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some words :

"Le poète est un archer qui tire dans le noir." - Salah Stétié -
"Soyez un écrivain mineur, cela vous rajeunira." 
Dominique Noguez

"Cette femme était si belle
Qu'elle me faisait peur."
 Guillaume Apollinaire

"In a place far away from anyone or anywhere, I drifted off for a moment." -- Haruki Murakami --


"Être poète n'est pas une ambition que j'ai. C'est ma façon à moi d'être seul."   -- Fernando Pessoa --

"Ca va tellement mal aujourd'hui que je vais écrire un poème. Je m'en fiche ; n'importe quel poème, ce poème." -- Richard Brautigan --

"J'écris à cause du feu dans ma tête et de la mort qu'il faut nier."
Jacques Bertin

"O mon passé d'enfance,
pantin qu'on m'a cassé."
Fernando Pessoa


« La mort c’est l’infini des plaines
et la vie la fuite des collines. »
Joseph Brodsky

Certaines choses

Nous entourent « et les voir

Equivaut à se connaître »

George Oppen



" LA GRANDE FORCE EST LE DESIR "
(Guillaume Apollinaire)



"Quand je dis « je », je désigne par là une chose absolument unique,
à ne pas confondre avec une autre."
Ugo Betti

"Le sens trop précis
rature
ta vague littérature"
Stéphane Mallarmé


" Je ne suis pas moi ni un autre

Je suis quelque chose d’intermédiaire :
Un pilier du pont d’ennui
qui s’étend de moi vers l’autre. "
Mario de Sa-Carneiro
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-- je vous souhaite un bon passage... --


"Mais rien de cette nature n'est définitivement acquis. Comme une eau, le monde vous traverse et pour un temps vous prête ses couleurs. Puis se retire, et vous replace devant ce vide qu'on porte en soi, devant cette espèce d'insuffisance centrale de l'âme qu'il faut bien apprendre à côtoyer, à combattre, et qui, paradoxalement est peut-être notre moteur le plus sûr."  Nicolas Bouvier

« La poésie vient vers nous, on ne sait d’où, et elle nous quitte, allant vers on ne sait quel au-delà. Mais en passant, elle nous laisse des mots et elle nous fait des signes dont l’interprétation est inépuisable. » Gabriel Bounoure

" Avec tes défauts. Pas de hâte. Ne va pas à la légère les corriger. Qu'irais tu mettre à la place ? " Henri Michaux


écrivez moi si vous le souhaitez :    

Soyez indulgent, je ne suis qu'un petit écrivaillon tentant d'écrivasser

Mai 2008 : "L'apéritif de la neige"
est "paru"

Si vous êtes intéressé : laissez moi un message
(133 pages de poèmes et textes poétiques, pour la plupart ici sur mon blog)

"Le meilleur choix de poèmes est celui que l'on fait pour soi." Paul Eluard

"Savoir que nous ignorons tant de choses suffit à mon bonheur." George Oppen

______________________________________________

 

9 février 2010 2 09 /02 /février /2010 22:12
le vert
passa la main
sur l'épaule du jaune
qui eut un frisson mauve
---------------------------------

la pierre
n'entend
son coeur battre
que dans la pluie
---------------------------------

Le parfum
se promena nu
avec
pour tout cache-sexe
le forme
de la fleur
---------------------------------

les murs
marchaient
à plat
pour ne pas réveiller
la rue
---------------------------------

le bruit se croqua et
laissa ses dents dans
les touches du piano
---------------------------------
Malcolm De Chazal






le grand écrivain et peintre mauricien définit ainsi sa poésie :



UN DES BUTS MAJEURS

DE LA POÉSIE...


