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some words :

"Le poète est un archer qui tire dans le noir." - Salah Stétié -
"Soyez un écrivain mineur, cela vous rajeunira." 
Dominique Noguez

"Cette femme était si belle
Qu'elle me faisait peur."
 Guillaume Apollinaire

"In a place far away from anyone or anywhere, I drifted off for a moment." -- Haruki Murakami --


"Être poète n'est pas une ambition que j'ai. C'est ma façon à moi d'être seul."   -- Fernando Pessoa --

"Ca va tellement mal aujourd'hui que je vais écrire un poème. Je m'en fiche ; n'importe quel poème, ce poème." -- Richard Brautigan --

"J'écris à cause du feu dans ma tête et de la mort qu'il faut nier."
Jacques Bertin

"O mon passé d'enfance,
pantin qu'on m'a cassé."
Fernando Pessoa


« La mort c’est l’infini des plaines
et la vie la fuite des collines. »
Joseph Brodsky

Certaines choses

Nous entourent « et les voir

Equivaut à se connaître »

George Oppen



" LA GRANDE FORCE EST LE DESIR "
(Guillaume Apollinaire)



"Quand je dis « je », je désigne par là une chose absolument unique,
à ne pas confondre avec une autre."
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"Le sens trop précis
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ta vague littérature"
Stéphane Mallarmé


" Je ne suis pas moi ni un autre

Je suis quelque chose d’intermédiaire :
Un pilier du pont d’ennui
qui s’étend de moi vers l’autre. "
Mario de Sa-Carneiro
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-- je vous souhaite un bon passage... --


"Mais rien de cette nature n'est définitivement acquis. Comme une eau, le monde vous traverse et pour un temps vous prête ses couleurs. Puis se retire, et vous replace devant ce vide qu'on porte en soi, devant cette espèce d'insuffisance centrale de l'âme qu'il faut bien apprendre à côtoyer, à combattre, et qui, paradoxalement est peut-être notre moteur le plus sûr."  Nicolas Bouvier

« La poésie vient vers nous, on ne sait d’où, et elle nous quitte, allant vers on ne sait quel au-delà. Mais en passant, elle nous laisse des mots et elle nous fait des signes dont l’interprétation est inépuisable. » Gabriel Bounoure

" Avec tes défauts. Pas de hâte. Ne va pas à la légère les corriger. Qu'irais tu mettre à la place ? " Henri Michaux


écrivez moi si vous le souhaitez :    

Soyez indulgent, je ne suis qu'un petit écrivaillon tentant d'écrivasser

Mai 2008 : "L'apéritif de la neige"
est "paru"

Si vous êtes intéressé : laissez moi un message
(133 pages de poèmes et textes poétiques, pour la plupart ici sur mon blog)

"Le meilleur choix de poèmes est celui que l'on fait pour soi." Paul Eluard

"Savoir que nous ignorons tant de choses suffit à mon bonheur." George Oppen

______________________________________________

 

6 août 2007 1 06 /08 /août /2007 02:18
« Studios » version I   

Je sortais du cinéma avec mon amie, celle aux cheveux courts de blé et veste de daim vert, aux belles fesses rondes. C'étaient ces cinémas là où j'ai passé mon adolescence et une partie de ma vie estudiantine, une carte de fidélité et des prix bon marché. Je me rappelle même qu'il y avait une petite salle d'art et d'essai où chaque fauteuil possédait un rond métallique pour coincer sa boisson et un cendrier ; imaginez cela aujourd'hui ! Le monde et les temps changent.
    Nous sortions donc, c'était sur les hauts de la ville près d'une grosse église et les rues adjacentes descendant vers le centre. La foule toujours au sortir de ces cinémas et les pas qui crissent sur les allées gravillonnées. La nuit nous surprenait, les cieux noirs comme sur l'écran. Le film était bon, exceptionnel même et nous sortions la gaieté au coeur, la joie au ventre, légers comme si nous avions gagné le gros lot ; à ces moments-là, la vie devient différente et pleine d'espérance, alors de simples sourires deviennent mille promesses de chaleur. D'ailleurs les couples souvent au sortir d'une telle joie se prennent alors les mains, semblent rajeunir.
    Je m'engageais dans la rue qui descendait pour reprendre l'automobile que j'avais garée là. C'est alors que j'ai eu ce choc, presque à m'immobiliser, à arrêter mes pas ; l'enfilade des poteaux électriques, les voitures stationnées du même côté, la courbe légèrement concave de la rue. Ce fut ma première vraie crise existentielle ; l'été, le film, la foule, l'amie participaient à ce moment magique. Mais c'est bien cette ligne cette courbe cette enfilade qui m'ont donné une impression d'infinitude, d'irréalité, d'un sublime spirituel quasi extatique. Je n'aurais pas été étonné d'être enlevé là par des extraterrestres ou de voir la vierge Marie ou tout autre chose divine et surnaturelle. Ce fut ainsi, un flash de une ou deux secondes, une fulguration.
    Je rentrais dans l'automobile, ma compagne à côté ne s'était rendu compte de rien, j'inspirais lentement puis à regret mis le contact et démarrais surpris de cette histoire et en pleine incohérence. Puis je dégageais la voiture et l'on se mit à rouler ; on retrouvait ainsi l'inutile et banale quotidienneté. J'eus à cet instant précis l'impression que la solitude eût été mieux, que la perception des choses eût été plus profonde pour moi, qu'il y aurait eu "quelque chose à faire", mais déjà nous roulions vers le centre ville. Jamais je ne parlais de cela à mon amie aux cheveux courts de blé et veste de daim verte. Celle aux belles fesses rondes.

photographie de Mark Goldstein




« Studios » version II

    Et soudain sortis du cinéma, je me sens loin de tout : un vague vertige. Je n’entends plus celle près de moi, qui parle près de moi. Une étrange enfilade de fils électriques et de lampadaires me domine.
    Et évidente, claire, lumineuse, dominante, cette route de fils électriques jusqu’à l’infini (rue du petit pré)… appel au voyage.
    Mes yeux seuls décident de la portée du message. Avec cette luminosité de 22 heures, un soir de juin d’un fluide bleu (pâle-frais), l’immobilité du moment semblait envahir toutes mes particules, tout mon environnement, chaque cellule.
    Ainsi immobile, mal soutenu, il me semblait être pétrifié ; que voulait signifier cette porte que l’on m’ouvrait ? dans le noir, cette lignée de lumières droite d’abord puis courbe, que vouloir dire…
    Il me fut difficile d’entrer dans ma voiture, de me défaire de ce paysage annonciateur ; une fois assis dans ma boîte à roues, je revenais au monde.
    Il faisait si doux ce soir, un soir à mourir, un soir à partir, mais pas un soir à rentrer chez soi en l’état de calme et d’ignorance.


