta bronchite Mon alphabet pour que tu croies Que je suis là quand tu me quittes Un violon bleu se profilait La mer avec Bartok malade O musique des soirs de lait Quand la Voie Lactée sérénade
Les coquillages incompris Accrochaient au roc leurs baroques Kystes de nacre et leurs soucis De vie perleuse et de breloques Dieu des granits ayez pitié De leur vocation de parure Quand le couteau vient s'immiscer Dans leurs castagnettes figures
Le dessinateur de la mer Gomme sans trêve des pacages Ça bêle dur dans ce désert Les moutons broutent sous les pages Et la houle les entretient Leur laine tricote du large De quoi vêtir les yeux marins Qui dans de vieux songes déchargent
Ô lavandière du jusant Les galets mouillés que tu laisses J'y vois comme des culs d'enfants Qui dessalent tant que tu baisses Reviens fille verte des fjords Reviens gorge bleue des suicides Que je traîne un peu sur tes bords Cette manie de mort liquide
J'ai le vertige des suspects Sous la question qui les hasarde Vers le monde des muselés De la bouche et des mains cafardes Quand mon ange me fait du pied Je lui chatouille le complexe II a des ailes ce pédé Qui sont plus courtes que mon sexe
Je ne suis qu'un oiseau fardé Un albatros de rémoulade Une mouche sur une taie Un oreiller pour sérénade Et ne sais pourtant d'où je viens Ni d'où me vient cette malfide Un peu de l'horizon jasmin Qui prend son " té" avec Euclide
Je suis devenu le mourant Mourant le galet sur ta plage Christie je reste au demeurant Méditerranéen sauvage La marée je l'ai dans le cœur Qui me remonte comme un signe Je meurs de ma petite sœur De mon enfant et de mon cygne
Un bateau ça dépend comment On l'arrime au port de justesse Il pleure de mon firmament Des années-lumière et j'en laisse Je suis le fantôme Jersey Celui qui vient les soirs de frime Te lancer la brume en baisers Et te ramasser dans ses rimes
Comme le trémail de juillet Où luisait le loup solitaire Celui que je voyais briller Aux doigts du sable de la terre Rappelle-toi ce chien de mer Que nous libérions sur parole Et qui gueule dans le désert Des goémons de nécropole
Je suis sûr que la vie est là Avec ses poumons de flanelle Quand il pleure de ces temps-là Le froid tout gris qui nous appelle Ô l'ange des plaisirs perdus Ô rumeurs d'une autre habitude Mes désirs dès lors ne sont plus Qu'un chagrin de ma solitude
Je me souviens des soirs là-bas Et des sprints gagnés sur l'écume Cette bave des chevaux ras Au ras des rocs qui se consument Et le diable des soirs conquis Avec ses pâleurs de rescousse Et le squale des paradis Dans le milieu mouillé de mousse
Ô parfum rare des salants Dans le poivre feu des gerçures Quand j'allais géométrisant Mon âme au creux de ta blessure Dans le désordre de ton cul Poissé dans les draps d'aube fine Je voyais un vitrail de plus Et toi fille verte de mon spleen
Et je voyais ce qu'on pressent Quand on pressent l'entrevoyure Entre les persiennes du sang Et que les globules figurent Une mathématique bleue Dans cette mer jamais étale (D'où nous remonte peu à peu Cette mémoire des étoiles
Ces étoiles qui font de l'œil A ces astronomes qu'escortent Des équations dans leur fauteuil A regarder des flammes mortes Je prierais Dieu si Dieu priait Et je coucherais sa compagne Sur mon grabat d'où chanteraient Les chanterelles de mon pagne
Mais Dieu ne fait pas le détail Il ne prête qu'à ses Lumières Quand je renouvelle mon bail Je lui parlerai de son père Du fils de l'homme et du chagrin Quand je descendais sur la grève Et que dans la mer de satin Luisaient les lèvres de mes rêves