  Un des buts majeurs de la poésie est, selon moi, de créer des pentes dans les mots, d’entailler des glissières dans la langue, pour faire passer et ruisseler au dehors la sensation. La forme poétique n’est point, à mon sens — ainsi que le croient les poètes courants — un moyen d’enclaver, de retenir ou d’enchaîner la sensation, car je me sers d’autres « vases » pour cela : ma forme même d’écrire, qui n’a rien à voir avec toutes les formes de littérature usuelle, et qui rétrovase l’idée en prenant la sensation comme point de départ, et l’idée comme point d’arrivée — mon mode d’écrire est sensation pure, ma prose est corps-fleuve de sensations, et par conséquent n’a nullement besoin de contenir la sensation, parce que la sensastion est, dans ma prose, contenant, la sensation est le vase même qui véhicule l’idée que je transmets. Aussi le difficile pour moi n’a pas été de trouver des mots pour contenir la sensation dans mes phrases-fleuve de sensations, mais de faire faire passer cette sensation au lecteur afin de faire jaillir dans son cerveau les idées et les idéo-images que j’avais vue et que j’ai désiré lui transmettre par mes propres voies.
  Ma forme poétique consiste donc à couper des angles aux mots, à installer des pentes au sein de leur substance afin de faire ruisseler la sensation au dehors. Tout mon art poétique est là et consiste en cette ciselure, en ce rabotement, en ces découpages constants, en ces entaillements psychiques des mots, et qui n’ont rien à voir avec le travail de menuiserie usuel de la langue, ce machinisme des physicistes des mots que sont les poètes courants. Aussi ma prose n’est-elle pas une poésie-but mais une poésie-moyen. Ma forme poétique m’est imposée ; je n’ai pas eu le choix, parce qu’elle est l’unique moyen qui pût me mener à mes fins qui sont de transmettre au lecteur la substance-verbe de sensation, chair contenant ma pensée, moule des vérités, poésie dans la poésie, traductrice de l’invisible et des arcanes du monde surnaturel. Car comme je l’ai répété à satiété et comme je le redis encore ici, la poésie n’est nullement pour moi dans les mots, mais derrière les mots, entre les mots, entre les mots et les syllabes, et surtout dans l’indit, c’est Invisible aux yeux béants qui nous fixent et nous interpellent des tréfonds de leur spiritualité. Qui chercherait à trouver la poésie dans la forme extérieure de ma prose pourrait aussi bien « chercher » le goût du fruit en léchant sa surface. Qui ne mord pas à travers la chair de ma poésie et jusqu’à son noyau de vie surnaturelle, en saurait y voir que des caractères d’imprimerie, tout justes ayant la valeur de la bouteille d’encre qui leur donna le jour. Ma poésie n’est pas une poésie de la forme, mais une poésie du fond, et uniquement cela.
  Le corps poétique, sous ma plume, sert à créer une ouverture, un exutoire à la sensation, et non à contenir la sensation qui est déjà dans le mode d'écrire, — la sensation étant la colonne vertébrale, les vertèbres, la moelle épinière et la matière grise même de mon Verbe.
L'âme-poésie, je la mets derrière les mots, entre les mots et les syllabes, etc. Ma poésie est donc dans le côté spirituel des mots, et non pas dans leur côté physique ou dans leur sonorité. Ce qui explique admirablement chez moi cette torsion de la langue, cette chirurgie verbale, ces creux psychiques intercalés, ces lézardes, ces emboîtages, déboîtages et rémboîtages linguistiques, cette refonte architecturale constante des mots, et dont le seul but dernier est de créer des couloirs, des trous, des percées et des avenues dans les mots, pour laisser filter à travers le surnaturel, et atteindre par là l'âme du lecteur.
  On est accoutumé à dire que le poète est le voyageur qui est parti pour le Pays des Chimères. Cela est faux. Le poète est parmi les rares voyageurs d'ici-bas qui sont partis pour le Pays de la Vie, quittant le royaume des Apparences pour celui des Réalités Spirituelles, — les seules éternelles. Le poète est un réaliste dans le plus haut sens spirituel du terme.

la Vie filtrée, éd. Gallimard, 1949
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6 février 2010 6 06 /02 /février /2010 21:11
Soirée intellectuelle

K-White


("L'idée devient femme" - Nietzsche)


J'ai lu beaucoup de textes hindous
ces dernières années
cent ouvrages étudiés à fond
mais quand je le suis trouvé ce soir-là
près de la fille
au sari bleu
alors qu'on attendait de moi
quelque conversation brillante
je n'ai pu penser à rien d'autre
qu'au sari bleu
et à la nudité qu'il couvrait


Kenneth White

sari bleu
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21 janvier 2010 4 21 /01 /janvier /2010 10:52
hervé Lesage


d'autres poètes contemporains
en cliquant sur
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livres à commander, manuscrits à envoyer...


Image 25
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15 novembre 2009 7 15 /11 /novembre /2009 14:18


Tel un poème en prose


Un été automnal sur les collines tel un poème en prose. La brise est une cadence légère que je sens sans l’entendre dans la modestie des arbustes. L’herbe tend vers le jaune, images en ascèse qui séduisent la rhétorique en se comparant à ses fourberies. Pas de célébrations sur ces sentiers à l’exception des suggestions du moineau affairé entre sens et absurde. Et la nature est un corps qui s’allège de son clinquant et de ses atours que mûrissent la figue, le raisin, la grenade et l’oubli de désirs que la pluie ravive. « N’était mon désir obscur de poésie, je n’aurais eu besoin de rien », dit le poète qui, ayant perdu de son enthousiasme, commet moins de fautes et marche. Les médecins lui ont conseillé de marcher sans but précis, pour exercer son cœur à l’insouciance nécessaire à la bonne santé. Et s’il marmonne, son propos est sans importance. L’été est rarement propice à la déclamation. L’été, poème en prose indifférent des aigles tournoyant au firmament.

Mahmoud Darwich


M. Darwich est l'un des plus grands poètes arabes (Palestine) contemporains, et l'un des très grands poètes actuels. Il est mort en 2008 lors d'une opération de chirurgie cardiaque à Houston (USA), il avait 67 ans; c'était un homme lucide maintes fois empêché dans sa recherche d'un monde de paix, et d'égalité entre les peuples.