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23 juillet 2007 1 23 /07 /juillet /2007 06:34
    On ferait plutôt mieux de se caresser mutuellement doucement
– dit-elle – au lieu de se bagarrer.

La dispute avait prit fin ainsi.
Dehors, sous les grandes étoiles, elle avait le buste nu et sa poitrine appelait mes lèvres gourmandes et mes doigts aux idées fixes.
La lune pleine permettait de voir comme en plein jour, une couverture au sol nous protégeait des agressions des herbes sèches. Et ses fesses rondes cachées par une jolie jupe jaune vif.

Les choses du corps comme on dit, il faut bien que les corps exultent disait Brel.
Les doigts allèrent donc à la rencontre des tissus qui gonflent, exsudent, fabriquent des sucs. Là où de nombreux nerfs se sont positionnés, pelotonnés en grappes.

    C’est un automatisme étonnamment efficace. Celui des actifs corporels. Celui des cerveaux aussi, toujours aptes à quémander des miettes  de recherche hédonique.
Elle avait en bonne théâtreuse choisi la couleur de ses sous-vêtements, ils allaient comme un hâle au grain de sa peau. Peau d’été enrichie de soleil. Et un très fin et discret maquillage comme je les aime. Du coup mes mains furent vite ankylosées, bouche et langue asséchées car trop abreuvées.
Je rêvais au "déclin de l’empire américain", les discours durs des hommes sur les femmes et ceux tout aussi durs des femmes sur les hommes. Et ces inconnues du désir, cette libido que Jung qualifiait de désir primordial.
    Jusqu’où pourrions-nous aller ? A quelle falaise arrêter notre élan ? ou nos envies ?
Et ces fantasmes si différents entre hommes et femmes. Tout ce qui se complique.
Comment les satisfaire, les comprendre, les interpréter ? avec une éternelle insatisfaction de bon aloi.

Je m’assoupissais en narcose de ton corps ou sur ton sexe fraisier
Fraisure framboisée, porte d’éternité, pomme à croquer

Tu arrêtais tes caresses, moi aussi ; on était comme des gisants à reprendre souffle, à se diviser de nouveau...
Les corps reposaient dans la nuit, les insectes des collines reprenaient vie
Ton buste faisait une lumière bleutée au centre du talus

Tout à l’heure nous rentrerons dans la grande maison chaude d’été où les animaux sages sexuellement nous attendaient pour veiller notre sommeil.
La lune dans quelques jours aura cessé d’être bien ronde comme tes fesses.
Il faudra alors encore peut-être refaire le monde.


"la lune et les animaux" Asger JORN
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8 juillet 2007 7 08 /07 /juillet /2007 07:41
    La sensation : il n’y a plus de construction. Les fusions, finies !
Les rimes que j’extirpais des corps nombreux et variés, en silence ou en chants, en calme plat ou tempêtes hurlantes, vagues engourdies ou en diablesse. Les femmes.

    Les rimes ?
= Soupir et désir, foi et effroi, amant aimant

    L’eau des cieux avait inondé les rues, débordant les saillies, faisant hernies sur les trottoirs glissants, toi parmi ces chaînes, tu marchais dans une bulle de lumière, ronde et ensoleillée, une bulle de protection. Collants noirs opaques et petites chaussures à talon, bien féminines, jupe multicolore si vive qu’on ne pouvait que fixer tes jambes et gros pull couleur caramel comme l’un de tes chats. Un foulard au cou en guise de décoration ou pour protéger ta glotte réputée fragile : trop de chants, trop de bonheur ; les sons étaient bons, le ciel se zébrait d’éclairs couleur café puis vanille ; sans parapluie, tu n’étais pas mouillée. Poitrine en avant, tu fendais les gouttes comme magicienne. J’étais assis, trempé à l’autre bout d’un pont, de mon regard – après toi – je longeais celui du fleuve, engourdi lui aussi dans des désirs irrésolus. De longues volutes d’eau en mouvement mais par lenteur, par grande lenteur, le fleuve irait en mouvement, d’un serpent qui déciderait de s’étendre, d’étendre ses voies. Sa peau de fête, tel un miroir du monde, infini qui reflète des éclats ensoleillés. Ou fatigué simplement, juste se dérouiller les vertèbres trop lovées.
   
    Moi, mes mains étincelaient, crachaient des étoiles comme celles des poètes inquiets avec leur trop plein d’amour, fagots à offrir à tous et toutes, tous mes amis hommes, de cette espèce-là qu’on peut peut-être encore aimer, voire désirer. De ces désirs-là, j’en ai eu tant jadis ! Je croyais qu’on allait m’aimer, tout de suite, immédiatement, sans sourciller. Et puis , non, n’est-ce pas ? Ce n’est pas ainsi. Alors j’ai raturé des cahiers d’écoliers d’une prose ubuesque et fatiguée. En grande fatigue, déjà et si jeune cependant. Ta silhouette, et pourtant. Tu éclairais ce gris dans tous ces champs, un champignon très coloré, un champignon femelle qui donnait des leçons de vie, les explications de ce monde, oh toi belle institutrice de ce grand univers ; en paroles et en gestes, tu expliquais ; secondairement je ne vis que tes gestes, puis enfin je ne vis que tes yeux dans l’ovale de ta peau de jeunesse ; ce sont tes yeux qui parlaient qui racontaient, tu dissertais.

    Sous le pont, l’eau charriait d’immenses cicatrices boisées, arbres malades ou déracinés puis découpés, épluchés pour quitter le monde ; ces bois flottés étaient chacun une partie de moi-même, de mon corps supplicié, mon cerveau brisé, mes âmes délétères, corrompues.

C’est ainsi que j’avançais dans l’eau – mon amie – des cailloux pleins les poches, et mon caban bleu s’alourdissant. Je traversais les bras du fleuve, il ne voulut point de moi. Sur les îles, j’errais de sentiment en sentiment, du possible vers l’impossible, de quêtes inventées, en rupture. Je ressuscitais sous cette pluie d’automne. Enfermé, toujours, mais vivant encore, vers ces soleils bleus à révéler. Tu passerais encore – je sais -. Comme une revue aux Folies-Bergère : ensorceleuse, inaccessible, jolie et terrible, pleine de vie et de mort. Et en pleine rêverie de jambes gainées et sexy, j’inventerais un autre paysage pour t’oublier en toute fin, en finalement, en point – à la ligne - , en tout et pour tout ; bref tu sortirais de mon paysage définitivement, comme une verrue afin brûlée et dont les racines seraient crevées très très profondément.