Je ne suis qu'un amas de chair Un galaxique qui détale Dans les hôtels du monte-en-l'air Quand ma psycho se fait la malle Reviens fille verte des fjords Reviens violon des violonades Dans le port fanfarent les cors Pour le retour des camarades
Je vais tout à l'heure fauchant Des moutons d'iceberg solaire Avec la Suisse entre leurs dents A brouter des idées-lumière Et des chevaux les appelant De leur pampa et des coursives Que j'invente à leurs naseaux blancs Comme le sperme de la rive
Arrive marin d'outre temps Arrive marine d'extase Quand je m'arrête tu me prends Comme je te prends dans ta case Négresse bleue blues d'horizon Et les poissons que tu dégorges Depuis ton ventre et tes façons Quand ton "sexo" joue dans ta gorge
Dans cette plaie comme d'un trou Grouillant de cris comme la vague Quand les goélands sont jaloux De l'architecte où s'extravaguent Des maçons aux dents de velours Et le ciment de leur salive A te cimenter pour l'amour Ton cul calculant la dérive
Mes souvenirs s'en vont par deux Moi le terrien du Pacifique Je suis métis de mes aveux Je suis le silence en musique Le parfum des mondes perdus Le sourire de la comète Sous le casque de ta vertu Quand le coiffeur sèche ta tête
Muselle-moi si tu le peux Toi dans ton ixe où le vacarme Sonne le glas dans le milieu Moi planté là avec mon arme Tu es de tous les continents Tu m'arrives comme la route Où s'exténuent dix mille amants Quand la pluie à ton cul s'égoutte
O la mer de mes cent mille ans Je m'en souviens j'avais dix piges Et tu bandes ton arc pendant Que ma liqueur d'alors se fige Tu es ma glace et moi ton feu Parmi les algues tu promènes Cette déraison où je peux M'embrumer les bronches à ta traîne
Et qu'ai-je donc à Iyriser Cette miction qui me lamente Dans ton lit j'allais te braquer Ta culotte sentait la menthe Et je remontais jusqu'au bord De ton goémon en soupente Et mes yeux te prenaient alors Ce blanc d'écume de l'attente
Emme c2 Emme c2 Aime-moi donc ta parallèle Avec la mienne si tu veux S'entrianglera sous mes ailes Humant un peu par le dessous Je deviendrai ton olfacmouette Mon bec plongeant dans ton égout Quand Dieu se vide de ta tête
Les vagues les vagues jamais Ne viendront repeupler le sable Où je me traîne désormais Attendant la marée du diable Ce copain qui nous tient la main Devant la mer crépusculaire Depuis que mon coeur dans le tien Mêle ton astre à ma Lumière
Cette matière me parlant Ce silence troué de formes Mes chiens qui gisent m'appelant Mes pas que le sable déforme Cette cruelle exhalaison Qui monte des nuits de l'enfance Quand on respire à reculons Une goulée de souvenance
Cette maison gantée de vent Avec son fichu de tempête Quand la vague lui ressemblant Met du champagne sur sa tête Ce toit sa tuile et toi sans moi Cette raison de ME survivre Entends le bruit qui vient d'en bas C'est la mer qui ferme son livre |
Un beau documentaire d'une cinquantaine de minutes de Jorge Amat sur cet homme exceptionnel que fut Léo Ferré
Ce Léo qui continue encore et encore à me nourrir, à m'abreuver ; le documentaire parle très souvent du côté compositeur de l'artiste et c'est très juste ; mais je trouve que très souvent on n'insiste pas assez sur le poète génial qu'il fut, et encore moins sur ses talents de diction et de chanteur que je trouve - quant à moi - proprement hallucinants de justesse...
Léo, tu me manques...
cliquez ICI pour lancer la vidéo ou tout en bas...
Hélène Martin a magnifiquement mis en musique et chanté les poèmes d'Aragon...
J'ai longtemps hésité entre "Le feu", "Ainsi Prague", "Blond partout" etc...
Finalement c'est "Chanson noire" avec son célèbre "il me reste si peu de temps pour aller au bout de moi-même"...
Bien sûr chef d'oeuvre...