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15 septembre 2009 2 15 /09 /septembre /2009 15:19
quelques aphorismes de Carl Sandburg
(traduction Alain Bosquet)

- la poésie est le journal d'un animal marin qui vit sur terre et qui aimerait voler.

- la poésie est un document imaginaire qui explique comment on fait des arcs en ciel et pourquoi ils disparaissent.

- la poésie est l'accomplissement d'une synthèse entre jacinthes et biscuits.

- la poésie est l'arrangement cinétique de syllabes statiques.

- la poésie est l'imitation du cri qu'on profère en trouvant 1 million de $, et l'imitation du cri qu'on profère en les perdant.

- la poésie est un jeu de marionnettes, où des occupants de fusées et des plongeurs d'abîmes marins potinent sur le sixième sens et la quatrième dimension.

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11 août 2009 2 11 /08 /août /2009 02:58


ART POETIQUE



Quand ce sera la nuit
Et toi tout seul dans une vieille limousine
Quelque part sur une route de forêt
Quand ce sera nuit noire
O mon Poète aie garde d'allumer tes phares
Appuie de toutes tes forces sur le champignon de la beauté
Sans rien savoir
Et sans souci du flot battant ton pare-brise
Enfonce-toi comme un noyé dans la nuit rageuse qui grise

Tu as perdu la direction
Le Nord l'étoile les feux de position
Et tu sens soudain un grand choc
Tu  es couché tout près de toi dans la verdure
Tu es comme mille petits trous de serrure
Qui regardent
Dans ta tête éclatée
Les éléments épars de la beauté

Et qui viendrait te chercher là
Quand tu disposes de toi-même
Secrètement pour un destin
Qui ne peut plus te laisser seul

N'appelle pas
Mais entends ce cortège innombrable de pas.

René-Guy Cadou
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17 juin 2009 3 17 /06 /juin /2009 20:03

à peine remis de la lecture de "La ravine" de Essenine, meilleur livre lu actuellement cettte année ex-aequo avec "La route" de Mac Carthy, je découvre les merveilleux poèmes de ce génie russe...

chanceux, ces écrivains, dont les mots viennent ainsi
sans hirsutisme, sans accroc, sans tromperie,
l'art d'être poète
devient dans le lit de leur flanc, de leur chant, de leur fleuve
un art d'utopie essentielle
nécessaire pour vivre
ou simplement pour divaguer un peu plus loin dans l'autre passage, l'autre visage, l'autre âme

bienheureux l'agencement de leurs mots

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19 avril 2009 7 19 /04 /avril /2009 19:57

    Depuis octobre 2008, Jacques Bertin interprète ce magnifique texte, pas facile d'ailleurs à chanter, c'est bien sûr splendide ; définitivement on ne sait plus où l'on est ; chez qui ? Un grand poète de l'enfance ? Un grand auteur-compositeur-interprète pour une chanson d'exception ; profitons-en, gardons yeux et oreilles fort ouverts, ces moments de grâce sont si rares...




Le passé ?


Un passé avec des ancêtres des ancêtres des ancêtres…
une sombre foule d'ancêtres montés d'infinis là-bas
d'infiniment très vieux pays au rythme cassé des charrettes
avec leurs hardes leurs chansons leurs hameaux noués dans des draps

un passé noir comme une nuée tracée dans le ciel d'orage
pourquoi donc croyez-vous que nous aurions si longtemps voyagé
sans autre espérance que l'espérance et dans l'âge sans âge
il fallait faire avec et faire comme si - et avancer

parmi les massacres les épidémies les viols les famines
les obus sur l'église tombaient, on distribuait les rations
les nouveaux-nés passaient de main en main dans les gués dans les ruines
on chargeait les enfants à l'aube à la hâte dans les camions

il fallait avancer, roman interminable, peuple en loques
comme s'ils t'aimaient comme s'ils avaient toujours marché pour toi
des valises de certificats des chapelets des breloques
passé le col passé la mer - Polonais Kabyles Gaulois

quelques billets gluants, quelques photos, un livret de famille
aux pages qui s'en vont dans l'eau ou comme une vaisselle d'or
ceux qui ne peuvent plus marcher dans les regards des jeunes filles
se réfugiant pour y enterrer le drapeau brûlant encore

le VRP bouffant tout seul le soir à l'Hôtel de la gare
la domestique congédiée, l'apprenti qu'on ne reprit pas
le moissonneur qui fut amputé sur place à la lueur des phares
les cadets de Saumur en juin l'été où l'ennemi passa

et ils sont là et les voilà qui tambourinent dans ta porte
nous voulons dans ta maison vide et ton âme nous installer
nous sommes le passé vivant que l'histoire en grinçant t'apporte
nous monterons nos tentes de papier ce soir sur ton palier

les réfugiés au port, le passeur qui courait entre les tombes
l'entrée des mineurs dans la ville avec leurs gueules de bandits
l'institutrice a dit : nous reviendrons sur l'aile des colombes
les curés rouges les soldats perdus les poètes maudits