No more construction, je dirais.



Histoire d'A : ballons, peinture d'Annick Roulet

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20 juin 2007 3 20 /06 /juin /2007 02:07
    Las !
    Je choisis ce soir : je reprendrais ton lettrage, j’améliorerais ton alphabet ; comme un étrange roman, un ensemble de mots et de phrases, je te reconstruirais donc comme une dispersion de tes écrits...


    J’attendis ton profond sommeil
Et hop ! je ramassai toutes tes lettres et les dispersai avec des grands coups de bras et des gestes théâtraux, puis je les réunis dans un tas grouillant et gémissant,
en les ébouriffant, elles étaient tombées en vrac dans une espèce de grand bourbier riche en couleurs et en vie,
Je n’avais plus qu’à les réordonner à mes souhaits
Eh eh eh : qu’allais-je faire ?

Sitôt repu de ce carnage, je cherchai des balises

Des points d’ancrage
En « homme de lettres », je choisis donc de te recréer
« en toutes lettres ».


    Dès le commencement, certaines lettres jouèrent à la pimbêche, cherchant à s’extirper et partir en voyage
D’autres en chœur se lamentaient
D’autres tout en sinuosités et ondulations, replis et pliures, flexures profondes, s’imaginaient recréer quelques mots, quelques ombres : là une pointe de sein, ici un cheveu, là encore un lieu caché ou secret

Je rénovai tes lettres

Certaines minuscules devenaient majuscules et vice-versa, je variai les capitales et bas de casse
Je rajoutai là des pincées d’accents, j’écrivis en lié ou non
J’essayai des pilotis pour les lettres à jambe, je te voulais plus grande
J’aimais les lettrines, grandes et mirifiques, j’en confectionnai quelques-unes
Lettre montante, lettre ornée
D’autres s’italianisaient : de romaine en italique
D’autres faisaient du chiqué et tiraient la langue,
Certaines ivres avaient perdu leur point sur les i, ou leur tréma et leur circonflexe ou même leur allure générale, elles s’arabisaient, se chinoisaient, bref prenaient la poudre d’escampette
Enfin certaines devenaient lettres mortes silencieuses
Je décidai de tout reprendre
Je cherchai des polices de « caractère »
Je cherchai à bien me situer au pied de la lettre
Je cherchai même d’authentiques lettres d’amour
Lettres grises, lettres blanches, lettres à queue ou tranchées

    Je lavai la totalité des lettres, je gardai juste la lavure que je décidai de boire

En moi je sentis comme un décours, une énergie de scribouillard
    Mais il y avait toujours ce désordre abstrus, je regrettai presque déjà mes choix, je n’étais sans doute pas aussi lettré que je l’avais imaginé ;
Je récupérai les vingt-six lettres, toutes : les sifflantes, les nasales, les gutturales, les labiales, quelques initiales
Je vis même quelques lettres d’or et lettres de feu qui scintillaient immobiles
Je refusai définitivement les lettres de sang
Je conservai les lettres doubles et les redoublées, même les rares numérales et suscrites
Je favorisai les « belles » lettres dans leur éloquence
Je brassai le tout, inquiet du résultat
Je laissai filer et mijoter le tout, je mis l'ensemble sous les rayons de lune, les chiens se mirent à jouer avec, puis enfin je laissais faire


    Très doucement
    Il y avait déjà des peaux opales en coulée de lave qui bleuissaient
Des formes qui s’arrondissaient, tu reprenais forme lettrée, tout se reconstruisait...
Et puis tu apparus dans ton sommeil, on eut dit que rien n’avait changé :

    Tes éclairs de peau, tes reflets en dorage, la forme complexe de ton corps plié comme un enfant endormi, même les exhalaisons douces de tes respirations, et tes senteurs en boutons de printemps, en chênes endurcis

    Bref tu apparus telle que tu étais au début
Je m’endormis épuisé d’avoir tout refait
Et satisfait de découvrir que c’était ainsi que je t’aimais



-----------------------------------------------------------
;-)
__________________________________________

Mais ne dit-on pas que l'ordre des lettres n'a pas d'importance ;-) ?


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10 juin 2007 7 10 /06 /juin /2007 12:35
    « Le bonheur, comme si la vie en dépendait… », comme le dit l’ami Jacques.
On continue ce qui reste, c’est-à-dire : on longe la rivière de sa vie, on cherche les horaires, les bonnes heures des quais, puis l’arrivée de la nuit, les aubes encore lointaines. La nuit va tomber. On attend sa chute et le bruit qu’elle créera. Ou, on cherche l’heure pour s’endormir, le temps, encore. Fermer les yeux pour finalement se reposer.
Le bonheur, comme si la vie en dépendait.

    Et toi, qu’as-tu dit ?

    Mon amie est venue, elle s’est installée près de moi sur le banc public. Bancs publics si secrets où se développe l’écologie des cœurs. Jean est parti dit-elle. Elle avait les larmes aux yeux. Elle continua : « L’appartement si soudain silencieux, aucune nuque pour fixer mon regard, ah ! les nuques ! c’est sexy et romantique à la fois. », elle rie tout doucement. « Voilà seule, ça t’intéresse ? »  termina-t-elle.
    Et puis brutalement elle pleure en s’écroulant, au moment même où la nuit semble s’abattre. Les pigeons se regroupent, le vent se lève. Je ne dis rien, je compatis, et puis je l’aime quand même – ou plutôt, je l’aime pourtant. Mais c’est son histoire, quelque part je m’en fous un peu. Elle a de petites jambes charmantes, mais le corps souffre. Il y a des traces de féminité dans son maintien et dans sa douleur.

