La pluie fine - eau de prune diluée - est comme un noir embuant ma vue ; l’élégance du son des gouttes est d’une pureté toute fringante ; comme un filtre sur mes ennuis de vivre ; la pluie malicieuse me prive de ce soleil ; erronée, mon existence s’enfuit, elle court en riant aux feuilles tombées.
La pluie légère, arachnéenne est fluide à ma main, de l’eau sage et utile pour l’ivrogne que je fus, je l’enlace sac-à-vin devenu sac-à-eau, comme un isoloir organique ; c’est ma solitude piochant dans le noir la tourbe de quartz que fut mon donjon. Il s’écroula - avec les années - le temps - la pluie - l’eau infiltrante et qui se retranche « dedans », je suis le vieux de la jetée gigantesque dépouillé de tout, de mes choix, de mes femmes, de mes envies.
Lasse enfin, lassée enfin tu t’es désintégrée à mon portail comme une toute fin adéquate, désincarnée, enjouée de ce destin, liseron croyant jadis en moi ; tu récitais mes poèmes comme des congestions aquatiques : puis, la pluie en puits gentiment t’a détachée de moi ; cette géode sans centre, ce marteau sans manche, toi, ma secrétaire secrète.
La pluie verte me fait de l’oeil, se présente tel un beau linceul ; je deviens l’escroc sans diplôme, la butée « pour rien », la filouterie ultime, l’impasse finale. Je perçois des bruits, des voix, parfois des chants, ces sirènes ailées qui chatoient, qui brillent, qui tremblent… Sont-ce ces amers-là dont je vibre - non pas en phase - mais en décalage complet.
Tu vois - dis-tu - finalement tu ne devais pas vivre. Alors le carnaval des sens et des pleurs apparut au fond du chemin avec sa lanterne rouge.
Enfin c’est tout - pensais-je - effleurant cette pluie fine d’automne.