les chants des carabins, le rire de la mitraille et la gloire
le ciel de la barricade et les rosiers fleuris ce matin
courez petits enfants on a trouvé des monnaies dans la Loire
l'aile du deuil passant sur le parc, l'officier tué à Verdun

quel désordre dans ce hangar, quel vacarme dans la mémoire
le bric-à-brac des pauvres, les idées dépassées, l'espoir vain
l'aube sur les exécutions, l'inconnu noyé dans la mare
le copain qui voyait la Vierge, la religieuse au Tonkin

bonjour ! il faudra désormais que ce soit toi qui nous emmènes
sans savoir où bien sûr mais qu'importe tu passeras devant
nous avons semé les dragons les bleus les indics et la haine
les caméras nous ont perdus dans le dédale des étangs

dans le chagrin, dans les marais, dans la débâcle des poèmes
et les nabots et les poivrots les estropiés suivaient de loin
regarde en arrière et ainsi tu verras où l'espoir te mène
pressons le pas c'est par ici faut pas traîner dans les chemins

Cité des Lilas, des Tilleuls, grandes barres, cité sans âme
fermes de pauvres, taudis, salles communes au poêle éteint
comment ferons-nous pour passer puisque nous n'avons aucune arme ?
chambres de bonne avec lavabo, avenirs donnant sur rien

la retraite jusqu'à Moulins, le défilé de la victoire
le petit des voisins est mort, la gosse a pris un Italien
la fin de la sécheresse et les bateaux revenus en Loire
l'atelier à treize ans et l'oncle avec son Berliet à pneus pleins

le STO, tu m'écriras ! les trente mois, non à la guerre !
tout ce que nous avions rêvé, tout ce qui ne servit à rien
le nouveau syndicat, le bétail fut dispersé aux enchères
la grève les fourches les faux les poings levés le prix du pain

le docteur dans la côte avec le lumignon de la tendresse
le toit bleu de la vieille école et le jardin de l'hôpital
l'infirmière sur son Solex vaillante comme la jeunesse
le soir les vélos par centaines rentrant le long du canal

et les voilà : tous Poulidor, tous Dupont et tous dans ta tête
mais range-toi donc, animal ! tu nous gênes pour avancer
bouge-toi imbécile pas besoin de croire pour en être
avance ou bien pousse ton siècle dégonflé dans ce fossé

tu gênes les gens, petit homme en déguisement post-moderne
on te demande pas de croire on te demande d'avancer
dispense-toi de commentaires, dégage ton âme en berne
petit homme contemporain en plâtre, laisse-nous passer !

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22 mars 2009 7 22 /03 /mars /2009 19:00


John Donne (1572-1631), poète et prédicateur anglais est considéré comme l’inventeur de la poésie « métaphysique », je suis tombé par hasard sur ces vers énigmatiques dont deux traductions différentes suivent :
 qu’il est délicat encore une fois de traduire de la poésie…


WHERE, like a pillow on a bed,
A pregnant bank swell'd up,
to rest The violet's reclining head,
Sat we two, one another's best.

-----------

Là où comme sur un lit un oreiller,
Une rive en crue invitait les violettes
A reposer leurs testes,
Nous nous assîmes, l'un à l'autre tout entiers.
(traduction : Gilles de Sèze)

-----------


Où, comme oreiller sur un lit,
Un talus s’enflait, soutenant
Le front penché des violettes,
Nous étions assis, l’un à l’autre.  
(traduction par Jean de Menasce)
(Paru en 1927 dans Le Roseau d’or)




Un autre texte de John Donne, « No man is an island , entire of itself... » a inspiré, dit-on, le titre du roman d' Hemingway Pour qui sonne le glas :
« Aucun homme n’est une île, un tout, complet en soi ; tout homme est un fragment du continent, une parti de l’ensemble ; si la mer emporte un motte de terre, l’Europe en est amoindrie, comme si les flots avaient emporté un promontoire, le manoir de tes amis ou le tien ; la mort de tout homme me diminue, parce que j’appartiens au genre humain, aussi n’envoie jamais demander pour qui sonne le glas : c’est pour toi qu’il sonne »  (Devotions upon Emergent Occasions, 1624)  »

-------------

Il défendait aussi l'idée du suicide, exceptionnel pour cette époque !
pris sur le net :