    Pourtant il y a quelques jours nous revenions tous trois du cinéma : la fin des « nuits fauves » nous avait mis les larmes faciles ; et puis ces accélérations – décapotable rouge – étaient du plus bel effet dans cette ville jadis aimée. Nous semblions alors très vivants en remontant le cours principal, qui, éclairé, donnait l’illusion d’une avenue pleine de vie. J’imaginais certains de mes poèmes, ceux des vies à trois, ceux du temps où la lumière et la nature me faisaient délirer. Avec de belles femmes ou de jolies filles. Jean riait, en main la petite menotte de sa moitié. Et puis Jean si anxieux subitement, agité, embarrassé de sa propre vie et qui enfin se mettait toujours à fuir. Il en est mort aujourd’hui. La torture de vivre pour lui est terminée. Il avait une piètre estime de son corps et n’aimait pas les éloges. Il se croyait toujours en audience invisible, une maladie sans doute. C’est si bon d’aimer et d’être aimé.

    Mon amie, un peu pâlotte, se redressa, prit ma main et dit la phrase magique : « viens , on va manger une crêpe au chocolat, il est tout juste temps. ». Mon amie ne manque pas de qualités, elle est comme moi, gourmande.
Nous allions au « bol bu », voir le géant, boire du temps et du thé et déguster ses célèbres crêpes. Sur Toulouse alors, la nuit hésitait. Les amours compassionnels, riches en sensibilité, nous tenaient les mains. En cohorte le long des murs, des amitiés puissantes se tissaient dans des cordages solides et souples à la fois. La ville devenait un gigantesque sac amniotique où se réfugier. et les alliages de nos amitiés définitives.


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12 mai 2007 6 12 /05 /mai /2007 09:45
 La flaque d’eau molle et grise renvoie mon image, une silhouette flasque qui se déforme au moindre souffle, l’eau sale s’irisant, la lumière du soleil s’y décomposant…Je regarde au sol et y perçois en ricochet les nuages, un ciel bleu et gris ; un ciel à terre, tel une porte, un volet.

Pourrait-on ainsi épurer mon âme par quelque passage au sol et à l’éther ; adossé au ciel, à l’air, je n’aurais plus qu’à basculer de tout mon poids.

Comme une sorte de contre-plongée, la flaque et moi ferions équipe. Affamés d’éther.
Je souhaiterais équarrir cette flache et y disparaître épris d’une autre dimension, d’autres à-côtés, évitant ainsi quelques flétrissures des humanités défaites et sinistres ; d’autres affinités, d’autres confins, d’autres horizons à gravir. Je grossis puis je m’affine, l’image perd son miroir ; contre-transfert du patient que je serais moi-même. Je ferais bien d’une rigole, d’un coup de sandale, disparaître ce flou humain, en mauvais rimailleur, cherchant comme Arthur un quelconque bateau ivre dans cette eau froide et déjà morte ; puis risette, je disparaîtrais de nouveau.

Comme tout  / Tout comme
Une sorte de manigance des sens.
Un comme ci / un comme ça.
Frigorifique mon regard est devenu.

Le cœur s’occlurait. Ainsi je ne pourrais plus traire les appendices aux faunes des bois. Jeune, j’eus plu alors. Mais la jeunesse est passée. Comme les blés et leur blondeur.

Il reste cette porte, ce volet à peindre. Peignons. Je donnerais le coup de pied ensuite.

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5 mai 2007 6 05 /05 /mai /2007 13:05
Mon programme :
( car les maîtres-à-danser mesurent le temps qui resterait )

    les belles gymnastes de l’Est grossiraient, leur féminité, enfin, apparaîtrait ; les conifères et les cycas perdraient leurs feuilles à la saison désirée ; les lemmings verraient leur QI grimper et émigreraient au Nord ; les ordinateurs auraient leur vie « à eux » libérés du joug humain ; les oréades renaîtraient et leur cascade de cheveux ; la reine termite s’allongerait les pattes ; on jouerait à la belote avec nos mânes ; les banians lanceraient leurs racines vers les nuages ; la terre trouverait le climat idyllique ; l’onanisme serait un art enseigné à l’école ; les grives musiciennes apprendraient le violon ; l’ondulant de notre sang serait constant ; les groseilles arrêteraient de faire les maquereaux (et rougiraient) (et puis elles seraient moins acides) ; il n’y aurait plus d’hommes politiques ; les crabes ne seraient plus enragés ; la profession de camériste serait encouragée ; les bars seraient joliment décorés (et perdraient cette sinistrose constante) ; apprendre à baragouiner serait encouragé ; les mille-pattes nommeraient leurs pattes une bonne fois pour toutes, nom d’un iule ! on connaîtrait TOUT sur les pyramides ; la maladie deviendrait « anecdotique », la mort un « artefact » ; l’art du mandala et de la patience serait enseigné ; les rares bétonneurs seraient emprisonnés et changeraient vite de métier ; le football disparaîtrait d’un coup ; les dromadaires et les chameaux feraient des petits à une bosse et demi ;

    on utiliserait l'ensemble de notre cerveau à 100% ; on ferait l’amour très régulièrement ; nous serions tous enfin des bourgeois bohèmes parce que cela nous va bien (et on le vaut bien) ; la France s’appellerait donc « pays du bon vin »  et non pas « pays des hommes intègres » ; on apprendrait tous et toutes la polyphonie, le chant, la poésie, l’art du contact, du toucher, de l’empathie ; nous cultiverions les oiseaux et les menthes et les lichens dorés ; un jour de la semaine serait férié pour les visites aux musées (on suivrait les flèches en sens inversé) ;  nous aurions plusieurs femmes et plusieurs maris et beaucoup d’enfants ; la jalousie, la rancune, la convoitise, le dépit disparaîtraient ; les jambes et les visages des femmes seraient parfaits ; les hommes n’auraient plus de bedaine ou si peu ; les cristaux de neige, les méandres des ruisseaux, les acajous des corps, les couleurs des madrépores seraient répertoriés ; nous sommes constitués de 100 000 milliards de cellules : j’augmenterais ce nombre ; adoptons des petits éléphanteaux, des chouettes chouettes hulotte, des lourds taureaux de Camargue : donnons leurs leur aise et leur liberté ; respectons les paysages ; soyons cheval de temps en temps pour apprendre le galop ; hérisson pour connaître le goût des insectes, abeille pour connaître ces nectars, oiseaux et leurs ailes ; fabriquons plusieurs ersatz de nos vies, vivons pluriel ; que la vie soit une érythropoïèse constante ; devenons mastodonte en amour, riches de pensées, sans pépin amer ni faille cardiaque ; apprenons la kora, africanisons-nous ; cherchons nos lions ; cherchons la voie lactée de nos envies ; dérivons, prenons le temps, gaspillons du temps, écoutons ceux qui nous parlent,

oui dérivons

dérivons au gré des courants et des vents dans l’eau des amours, des amitiés, des paysages, des choses humaines, des ocres minérales, des arbres centenaires, des animaux compagnons…

oui dérivons, éclipsons-nous...