Mon sombre amour d'orange amère
Ma chanson d'écluse et de vent
Mon quartier d'ombre où vient rêvant
Mourir la mer
Mon doux mois d'août dont le ciel pleut
Des étoiles sur les monts calmes
Ma songerie aux murs de palme
Où l'air est bleu
Mes bras d'or mes faibles merveilles
Renaissent ma soif et ma faim
Collier collier des soirs sans fin
Où le coeur veille
Dire que je puis disparaître
Sans t'avoir tressé tous les joncs
Dispersé l'essaim des pigeons
A ta fenêtre
Sans faire flèche du matin
Flèche du trouble et de la fleur
De l'eau fraîche et de la douleur
Dont tu m'atteins
Est-ce qu'on sait ce qui se passe
C'est peut-être bien ce tantôt
Que l'on jettera le manteau
Dessus ma face
Et tout ce langage perdu
Ce trésor dans la fondrière
Mon cri recouvert de prières
Mon champ vendu
Je ne regrette rien qu'avoir
La bouche pleine de mots tus
Et dressé trop peu de statues
À ta mémoire
Ah tandis encore qu'il bat
Ce coeur usé contre sa cage
Pour Elle qu'un dernier saccage
La mette bas
Coupez ma gorge et les pivoines
Vite apportez mon vin mon sang
Pour lui plaire comme en passant
Font les avoines
Il me reste si peu de temps
Pour aller au bout de moi-même
Et pour crier Dieu que je t'aime
Je t'aime tant
Je ne songeais pas à Rose ;
Rose au bois vint avec moi ;
Nous parlions de quelque chose,
Mais je ne sais plus de quoi.
J'étais froid comme les marbres ;
Je marchais à pas distraits ;
Je parlais des fleurs, des arbres
Son oeil semblait dire: " Après ? "
La rosée offrait ses perles,
Le taillis ses parasols ;
J'allais ; j'écoutais les merles,
Et Rose les rossignols.
Moi, seize ans, et l'air morose ;
Elle, vingt ; ses yeux brillaient.
Les rossignols chantaient Rose
Et les merles me sifflaient.
Rose, droite sur ses hanches,
Leva son beau bras tremblant
Pour prendre une mûre aux branches
Je ne vis pas son bras blanc.
Une eau courait, fraîche et creuse,
Sur les mousses de velours ;
Et la nature amoureuse
Dormait dans les grands bois sourds.
Rose défit sa chaussure,
Et mit, d'un air ingénu,
Son petit pied dans l'eau pure
Je ne vis pas son pied nu.
Je ne savais que lui dire ;
Je la suivais dans le bois,
La voyant parfois sourire
Et soupirer quelquefois.
Je ne vis qu'elle était belle
Qu'en sortant des grands bois sourds.
" Soit ; n'y pensons plus ! " dit-elle.
Depuis, j'y pense toujours.
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VIDEO ICI :
https://www.youtube.com/watch?v=22gRr_6T768
Pierre Perret en dehors de son côté "chansonnier-amuseur" est capable de pondre des petits bijoux de sensibilité, de finesse, de justesse ; bref de la très belle chanson...
Chantée par l'auteur, cela fleure déjà très bon...
Reprise par "Les Ogres de Barback" c'est toujours aussi bon...
(ici avec l'auteur)(la voix un peu cassée...)
mais Overblog le refuse, vous pouvez écouter cela en allant ici :
https://www.youtube.com/watch?v=Aw-OHD-OMV0
Enfin l'adaptation récente de Michel Vivoux, chantée par l'excellente Cathy Fernandez est tout bonnement divine...
Au Café Du Canal
Il vaut mieux laisser au poète
Le soin de faire des pirouettes
C'est très joli, oui dans les livres
Mais tous ces mots dont tu t'enivres
Ces mots sont usés jusqu'à la corde
On voit l'ennui à travers
Et l'ombre des années mortes
Hante le vocabulaire.