    Que l’homicide de soi-même n’est pas si naturellement un péché qu’il ne puisse jamais en être autrement. Ce traité défend l’idée que «l’autonomie* humaine est assez grande pour […] laisser le libre choix entre la vie et la mort» (G. Minois, Histoire du suicide, p. 118). La mort volontaire est justifiée dans certaines circonstances. Le livre comprend trois parties: le suicide est-il contraire à la loi de la nature? contraire à la loi de la raison? contraire à la loi de Dieu?
Le suicide n’est pas contraire à la loi de la nature, sinon il faudrait condamner toutes les pratiques de mortification par lesquelles les humains cherchent à maîtriser leur corps. La nature de l’homme, c’est la raison, qui peut lui indiquer si le suicide peut être bon ou mauvais dans une situation particulière. Le suicide n’est pas contraire à l’inclination naturelle, car c’est un phénomène universel que l’on rencontre dans tous les lieux et à toutes les époques. Le suicide n’est pas contraire à la loi de la raison, la raison guide les lois. Or, celles de la Rome antique ne condamnent pas le suicide. Thomas d’Aquin* prétend que le suicide est un péché contre la société, parce qu’il la prive d’un membre utile. Mais un émigré qui quitte son pays ou un général qui se fait moine fait de même. Nous pouvons renoncer à la vie pour un bien supérieur. De nombreux homicides sont commis à la guerre* et dans les exécutions capitales. Le suicide n’est pas contraire à la loi de Dieu, car il n’est pas condamné par la Bible*. La mort de Samson et du Christ ainsi que le martyre* sont des morts volontaires. «Le raisonnement de John Donne n’est pas sans faiblesse: pesant et fastidieux, il abuse du syllogisme et de l’analogie. Il a cependant une force indéniable» (G. Minois, Histoire du suicide, p. 117).
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10 mars 2009 2 10 /03 /mars /2009 01:56
Qui connait Sabine Sicaud ?
cette petite femme de la poésie ? le petit elfe disait-on ...
morte si jeune à 15 ans d'un mal mystérieux généralisé dans des souffrances d'une autre époque ? (1913-1928)



    je viens de lire "Sabine SICAUD / le rêve inachevé" par Odile Ayral-Clause. Les dossiers d'Aquitaine.

    Quel beau livre ! On suit la route avec Sabine, des petits poèmes charmants écrits vers 9-10-11 ans sur la nature environnante, le désir de voyager, de découvrir et puis jusqu'aux derniers poèmes terribles où elle hurle sa douleur, sa révolte...

    Le cas de Sabine est unique, à 11 ans elle gagnait déjà des petits concours de poésie (il faut voir la photographie de 1924 : "le groupe du jasmin d'argent", à Agen : il y a plein de bonhommes très savants et très impressionnants avec leur moustache, de belles femmes aussi avec leur robe longue et une toute petite fille en jupette blanche avec nattes et qui regarde l'objectif avec un sourire étonnant) ; ses petits succès furent tels que certains critiques pensaient que les poèmes étaient du père ou de la mère. Mais Sabine était toujours un enfant avec ce don d'émerveillement si spécifique. Elle habitait dans les bois une belle propriété dont le nom était déjà un tout en soi : "la solitude". (près de Villeneuve / Lot). La découverte du milieu naturel et les jeux avec son frère Claude - brillant lui aussi - formaient un monde propice à l'écriture de charmants petits poèmes sur la fraternisation avec les mondes animal et végétal. Pleins de spontanéité.

Durant l'été 1927, Sabine se plaint, elle s'est blessée au pied en se baignant dans le Lot, une petite blessure semble -t- il ; mais rapidement le mal s'étend, une ostéomyélite vraisemblablement (infection de l'os), la totalité de la jambe est atteinte, puis l'autre jambe, puis une partie du corps. Les médecins très inquiets demandent de rapatrier Sabine à Bordeaux, mais la petite enfant refuse, elle ne veut pas quitter la majestueuse "solitude", tellement c'est son lieu de vie, son "îlot tant aimé". Les parents acceptent. La souffrance est terrible et le mal est monté de partout, Sabine hurle quand on la touche. L'hiver est cauchemardesque. La petite poétesse écrit et nomme sa maladie : "une bête invisible aux minuscules dents". Sabine s'accroche à la vie et lutte terriblement. L'enfant rieuse est devenue grimaçante et souffrance ; elle ne baisse pas les bras comme on peut le lire dans certains de ses derniers poèmes, elle s'invente aussi un ami "Vassili" qui devient le confident de sa douleur, c'est l'adolescence qui pointe le bout de son nez. Elle rêve d'un médecin prodige, d'un dieu bienfaisant, d'un peu de romantisme.

Fièvres et douleurs et divaguations s'enchainent, le 12 juillet 1928 Sabine s'endormira définitivement.

Une rue de Villeneuve sur Lot porte son nom.

Certains de ses poèmes : sabine Sicaud
ou encore : Sabine sicaud

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Vous parler ?

 

Vous parler ? Non. Je ne peux pas.

Je préfère souffrir comme une plante,

Comme l'oiseau qui ne dit rien sur le tilleul.

Ils attendent. C'est bien. Puisqu'ils ne sont pas las

D'attendre, j'attendrai, de cette même attente.


Ils souffrent seuls. On doit apprendre à souffrir seul.

Je ne veux pas d'indifférents prêts à sourire

Ni d'amis gémissants. Que nul ne vienne.


La plante ne dit rien. L'oiseau se tait. Que dire ?

Cette douleur est seule au monde, quoi qu'on veuille.