bref votez pour moi (à gauche) ... Je m'appelle Makata
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23 avril 2007 1 23 /04 /avril /2007 00:50
   
    Ah ! Le sac et le ressac – dit-elle – c’est beau, c’est romantique, on resterait là des heures, juste à regarder.
    Moi je ne disais rien, je ne disais plus rien depuis un certain temps, j’aurais souhaité être seul parmi ces rochers blancs, mais elle était là.
    Quelle étrange somme ! Cette addition : un homme une femme. Comment peut-on au début se sourire, se séduire, se parler, battre les cœurs.
    Flirter : quel beau mot !
    Et puis des mois plus tard, chercher la solitude, chercher le contentement solitaire, chercher des moments d’exception, seul sans l’autre. Sans cette moitié manquante et qu’on dit essentielle. Quel est donc ce terrible dérèglement ? L’amour qu’on lit dans les livres, qu’on voit au cinéma n’est donc pas le même ?
    Que faut-il faire pour que le sac et le ressac moi aussi je les aime ?
Je ne vois que le ressac de sa parole, ses interrogations. Jadis j’aimais les jolies filles ou les belles femmes qui avaient un bagou du diable. Je me taisais, elles parlaient, je mâtais, elles se faisaient désirables, épaules nues. Aujourd’hui j’aime un certain silence, les petits bruits de la nature et les paroles humaines souvent me désespèrent.
    Un ami me dit que pour réécrire, je dois retomber amoureux ; peut-on retomber amoureux ainsi année après année ?
    La séduction est finie, la cour de mon école fermée. Les récréations et les billes sont au placard. La vie va devenir autre chose, devenir père, se réfugier dans un travail, devenir respectable. Peut-on imaginer autre chose ? Une vie adulte différente ? Moins pessimiste, plus riche, plus en forme, plus en mouvement. Redresser la tête.



    Elle se leva, prit des pierres, fit des ricochets ; une petite houle la gênait.
Je revoyais ce corps que j’avais jadis adulé, je n’étais plus à midi depuis longtemps. Ce corps, je le reconnaissais, chaque grain de douceur, chaque courbe, une pâleur de peau particulière ; j’aurais bien voulu imaginer autre chose. Et pourtant il n’y avait rien à redire.
Ses cheveux courts de blé, son air de rousse, ses seins trop petits, tous je les avais aimés. Maintenant cela m’était indifférent, je ne les haïssais pas non plus, je m’en désintéressais.
Etonnée de mon silence, elle se retourna : « dis je croyais que tu aimais la mer, toi aussi ? »
Je répondis : « Oui j’aime le sac et le ressac… Flaubert disait que la mer était une bonne source d’inspiration poétique… »
    Elle se tut. Moi aussi.

    Nous étions dans un lieu extraordinaire : des pierres claires blanches, la mer bleu vif, presque trop foncée, des pins méditerranéens très verts très sombres donnaient à cette crique un aspect irréel, unique. La nature est belle le jour où le jour est beau. Elle comprit quelque chose, je ne sais trop quoi. Elle-même se tut, après se mit à lire, tenta de s’allonger dans les pierres dures ; j’allais me baigner dans la crique, j’allais parmi les voiliers amarrés, j’oubliais un peu – par grandes brasses – ma vie humaine.
Puis le soleil commençait à se coucher, l’atmosphère devenait plus sombre. Les ombres s’agrandissaient. Nous allions rentrer dans la grande ville.
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9 avril 2007 1 09 /04 /avril /2007 10:38



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il dira aux autres : je m’en vais

respirant un air salé

et derrière lui, des goélands criards s’époumoneraient en vastes calligraphies
la mer toujours en allée et son ressac en infinité

le sable glacial collé aux pieds
chaussures en main, les pieds ont froid
Il se souvenait des années envolées :
d’autres sables froids
d’autres vents iodés
Et cette mer irisée, scintillements argentés, idéalement placée comme un lac à mémoire, une surface à déchiffrer, pour patiner

La mer, l’hiver, est encore plus belle, sauvage et mystérieuse et l’Homme isolé sur un rocher est mieux.
Sa peine diminue au gré des vagues.
La lumière est étonnamment forte pour un mois de Février, il doit plisser les yeux, plus tard il posera sa main comme une visière. Ou cherchera vers l’horizon un point quelconque, une direction.
Il sent son amputation : il lui manque quelque chose, une partie de lui-même, un chien ami, ou une compagne à ses côtés ; quelqu’un qui comme lui souhaiterait, désirerait le silence.

Le silence et l’infini du regard en un embrasement total : falaises, pierres, eaux, végétations et chants d’oiseaux.

Il constatera cependant qu’il est seul, comme un être humain normal, seul ; il se rappellera ces mots d’Haruki Murakami : « Personne n’aime la solitude. On est déçu de toute façon. »
Alors sa peur pourrait être immense.
Son unicité lui ferait mal, il s’est toujours cherché un jumeau, un jumeau à aimer comme un frère. Quelqu’un de très proche. Ou un confident.
Quelqu’un de silencieux comme lui. Mais un être humain.

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retrouver ce texte (légèrement différent) et pleins d'autres sur l'atelier d'écriture de Nathalie = ICI


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8 avril 2007 7 08 /04 /avril /2007 09:13
Ma chère Sonia,