Les mots sont usés jusqu'à la corde
On voit l'ennui au travers
Et l'ombre des années mortes
Hante le vocabulaire
Par la main
Emmène-moi hors des lieux communs
Et ôte-moi de l'idée que tu ne peux t'exprimer
Que par des clichés
Dans mes rêves tu ne parlais pas
Simplement tu prenais mon bras
Et tu voyais à mon sourire
Qu'il n'était rien besoin de dire
Il vaut mieux laisser au poète
Le soin de faire des pirouettes
C'est très joli, oui dans les livres
Mais tous ces mots dont tu t'enivres
Ces mots sont usés jusqu'à la corde
On voit l'ennui au travers
Et l'ombre des années mortes
Hante le vocabulaire
Refrain
Les mots d'esprit laissent incrédule
Car le cœur est trop animal
Mieux qu'apostrophe et point-virgule
Il a compris le point final
G. Manset était (est) un formidable auteur, chanteur, compositeur ; il a laissé une grande quantité de titres tout aussi splendides les uns que les autres ; en outre une certaine atypie et un refus des modes du moment (télévision, médias, scène...) le rendaient éminemment sympathique. "Vies monotones" (1984) n'est pas la chanson la plus gaie de l'artiste, mais je l'aime particulièrement, en outre elle est cruelle dans sa lucidité...
Vies Monotones
Ah ! l’ami Ferré, on y reviendra ! Ne serait-ce que pour parler de quelques chansons uniques, comme « la vie d’artiste » ou « ni dieu, ni maître » et puis tant d’autres …Personne ne pourra remplacer cet artiste exceptionnel, écrivain et poète de talent, musicien génial, interprète d’exception !
On commencera par « la mémoire et la mer » - d’ailleurs repris par son fils Mathieu comme titre de ses éditions - , quoi dire sur ce chef d’œuvre de la chanson française ? Que c’est la plus belle « chanson » poétique jamais écrite et interprétée, qu’écoutée 1000 fois, on garde encore la chair de poule, on écoute encore comme si du neuf allait surgir ! Il y a tout dans cette chanson, la mélancolie, l’énigmatique, l’inspiration rare d’un moment rare, le transcendantal, la verve, le lyrisme. Les interprétations de Lavilliers, de Ribeiro ou de Léotard sont plutôt réussies – et ce n’est pas simple de chanter Ferré, mais je préfère encore l’original…
« Un jour je te dirai pourquoi j’écris. La poésie s’arrange toujours ; il suffit d’être là, truelle en main et sueur suintant au soir, devant la soupe, comme un maçon… » Léo Ferré (préface du testament phonographe, 1980.)
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La marée, je l'ai dans le cœur
Qui me remonte comme un signe
Je meurs de ma petite sœur
De mon enfant et de mon cygne
Un bateau ça dépend comment
On l'arrime au port de justesse
Il pleure de mon firmament
Des années-lumière et j'en laisse
Je suis le fantôme Jersey
Celui qui vient les soirs de frime
Te lancer la brume en baisers
Et te ramasser dans ses rimes
Comme le trémail de juillet
Où luisait le loup solitaire
Celui que je voyais briller
Aux doigts de sable de la terre
Rappelle-toi le chien de mer
Que nous libérions sur parole
Et qui gueule dans le désert
Des goémons de nécropole
Je suis sûr que la vie est là
Avec ses poumons de flanelle
Quand il pleure de ces temps-là
Le froid tout gris qui nous appelle
Je me souviens des soirs là-bas
Et des sprints gagnés sur l'écume
Cette bave des chevaux ras
Au ras des rocs qui se consument
Ô l'ange des plaisirs perdus
Ô rumeurs d'une autre habitude
Mes désirs dès lors ne sont plus
Qu'un chagrin de ma solitude
Et le diable des soirs conquis
Avec ses pâleurs de rescousse
Et le squale des paradis
Dans le milieu mouillé de mousse
Reviens fille verte des fjords
Reviens violon des violonades
Dans le port fanfarent les cors
Pour le retour des camarades
Ô parfum rare des salants
Dans le poivre feu des gerçures
Quand j'allais géométrisant
Mon âme au creux de ta blessure
Dans le désordre de ton cul
Poissé dans des draps d'aube fine
Je voyais un vitrail de plus
Et toi fille verte, mon spleen
Les coquillages figurants
Sous les sunlights cassés liquides
Jouent de la castagnette tant
Qu'on dirait l'Espagne livide
Dieu des granits ayez pitié
De leur vocation de parure
Quand le couteau vient s'immiscer