Elle n'est pas celle des autres, c'est la mienne.


Une feuille a son mal qu'ignore l'autre feuille,

Et le mal de l'oiseau, l'autre oiseau n'en sait rien.


On ne sait pas. On ne sait pas. Qui se ressemble ?

Et se ressemblât-on, qu'importe. Il me convient

De n'entrendre ce soir nulle parole vaine.


J'attends, comme le font derrière la fenêtre

le viel arbre sans geste et le pinson muet...

Une goutte d'eau pure, un peu de vent, qui sait ?

Qu'attendent-ils ? Nous l'attendrons ensemble.

Le soleil leur a dit qu'il reviendrait, peut-être...

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"Parce que tu as froid, ce soir, /

Ne nie pas le soleil"    Sabine Sicaud. 1928

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30 janvier 2009 5 30 /01 /janvier /2009 13:59
Tess Gallagher fut la dernière compagne de Raymond Carver, elle lui permit sans doute, de récupérer des conditions "correctes" d'écriture, d'arrêter la boisson et de trouver le temps et la volonté d'écrire... C'est sans doute grâce à elle qu'on peut lire ses poèmes et ses nouvelles idéalement rédigées. Elle est aussi une poète américaine reconnue et sa poésie est typiquement reconnaissable : beaucoup est autobiographique et tout est prétexte à poétiser. Voici un poème écrit après la mort de son compagnon Raymond Carver.




« Proche, comme tout ce qui est perdu
Ne jouez pas comme ça comme s’il s’agissait de l’amour. C’est un souvenir de l’amour. »
Francis Travis (chef d’orchestre)


- proche, comme tout ce qui est perdu -


Que sommes nous maintenant, nous qui étions deux paupières élevant en alternance
Le monde diurne puis nocturne par-delà ses fantasmes de vie éternelle ? Un œil observait l’autre dans sa quête infinie d’un chemin qui ramenât à un langage similaire au lavage des rêves de notre passé, ce gage sans plus aucun lien que toute mort réclame à tort.

Je ne pouvais me résoudre à ce que l’étoile diurne succède à l’étoile nocturne avant qu’une autre vie ne jaillisse par-dessus les décombres magnifiques des souvenirs ensevelis au fond de moi.
à présent l’amour est mon orbite meurtrie par la joie, telle un archet que la courbe d’un poignet fait aller le long de deux cordes sur un violoncelle tandis que,
plus haut, la main attentive soumet l’une des notes comme la douleur-en-transit soumet le langage à des fins incompréhensibles.
C’est alors seulement qu’elle peut dissimuler sa vibration
dans l’expérience d’un nouvel amour qui engloutit l’ombre.

Une telle union nous subjugue, non par son harmonie, mais à travers une prolongation du souvenir telle que nous sommes incapables d’exprimer les sensations qu’elle procure, mais devons les extérioriser comme des corps, comme si l’aspiration de l’âme à ressentir pénétrait en nous, comme elle pénètre, oui, comme elle pénètre.

Et voici que l’ombre fait un pas à notre place.
Et je parle à l’intérieur de l’ombre en l’appelant
par son nom dans l’amour, par son corps le plus tendre : Morenito, Morenito (*).
Et elle marche à notre place, s’allonge à notre place,
et fait briller notre corps un et lumineux, celui qui glisse
sur la terre comme un disque noir portant le monde sur ses épaules,
et dont les pieds épousent l’empreinte des nôtres.

(*) : Morenito : petit noiraud

Tess Gallagher, in « Moon crossing bridge », 1994, Ed. L’Incertain
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20 janvier 2009 2 20 /01 /janvier /2009 15:14




à Rimbaud
Je dirai le désert
Et les fleurs qu’il a sous ses semelles semées

Il reste l’homme aux yeux charbon et les mauvaises photographies
où il pose tordu, bancal, sans sourire
Il semble fixer et juger le photographe
Et pourtant ces nouvelles sciences le passionnèrent
Il a le corps maigre de ceux qui vivent trop ou trop vite
Epuisant leur horloge ou malnutri

Fatigué, il poursuit son père dans les déserts arabes (**)
Traversant toujours de ses longues marches
« les membres brisés par mes longues errances »
( = écrit à 14 ans, impressionnant quand on connait la suite)(*)
Abandonnant soudainement tout ce en quoi il excellât

Cherchant son altérité de poète « ailleurs », silencieux dans ses pas
Silencieux dans son humanité, cassant sa poésie pour descendre au Sud
Et fuir ce redoutable hiver européen de 1879-1880 dont il parle sans cesse
mais :
Le soleil - Shams (féminin en arabe) – est aussi dur que l’hiver
pourtant :
 Segalen dira de lui qu’il est un « prototype de résistance à la chaleur »(*)