    Je t’écris très vite ce petit mot à l’aide de mon mémorisateur intégré, je ne suis pas sûr d’ailleurs qu’il arrive à destination. Nous sommes nombreux prisonniers, ou plutôt « volontaires » comme ils disent ici et tous un peu hébétés, on ne comprend pas tout. Tout à l’heure, avant l’embarquement, il y aura plusieurs mètres à faire « à l’air libre », je jetterai cette lettre-CD en espérant qu’un « local » la trouvera et te la fera parvenir. Comme ce qu’on avait lu dans quelques journaux non autorisés, on nous a effectivement injecté de nombreux produits dans le corps. Ma peau a semble-t-il déjà changé de couleur, elle s’est un peu « kératinisé » ou plutôt « chitinisé » pour reprendre un terme utilisé entre nous et plus proche de la réalité. C’est parait-il pour mieux résister aux rayonnements. Tu connais mon côté pacifiste et mon appartenance au Parti 8, je ne comprends pas ce que je fais ici, je devais rester en ingénierie. Les injections ont été violentes comme de la flamme dans nos veines et dans nos muscles, un moment – sous la seringue - je suis retombé en enfance, des souvenirs idiots sont remontés très nets, très brutaux : tes peurs dans le train-fantôme perpétuel, enfants ; puis nos balades romantiques dans les roseaux à l’extrémité du lac d’Annecy ; puis ton corps un jour dévoilé à mes mains timides et inexpérimentées ; puis d’autres souvenirs qui se mélangent dans ma tête, que je n’arrive plus à situer : le soleil qui disparait partiellement, la nature qui se meurt, beaucoup de morts et de cris. Ce vieux pays, la France N°1, me semble si loin maintenant que je pars combattre pour les Forces Réunifiées.
    On les aura ces fichus Klingons ! La Terre a besoin de combattants, tout le monde le dit. J’espère qu’au centre de procréation assistée accélérée, tout se passe bien pour toi, malgré ces grossesses en boucle, 4 enfants par année terrienne, ça ne doit pas être facile pour vous toutes. Ni ces tuyaux, ces gaz, ces philtres accélérateurs, ces potions pour que les fœtus grossissent aussi vite. Tu verras, je reviendrai et ce cauchemar finira. Nous repartirons tous deux vers la France N°1, même si elle ne s’appellera sans doute plus ainsi, par une douce matinée d’un vrai soleil – celui qui nous obligeait à plisser les paupières -. Je prendrai ta main, nous autres « êtres humains » faisons ainsi (les Klingons parait-il se tiennent les oreilles, les crétins !) et nous longerons ces étendues d’eau que tu aimes tant, un vrai tableau idyllique de pleine romance. La nature aura peut-être repris ses droits, tous ces défoliants klingonniens vont bien disparaitre, non ?
    Ca y est le robot-chef gueule dans sa langue synthétique : on part dans 5 minutes, les astronefs sont prêts. Dernière injection avant le grand saut : il parait qu’on va dormir plusieurs années terrestres et se réveiller avec un  corps d’insecte, solide, glissant, parfait parait-il pour le combat et résistant aux attaques acides des Klingons. Je termine vite, je pense à toi, tout à l’heure m’est revenue la fin de ce poème que tu aimais tant :
«  J’étais l’orant enfouissant
Masculin
 / féminin
moussant à la langue
ton bas rein tangue »

Je pense à toi, espère mon retour et je reviendrai, j’ose un baiser
Caporal ingénieur Androïde K12-200-6PO – v 12 -


Adresse : Sonia type cyclonP-12 , N°2360-11
Centre P.A.A. N°26-A
Centre globalisé 28
France N°3
Planète Terre



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31 mars 2007 6 31 /03 /mars /2007 10:24
"L'homme est condamné à être libre." J.P. Sartre



c'est une direction, à prendre, à choisir ...
réfléchir du choix OU laisser le hasard infléchir
c'est une marche : gauche, droit, gauche, droit

marcher droit ou zigzaguer, à reculons, en crabe, lever les genoux
marcher vite ou traînailler, traîner, s'étendre, tarder, se promener
; marcher en regardant au sol ses pieds, chercher les trous les bosses à éviter, ornières, pendaisons...

OU marcher sifflotant le regard au ciel chantant bleu glauque
lignes de fuite aux arbres, points de fuite, horizons aux deux tiers, les boules de gui comme guirlandes, coupe-faim du ciel, amitiés des oiseaux
mains sorties fendant l'air, une clope au bec
OU mains au chaud dans caban serré et chèche autour du cou, romantique à tout prix, jouant chateaubriand
OU jungle armé d'un coupe-coupe, machette et creuser sa vie dans ce tunnel enverdi, mouvements amples
en haillons, mais neuf, serein, plein d'humain en soi, cervicales saines
OU marcher en ville et flâner de librairie en librairie au gré des pavés, des passants, des passantes, regarder les corps nous donner des indices de déplacement, des chemins de hâlage, des voies de délestage
laisser tomber le superflu, songer à l'essentiel, "se réaliser" comme disent les hommes
ah ah ah, ça fait rire
je veux dire la catégorie des hommes prête à sourire
le chemin est sinueux, au contraire n'espérer que le superflu

et puis : non ; suivre le troupeau , là qui passe, être anonyme dans le flux
abandonner là la géopoétique, s'occuper de la maman-famille
recouvrir femme et enfants de bras protecteurs avec nos grandes ailes, vivre donc d'autres choses
la matérialité, la sécurité
assurer la matérielle comme on disait
cervicales en baisse, mais c'est d'autres à-coups, d'autres plaisirs, d'autres cristallisations
ainsi, on vivra, faut dire
je veux dire : ainsi donc on vivra
"qu'est-ce qu'être normal ?"  Freud répondait sans sourciller : aimer et travailler

" Si l'on donne pas sa vie pour quelque chose, on finira par la donner pour rien." J.P. Sartre


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22 mars 2007 4 22 /03 /mars /2007 21:18
    Qu’y a-t-il ? Dit-il. Il était seul. Seul, l’écran de l’ordinateur brillait dans la pièce sans lumière. L’écran s’était mis à scintiller, la brillance évoluait en vagues, en un rythme assez régulier. Soudainement : « toujours collé à l’ordinateur ! » apparut avec une police bizarre, enfantine. Puis les mots se mirent à clignoter. Enfin tout disparut, l’ordinateur s’éteignit.             La pièce fut plongée dans l’obscurité. Il se leva, tâtonna jusqu’à l’interrupteur, mais la lumière ne venait pas. Avec lenteur, il se dirigea vers la fenêtre et ouvrit. Toute la ville était plongée dans le noir. On voyait déjà les lumières vacillantes de bougies derrière les fenêtres. Cependant une lueur bizarre étincelait dans la chambre, levant la tête, il lut de nouveau « toujours collé à l’ordinateur ! » ; des lettres assez floues, comme dessinées avec de la fumée, ou des traînées de nuages. Abasourdi, il resta là à imaginer qu’il rêvait, d’autant plus qu’un silence profond s’était installé. Une sensation d’ouate, un silence extrêmement pesant . Il devait rêver encore.                         Brutalement tout se ralluma, réverbères et rues, maisons et feux tricolores ; les bruits citadins revenaient aussi très nettement. L’ordinateur se ralluma seul et anormalement l’écran montra la partie d’échecs qu’il avait entamée avec un ami en Californie, comme s’il n’y avait pas eu de panne d’électricité. L’ordinateur était là, présent, rassurant, quoiqu’inquiétant.
    Il se rassit, puis joua Fou B2 E5 comme prévu. Avec certitude, il cliqua sur la souris.