Dans leur castagnette figure
Et je voyais ce qu'on pressent
Quand on pressent l'entrevoyure
Entre les persiennes du sang
Et que les globules figurent
Une mathématique bleue
Sur cette mer jamais étale
D'où me remonte peu à peu
Cette mémoire des étoiles
Cette rumeur qui vient de là
Sous l'arc copain où je m'aveugle
Ces mains qui me font du flafla
Ces mains ruminantes qui meuglent
Cette rumeur me suit longtemps
Comme un mendiant sous l'anathème
Comme l'ombre qui perd son temps
À dessiner mon théorème
Et sous mon maquillage roux
S'en vient battre comme une porte
Cette rumeur qui va debout
Dans la rue aux musiques mortes
C'est fini la mer c'est fini
Sur la plage, le sable bêle
Comme des moutons d'infini
Quand la mer bergère m'appelle
Léo Ferré, La mémoire et la mer.©
Pierre Barouh, né à Paris en 1934, sait tout faire. Ancien journaliste sportif et grand sportif lui-même, il découvre la musique brésilienne et sympathise avec Baden Powell. Puis il est assistant réalisateur, acteur, auteur de chansons. En 1966 il devient célèbre en tant qu’acteur et auteur de la bande originale d’ « un homme et une femme » de Claude Lelouch. Il profite de se succès pour créer son propre label Saravah et édite certains auteurs compositeurs interprètes peu connus à l’époque : Jacques Higelin, Areski, Brigitte Fontaine, Pierre Akendengué, David Mac Neil et certains autres… Un groupe d’amis est né. Et Saravah, une sacrée marque de qualité. Il s’occupe de théâtre aussi et crée l’opéra « le Kabaret de la chance ». Il vit maintenant entre le Japon et la France.
Un petit mot ici sur le Barouh auteur et interprète de chansons. Son premier disque date de 1966 et son dernier de 2007. Il compose régulièrement à l’abri des modes et des télévisions. Je possède beaucoup de ses disques et les aime ; c’est une chanson de qualité, agréable à écouter, sans histoire, j’écoute régulièrement « le Kabaret de la dernière chance » quand j’ai le moral dans les baskets et ça fonctionne très bien.
Mais je voudrais signaler un disque que j’aime particulièrement, il s’agit de « ça va ça vient », il date de 1971 et c’est avec ce disque que j’ai découvert le Barouh « chanteur ». Une idée des musiciens d’abord : Jacques Higelin au piano, accordéon, banjo ; Areski aux percussions ; et plein d’autres ; les photos du disque sont de David Mac Neil ; cet album est magique, hors temps.
Les compositeurs : Jérôme Savary, Pierre Barouh, Francis Lai, David Mac Neil,…
Une chanson a ma grande préférence, d’abord pour le texte, mais aussi pour l’interprétation quasi nonchalante de Barouh, l’accordéon lancinant d’Higelin au fond et la grande tristesse de tout l’ensemble ; la chanson s’appelle : « le courage d’aimer », musique de Francis Lai.
La réédition en CD nous offre deux chansons supplémentaires.
Dans le film de Lelouch, la chanson a été retravaillée , la voici : (je préfère l'original, bien sûr)
Photographie Bernard Guillot ©
En cliquant sur son visage, vous allez pouvoir atteindre le nouveau site officiel de Jean Michel Piton...
Une chanson heureuse, païenne, pleine de vie pour cet homme qui est passé si près de la mort et ne doit sa survie qu'au don d'organes (très belle chanson d'ailleurs à ce sujet "Organe de toi").
JM Piton - le comédien, le trublion, l'artiste - prépare en ce moment un nouvel album, vous pouvez y souscrire pour accélérer le mouvement ; cette chanson là a bien besoin de votre aide...
Trouvé sur le net ce mini portrait que j'ai volé et qui me va très bien :
"Jean-Michel Piton, quant à lui, a toute une vie de théâtre et de chanson à son actif. Il délivre des chansons à hauteur d’homme, de belles mélodies et des mots porteurs des préoccupations actuelles, des textes charpentés comme des chefs-d’œuvre de maître compagnon. Et puis il y a la voix, une des plus belles de la chanson vivante. Ce chanteur-là, à ce niveau de poésie et d’humanité, force le respect et l’admiration. Il le dit lui-même : « La chanson populaire, c’est se mettre le cœur en quatre pour émouvoir et séduire. » Et cet homme-là sait de quoi il parle."