Aden est là.
Plus tard, déçu, insatisfait et malade, son or à la taille, il sera accompagné par seize robustes noirs vers son destin européen, sa fin à Marseille, une jambe en moins à payer
Il mourra seul, sa mère et sa sœur, uniques et derniers compagnons

aucun ami ni africain ni européen
juste son seul silence de voyant



(*) : (cité par Alain Borer)
(**) : (son père fut longtemps capitaine du bureau arabe de Sebdou, en Algérie)


« D’Europe en Arabie ou en Afrique, Rimbaud passe du « même désert, à la même nuit. » Alain Borer : Rimbaud en Abyssinie, Seuil, 1984

« Ma journée est faite. Je quitte l’Europe. » Rimbaud
« Tout cela est très bien et l’homme a tenu parole. » Verlaine



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25 décembre 2008 4 25 /12 /décembre /2008 17:17
Aube


J'ai embrassé l'aube d'été.
Rien ne bougeait encore au front des palais. L'eau était morte. Les camps d'ombre ne quittaient pas la route du bois. J'ai marché, réveillant les haleines vives et tièdes, et les pierreries regardèrent, et les ailes se levèrent sans bruit.
La première entreprise fut, dans le sentier déjà empli de frais et blêmes éclats, une fleur qui me dit son nom.
Je ris au wasserfall blond qui s'échevela à travers les sapins : à la cime argentée je reconnus la déesse.
Alors je levai un à un les voiles. Dans l'allée, en agitant les bras. Par la plaine, où je l'ai dénoncée au coq. A la grand'ville elle fuyait parmi les clochers et les dômes, et courant comme un mendiant sur les quais de marbre, je la chassais.
En haut de la route, près d'un bois de lauriers, je l'ai entourée avec ses voiles amassés, et j'ai senti un peu son immense corps. L'aube et l'enfant tombèrent au bas du bois.
Au réveil il était midi.

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Que dire de ce poème écrit à 19 ans
en prose ... et qui commence et finit par un octosyllabe… ?
( le rapprochement de la première et de la dernière phrase nous donnerait la clé de ce poème )
Il vient d’ « Illuminations » le dernier recueil de Rimbaud ; « Illuminations » au sens d’enluminures (somptuosité de la couleur) mais aussi visions hallucinatoires.

Le jour se lève, le poète se promène …
Notion à la fois temporelle et prise de position sensuelle.
Le dernier vers arrive brutalement comme un échec. Découverte + tonalité sensuelle .

    Rimbaud pousse un cri de victoire : il croit avoir saisi l’insaisissable : l’aube, la blancheur, pureté, luminosité, splendeur, éclat, richesses … C’est une féerie précieuse et pure, riche de sonorités puissantes. L’harmonie physique entre l’homme et la nature semble être là, avec le mythe des nymphes et la poursuite amoureuse qui s’en suit. Aube : alba en latin : blancheur.
8 fois « je » sera employé ; passé composé, imparfait ensuite.
Une ville apparaît, flaques d’eau ; immobilité et ténèbres, l’aube n’est pas encore apparue ; les ombres semblent hostiles et fortes.
Le poète ne devient plus témoin, mais bien créateur : et c’est le réveil du poète qui peut être assimilé à un acte magique ; le réveil se fait avec le passé simple. Au début les sonorités sont étouffées, sourdes puis elles deviennent claires, sonores : c’est le début de l’éveil à la nature.
Pourquoi Rimbaud chasse la déesse à la fin ?
La poursuite serait infinie ? telle est peut-être cette signification ?
En agitant les bras, l’enfant devient coquasse, mais aussi prend une signification païenne, dionysiaque (au sens antique, mais aussi philosophique), l’ivresse vitale : orgies, danses… C’est une nymphe poursuivie par Pan. Séductrice dangereuse. Sexualité adolescente ?
Le sapin est presque noir à l'inverse de la cascade.
Une signification à la fois érotique et religieuse. De même vocabulaire guerrier et valeur érotique très nette. La déesse c’est l’aube.
Mythe des nymphes : harmonie de l'homme et de la nature.
Contraste entre le mendiant et le marbre : pauvreté et recherche du don de l’aube, de son obtention ; encore une fois un parfait tableau symbolique.
Mais c’est une illusion de possession. Et la dernière strophe est ambiguë : les lauriers évoquent les victoires, la gigantesque déesse est attrapée par l’enfant, par un simple mortel.
Contraste entre le mendiant et le marbre.
L’enfant est le poète, le poète est l’enfant : la fin de la phrase montre un émerveillement : seul l’enfant peut transformer le réel. L’aube est alors une renaissance.
Le dernier vers arrive brutalement.
Le monde : conscience du poète ?
Il y a donc une valeur symbolique, une enluminure sensuelle mais douloureuse : la poursuite d’un rêve insaisissable et l’aube est l’émerveillement de l’enfance (qui ne survivra pas à la vieillesse). A aucun moment le soleil n’est cité dans ce poème.
Agiter les bras : à la fois cocasse et signification païenne, dionysiaque ; ivresse vitale : orgies, danses : monde érotique et religieux.
Quand est arrivé le rêve ? où est l’état conscient ? cette duplicité est un des charmes de ce texte.
Art de ce genre de poème ? = sa discontinuité , la rencontre d’images et de poésies libérée. Hypnose ? prémisses du surréalisme ?
Rimbaud est définitivement un paganiste, à la recherche d’un idéal inaccessible.
Poème symboliste, lyrique, paganiste, surréaliste, et plus encore.
Abondance de la ponctuation, phrases nominales, pourquoi le verbe "chassait" ?