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2 février 2007 5 02 /02 /février /2007 15:07
Le plafond blanc. Version 1 (désespérance)

    Celui-là, c'est le malade, il est couché, sur le dos et observe en ce moment le plafond blanc très propre de sa chambre d'hôpital, il préfèrerait être chez lui avec tous les objets qu'il aime tant, dans sa chambre et ses livres, sa musique ; mais non il est là à l'hôpital avec du blanc comme unique horizon, pour le moment il ne peut se retourner, la chimiothérapie intraveineuse l'a épuisé, il se sent un peu perdu, comme en boîte, comme un minéral, en tout cas plus maître de son destin, quelqu'un d'autre aurait choisi. Lui qui avait toujours voulu bien ordonner sa vie à son souhait, sans patron, voilà maintenant des évènements qui le dérangent au plus haut point. Il se raccroche aux ampoules qu'il possède. Il sait qu'à tout moment il pourra les utiliser, sans effort, sans douleur, presque avec allégresse pour reprendre les mots du poète. L'allégresse des suicidaires. Dermatologue, il sait tout de sa maladie, tout, les pourcentages de rémission, les complications des traitements, les effets indésirables, le début de la fin. Il a déjà considérablement maigri en si peu de temps. Il peut palper son foie et son colon et ressent la douleur des inflammations chroniques. La morphine améliore, mais il avait fallu augmenter les doses. Ce qui le désespérait le plus, là en ce moment c'est ce plafond lugubre et blanc, sans amour. Sa famille l'avait visité, pas son ex-femme qui n'était pas au courant de la gravité de son cancer.
    Tout à l'heure, il se lèverait, irait observer derrière la vitre et voir les teintes automnales de ces arbres magnifiques, ceux qui perdent leurs feuilles et puis le ciel si bleu, si calme. Seuls les bruits de la ville alors l'irriteraient. Tout était intéressant et plaisir, les déplacements des gens pressés vers leur voiture (oh ! pourquoi toujours êtes-vous si pressés !), les jupes des femmes, les jeux des enfants, les belles voitures des gens riches ou les tacots éculés qui roulent cependant. La chose qu'il attend le plus maintenant c'est rentrer chez lui, caresser ses chats, écouter Léo Ferré ou Jacques Bertin chanter. Et sentir le temps passer, lentement mais si régulièrement, régularité confortable. La mort ne lui fait pas peur, c'est être immobile qui le gêne, prisonnier de ce lit aux draps rêches, glacés, irritants, impersonnels.
    Il lui vient des pensées érotiques parce qu'il faut bien vivre. Il banderait presque. D'anciennes amours lui reviennent comme des bouffées de chaleur, les souvenirs sont des bouées, il aime s'y accrocher ; sans cesse revoir le passé ancien, sa jeunesse, son adolescence ; il se rappelle, amusé, des erreurs jadis quand il était jeune et timide, ses maladresses, la déception de certaines jeunes filles. Il cherche cette différence qu'il a toujours voulu pressentir, cette différence des sexes. Cette altérité qui fut peut-être le choc de sa vie, lui le romantique par excellence ; savoir parler aux femmes, savoir les écouter, les faire rire puis jouir. Ah la jouissance, la belle affaire ! Des amies récentes aussi lui rendent visite en songes, il pense à celle-ci ou à celle-là, toutes cherchent à séduire, toutes ont peur de la solitude, de n'être plus désirées, toutes ont peur de vieillir. Toutes s'imaginent d'impeccables amants très efficaces, des hommes sans aucun défaut. Voilà bander un peu, ça ne fait pas de mal, comme ça, ce feu qui brûle dans le bras se fait moins sentir.
    Quelqu'un frappe, c'est une infirmière, elle est professionnelle et n'oublie jamais un petit mot gentil, un sourire de compassion, c'est la reine de l'empathie, il l'aime bien. Il se demande toujours comment est-elle quand elle n'est plus infirmière, le soir que fait-elle ? Va-t-elle danser ? Lit-elle au contraire, a-t-elle beaucoup d'amants, ou un homme seul ? Il banderait presque de nouveau ; finalement c'est bien cette érection, cela prouve qu'il est encore vivant, au moins du bas-ventre. Ce bas-ventre pourri et douloureux pourtant ; il a encore envie d'uriner, irritation de voisinage. Il se retient, la perfusion est bientôt terminée. Pourra-t-il marcher après et sortir seul, sans l'aide de personne comme il aime ; ce n'est pas sûr il se sent très las et sa fatigue est immense. Comme une lente et interminable anesthésie.
    Sur le dos, de nouveau, dans ces draps rêches, le plafond blanc surgit encore. C’est très blanc, pas une seule toile d’araignée ; rien de vivant sur ce plafond. Il comprend que c’est peut-être un passage vers la mort, vers cet ultime choix, cet artefact comme disait un ancien ami médecin comme lui. Les crétins disaient que philosopher c’était apprendre à mourir. Peuh ! C’est tout ?

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Le plafond blanc. Version 2 (espérance)

Ma mie, ma petite fille

Berre était encore dans la nuit, ce matin. Quelques flammes et lumières vacillaient comme dans ces étranges et lointains pays pétroliers. L’aube, à peine, léchait la terre rose. A l’aéroport Marignane, tout était désert après ton départ. Tu n’étais plus là, toi, ma flamme, ma mémoire vive. Tout à l’heure, j’irai à Aix-en-Provence, m’asseoir à ce café que tu aimes toi aussi ; cette ville, gorgée de soleil et de piétons, grouille tellement qu’on se croirait en Espagne. Sous les platanes et les fontaines bourgeoises, les belles aixoises guindées excentriques à la démarche étudiée me donnent parfois l’envie de revivre, de recommencer. Un enfant poursuit un pigeon, un couple se serre sans équivoque, ceux qui « s’aiment » ont l’air heureux. Les étourneaux font un boucan du diable haut dans les arbres.
Un chien passe là, insouciant du monde humain, à la recherche de sa vie à lui. Je te souhaite, ma mie, ma petite fille, d’être ainsi comme lui libre et voyageur, indépendant et sociable, fier et curieux du monde. Quant à moi, tout à l’heure, je reprendrai encore ce corridor étroit, celui des longs couloirs blancs des hôpitaux et des séances douloureuses, ne t’inquiète pas, encore fois, je tiendrai le coup, je serrerai les dents quand mes belles infirmières perceront mon cuir et je lutterai comme depuis le début, tu le sais, je t’en ai fait l’engagement. Je n’ai juste qu’à fixer un point imaginaire sur ces hauts plafonds trop blancs. Puis fermer les yeux, en songeant à toi.