J'ajouterai que JM Piton est clairement un artiste "engagé" dans ce que ce terme a de plus beau ...
Photographie © jean-paul Bataille
Vu l'ami Jacques samedi et dimanche derniers dans ce petit lieu minuscule (70 places) où nous nous sommes entassés dans la bonne humeur et la ferveur ; tous assez vieillissants (allons disons le)(une bonne moyenne serait 55-60 ans) ; la chaleur des amis des amis, la fraternité de ceux qui aiment cette chanson si particulière, si singulière, si généreuse...
C'est le seul endroit où sans chichi, sans souci , je vois des personnes "âgées", accepter de s'asseoir par terre, les coussins sont jetés du haut par quelques compères comme Philippe Forcioli dimanche soir (il y a deux-trois ans c'était François Morel). Il y a de la jeunesse dans tout ce public là.
28 ans aussi que l'ami Laurent Desmurs accompagne Jacques (1984 leur première collaboration !) de ses doigts agiles, encore un grognard de plus.Pour le reste vous savez - si vous venez ici régulièrement - toute l'affection que je porte à cette chanson là et c'est peu dire. Voici un texte de Bertin qui vient à propos...
Pour les Aixois : Claude Semal (prix Jacques Douai 2012) dans 15 jours...
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Dans ce très émouvant et très réussi film de Jean Becker "Le temps qui reste" avec un formidable Albert Dupontel, il y a cette chanson qui rappelle l'osmose parfaite qui existait entre l'ami Serge Reggiani, Jean-Lou Dabadie et Alain Goraguer, un bel auteur de textes, un grand compositeur et un fantastique interprète ; on a l'impression que c'est simple et facile une belle chanson, mais non il y a derrière toute cette simplicité, un grand travail en profondeur...
très belle chanson
très bel interprète
et très beau film (et poignant) de Jean Becker
Combien de temps...
Combien de temps encore
Des années, des jours, des heures combien?
Quand j'y pense mon coeur bat si fort...
Mon pays c'est la vie.
Combien de temps...
Combien
Je l'aime tant, le temps qui reste...
Je veux rire, courir, parler, pleurer,
Et voir, et croire
Et boire, danser,
Crier, manger, nager, bondir, désobéir
J'ai pas fini, j'ai pas fini
Voler, chanter, parti, repartir
Souffrir, aimer
Je l'aime tant le temps qui reste
Je ne sais plus où je suis né, ni quand
Je sais qu'il n'y a pas longtemps...
Et que mon pays c'est la vie
Je sais aussi que mon père disait:
Le temps c'est comme ton pain...
Gardes en pour demain...
J'ai encore du pain,
J'ai encore du temps, mais combien?
Je veux jouer encore...
Je veux rire des montagnes de rires,
Je veux pleurer des torrents de larmes,
Je veux boire des bateaux entiers de vin
De Bordeaux et d'Italie
Et danser, crier, voler, nager dans tous les océans
J'ai pas fini, j'ai pas fini
Je veux chanter
Je veux parler jusqu'à la fin de ma voix...
Je l'aime tant le temps qui reste...
Combien de temps...
Combien de temps encore?
Des années, des jours, des heures, combien?
Je veux des histoires, des voyages...
J'ai tant de gens à voir, tant d'images..
Des enfants, des femmes, des grands hommes,
Des petits hommes, des marrants, des tristes,
Des très intelligents et des cons,
C'est drôle, les cons, ça repose,
C'est comme le feuillage au milieu des roses...
Combien de temps...
Combien de temps encore?
Des années, des jours, des heures, combien?
Je m'en fous mon amour...
Quand l'orchestre s'arrêtera, je danserai encore...
Quand les avions ne voleront plus, je volerai tout seul...
Quand le temps s'arrêtera..
Je t'aimerai encore
Je ne sais pas où, je ne sais pas comment...
Mais je t'aimerai encore...
D'accord?