Il y a tout Rimbaud là-dedans
Rimbaud finissant son enfance, Rimbaud déçu de l’arrivée d’un âge « adulte ».

Rimbaud : un des premiers Peter Pan
Passant de l’autre côté (l’âge adulte), il s’éteindra dans des activités qui ne seront jamais siennes (comme gagner de l’argent, faire des affaires, quitter l’insouciance de la jeunesse…)
Où donc est le grand roman africain qu’il a quand même dû écrire dans sa tête ? ou rêver simplement ?
L’Aube un grand poème charnière vers la poésie moderne…
Arthur Rimbaud ? définitivement quelqu’un d’autre, tout autant l’enfant poète que l’adulte voyageur-géographe…

C'est sensuel, mais douloureux...
C'est une poésie LIBEREE !

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25 décembre 2008 4 25 /12 /décembre /2008 11:31
If I have given you delight
       By aught that I have done,
Let me lie quiet in that night
       Which shall be yours anon :

And for the little, little, span
       The dead are born in mind,
Seek not to question other than
       The books I leave behind.

-------------

L’imploration

Si j’ai pu vous donner du plaisir
Par ce que j’ai pu faire,
Laissez moi me coucher tranquillement dans cette nuit
Qui sera la votre bientôt :
Et pour ce petit, petit espace
  Où les morts sont rappelés
Ne cherchez pas de questions sauf pour
Les livres que j’ai laissés.

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7 décembre 2008 7 07 /12 /décembre /2008 19:41


Prix Nobel en 1987, Joseph Brodsky était un grand poète ; il est mort à 56 ans à New York et est enterré à Venise. A la lecture de son magnifique « Collines » (1962), long poème magnifique qui se termine par :
« la mort c’est l’infini des plaines
et la vie la fuite des collines. »,

j’ai voulu rappeler sa condamnation  à 5 ans de prison dans ce qui fut « l’affaire Brodsky ».

On sourit de savoir qu’il avait été arrêté en 1964 pour « fainéantise et parasitisme social ». Il ne quittera l’URSS qu’en 1972. Combien de grands poètes l’ex-Union soviétique a-t-elle perdu ainsi dans sa folie ? « parasite para-littéraire » (dixit 1963 dans le journal Leningrad soir)

Dialogue (véridique) entre le juge Mme Savaleva et Brodsky :
- quelle est votre profession ?
- je suis poète. Je suppose…
- pas de ces « je suppose » ici. Tiens toi droit. Ne t’appuie pas contre le mur. Regarde le tribunal. As-tu une profession stable ?
- je croyais que c’était là une profession stable.
- Mais qu’elle est ta spécialité d’une manière générale ?
- Je suis poète, traducteur poète.
- Et qui t’a reconnu comme poète ? qui t’a fait rentrer dans les rangs des poètes ?
- Personne. Et qui m’a fait rentrer dans les rangs de l’espèce humaine ?
- As-tu étudié pour l’être ?
- Quoi ?
- Pour être poète. N’as-tu pas cherché à poursuivre tes études au lycée, où l’on prépare, où l’on apprend ?
- Je n’ai pas cru que c’était matière d’enseignement.
- Comment alors ?
- Je crois que ça vient de Dieu…


voici un poème en hommage à Lorca
publié dans l'excellent "Collines et autres poèmes, 1962)

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DEFINITION DE LA POESIE


A la mémoire de Federico Garcia Lorca,
La légende raconte qu’avant d’être fusillé il vit au-dessus des soldats se lever le soleil et dit alors : - et pourtant le soleil se lève…
C’était peut-être le début d’un nouveau poème.

Revoir un instant les paysages
Derrière les fenêtres où se penchent
Nos femmes, nos semblables,
Les poètes.

Revoir les paysages
Derrière mes tombes de nos camarades
Et que la neige lente qui vole
Quand l’amour nous défie.
Revoir
Les torrents troubles de la pluie qui rampe
Sur les carreaux et brouille toute mesure,
Les mots qui nous dictent notre devoir.
Revoir
Au-dessus de la terre inhospitalière
La croix étendre ses derniers bras raidis.
Une nuit de lune
Revoir l’ombre longue
Que jettent les arbres et les hommes.
Une nuit de lune
Revoir les lourdes vagues de la rivière
Qui luisent comme des pantalons usés.
Puis à l’aube
Voir une fois encore la route blanche
Où surgit le peloton d’exécution,
Revoir enfin
Le soleil se lever entre les nuques étrangères des soldats.

Joseph Brodsky
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