A bientôt, donc. 

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Vous pouvez retrouver cette seconde version avec d'autres textes "atelier d'écriture" sur le site de Nathalie à cette adresse "papier libre" : ICI.


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5 janvier 2007 5 05 /01 /janvier /2007 10:27

j'ensemence ton corps de mes mots de bonheur
grainetier enthousiaste en plein amour
j'inonde et j'entoure de mes phrases la courbe de tes fesses, la rondeur de tes seins, l'épure de tes hanches
ceci est un certificat d'amour, qu'on se le dise
je me jette à travers et à toute force dans ce plaisir aux yeux tintinnabulants de couleurs
j'ensemence de mes lèvres de futaie ton corps rond en un galbe de rêve
j'atteindrai le vent de ton sexe clochette
je m'y noierai de toute ma jeunesse ivre déjà
je mébrouerai couvert de tes liquides clairs
en pleine farniente sur ton ventre
les moindres replis de ta peau succulente
je me ferai poussière pour mieux envahir ton corps blanc
pour m'abimer avec tant de vertige dans ton abîme, pour m'engouffrer dans ton gouffre, pour me perdre dans ce ravin de joie :

réellement je ferai le parcours de tes organes, de ceux qui gonflent, de ceux qui battent, de ceux où s'entasse ton sang
je me ferai taupe pour bien creuser ton corps de ciel, tes yeux glauques
saoul de tes liqueurs, je tituberai et reverrai comme ces rêves d'enfance ces terribles animaux roses à points blancs
jouer du saxophone en dansant en boxe swinguée
je me glisserai dans le zeste de ta peau, je sentirai ton sexe d'aube, bien blanc, lisse comme la meilleure écorce

sur tes tempes
et l'ouragan de tes cheveux lourds et odorants
je teinte de ma bouche ta peau déjà colorée
je te bronze comme l'encre d'une seiche
et je me fixe à toi comme l'oyat fixe le sable
ma salive - venin pacifique - mouille ton nombril rigolo
j'y laisse l'empreinte de mes dents comme le sceau de mes désirs, j'y laisse l'ombre de mon front multicolore

je me nourris de ton sang, de ta lymphe, de tes muscles, de tes mues
je mange le nougat de tes yeux, le chocolat de tes sourcils, la pâte de fruits de tes lèvres
et le noroît de ton vagin qui courbe mon sexe et le modèle à ta façon, à tes besoins
je monopolise ton corps, ne laisse aucune miette, je me nourris de tout, tout me convient
j'en gobe la perfection
je ferai de ta peau une infusion terrible
et mes yeux privilégiés auront prise sur le soleil de dehors et sur celui de tes âmes
je casserai mes lunettes rondes - inutile instrument - et je boirai ton sexe

je m'asseois sur le site de tes collines
j'admire l'horizon de ta peau
je renverse les sombres nostalgies et n'imagine que des printemps riches des hivers enneigés
je ferai du ski sur tes fesses
de la luge sur ta poitrine
je serai une roussette rousse ondulant dans ton vagin
me nourrissant de tes algues, buvant tes paroles fluides
je serai un homard tendre pinçant délicatement le rose aréolé de tes seins
je serai ibis pour te séduire
iris pour me faire beau
je me ferai de fer et d'argile
fer et nickel comme le noyau du monde
un tonnerre et une brise
la thèse l'antithèse
je me ferai coccinelle pour me perdre dans ton coeur ouvert
ceci était un certificat d'amour, tout le monde avait deviné, merci
je me ferai moi, tout simplement, et m'endormirai, tout simplement, très en douceur le long de ton ombre

En foi de quoi le présent certificat pour servir et valoir ce que de droit.



"femme endormie" Matisse

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22 décembre 2006 5 22 /12 /décembre /2006 08:37
Communication(s)

« Et cependant je continue à chercher quelqu’un qui ne me comprendrait pas et que je ne comprendrais pas, car j’ai un besoin effrayant de fraternité. » Emile Ajar.

Petits et funestes funambules du soleil, nous agitons les bras pour le balancier, nos ombres jouent avec le soleil (nos bras projettent les ombres)…
Ainsi on avance tous pied après pied sur des cordes raides ; on n’a même plus le temps de sourire, ce fil est long : celui de notre vie ; il est unique : un fil pour chacun. On n’en distingue pas les extrémités et sur chaque fil se balance, araignée maladroite, un homme ou une femme regardant ses pieds.
Parfois l’un tombe : c’est l’accident, il peut mourir ou rester paralysé ou se déformer : c’est la mort ou le changement. Certains se retiennent à un fil plus bas lors de la chute : ils survivent, mais devront s’adapter à ce nouveau fil dont ils ignorent l’épaisseur ou la texture. Certains prétendent (mais ce sont des rêveurs) que quelques fils se croisent ou se rejoignent et permettent ainsi les rencontres. J’en doute : une rencontre sur un fil signifierait une catastrophe : la chute de deux corps. Cependant certains fils sont proches les uns des autres et autorisent des attouchements. Mais ces joies sont rares car rester immobile sur son fil est délicat et demande au funambule déjà fatigué de sa marche un surcroît d’attention, les morts au moment des attouchements sont innombrables. Certains prétendent qu’il s’agit souvent d’un suicide double, c’est possible.
    Mais la plupart marche, certains avec le temps sont devenus aveugles, il est étrange de constater qu’ils ne tombent pas tellement ils sont adaptés à leur fil. Il semblerait pour certains que ces fils n’ont pas de fin et qu’à un moment ou un autre il faut tomber : c’est la vie.
    Moi aussi j’ai mon fil, j’ai de la chance il est assez épais et solide, je suis à l’aise dessus et je n’ai pas encore mal aux pieds ou aux yeux, mais pour combien de temps… Souvent mon fil s’est approché d’autres fils et j’ai eu mes attouchements dont certains furent importants pour moi. Aussi quelle tristesse de voir mon fil bien isolé et qui part là-bas dans une direction où je ne distingue aucun autre équilibriste.


photographies de Gilbert Garcin


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