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some words :

"Le poète est un archer qui tire dans le noir." - Salah Stétié -
"Soyez un écrivain mineur, cela vous rajeunira." 
Dominique Noguez

"Cette femme était si belle
Qu'elle me faisait peur."
 Guillaume Apollinaire

"In a place far away from anyone or anywhere, I drifted off for a moment." -- Haruki Murakami --


"Être poète n'est pas une ambition que j'ai. C'est ma façon à moi d'être seul."   -- Fernando Pessoa --

"Ca va tellement mal aujourd'hui que je vais écrire un poème. Je m'en fiche ; n'importe quel poème, ce poème." -- Richard Brautigan --

"J'écris à cause du feu dans ma tête et de la mort qu'il faut nier."
Jacques Bertin

"O mon passé d'enfance,
pantin qu'on m'a cassé."
Fernando Pessoa


« La mort c’est l’infini des plaines
et la vie la fuite des collines. »
Joseph Brodsky

Certaines choses

Nous entourent « et les voir

Equivaut à se connaître »

George Oppen



" LA GRANDE FORCE EST LE DESIR "
(Guillaume Apollinaire)



"Quand je dis « je », je désigne par là une chose absolument unique,
à ne pas confondre avec une autre."
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"Le sens trop précis
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ta vague littérature"
Stéphane Mallarmé


" Je ne suis pas moi ni un autre

Je suis quelque chose d’intermédiaire :
Un pilier du pont d’ennui
qui s’étend de moi vers l’autre. "
Mario de Sa-Carneiro
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-- je vous souhaite un bon passage... --


"Mais rien de cette nature n'est définitivement acquis. Comme une eau, le monde vous traverse et pour un temps vous prête ses couleurs. Puis se retire, et vous replace devant ce vide qu'on porte en soi, devant cette espèce d'insuffisance centrale de l'âme qu'il faut bien apprendre à côtoyer, à combattre, et qui, paradoxalement est peut-être notre moteur le plus sûr."  Nicolas Bouvier

« La poésie vient vers nous, on ne sait d’où, et elle nous quitte, allant vers on ne sait quel au-delà. Mais en passant, elle nous laisse des mots et elle nous fait des signes dont l’interprétation est inépuisable. » Gabriel Bounoure

" Avec tes défauts. Pas de hâte. Ne va pas à la légère les corriger. Qu'irais tu mettre à la place ? " Henri Michaux


écrivez moi si vous le souhaitez :    

Soyez indulgent, je ne suis qu'un petit écrivaillon tentant d'écrivasser

Mai 2008 : "L'apéritif de la neige"
est "paru"

Si vous êtes intéressé : laissez moi un message
(133 pages de poèmes et textes poétiques, pour la plupart ici sur mon blog)

"Le meilleur choix de poèmes est celui que l'on fait pour soi." Paul Eluard

"Savoir que nous ignorons tant de choses suffit à mon bonheur." George Oppen

______________________________________________

 

31 mars 2023 5 31 /03 /mars /2023 14:02

Mes amis, mes amours, la salle est si petite

Que nos cœurs suffiraient, ensemble, à la chauffer

Mais vivent les flambeaux, l’âtre qui danse vite

Et tous ces chaleureux, les cuivres, les marmites,

Les épices, le rhum, le tabac, le café

 

Dehors, le plus grand gel de tout l’hiver s’orchestre

Les fins archers de l’Est et du Septentrion

Célèbrent dans l’aigu la nuit de Saint-Sylvestre

Et la sévère terre à l’heure où nous rions

Tient plus fort que jamais les défunts sous séquestre

 

Riez donc, chers vivants, brillez, beaux hommes jeunes,

Femmes encore en fleur dans votre âge fruitier,

Partagez ardemment l’orange et l’amitié,

Un soir, tout l’avenir sera que vous partiez

Observer sans retour le silence et le jeûne

 

Vous ai-je bien traités? Dans les sauces profondes

Qui doivent leurs saveurs aux quatre coins du monde,

Le grand vin susceptible et dévotement bu,

Dans le rôti qu’on scie, le gâteau qui redonde,

Avez-vous savouré l’esprit de ma tribu?

 

Ah! Chers civilisés, chères civilisées,

Procédons sous le gui à nos rites fervents

Tandis que sans raison, sans passion, le vent

Vitriole de givre et de poussière usée

Les saintes des parvis, les maisons, les musées

 

Qu’un vif brouillon de voix mélange nos passés,

Nos songes, nos démons, nos dieux, nos trépassés,

Le Brabant, l’Aquitaine, et ma ville effrénée

Qui fait rieusement ses adieux à l’année

Entre Chartres muette et Versailles glacée

 

Toi, croyant qui nous vois flanqués d’anges en armes,

Vous, que Goethe ou Stendhal mieux que la Bible charme,

Heurtez vos Gabriel, vos Faust et vos Sorel

Et bien enchevêtrés dans un riche vacarme

Brassons l’intemporel avec le temporel

 

 

A tort et à travers, à bouche que veux-tu

Discutez, disputez, bien subtils et bien fauves,

Que sous le proclamé rayonne tout le tu

Et que dans vos regards, beaux couples bien vêtus,

Luisent furtivement vos beaux secrets d’alcôve

 

Tandis que sans raison, sans plaisir, sans remords,

La bise de toujours lamine les royaumes,

Malmène les oiseaux, les ramures, les dômes

Et ce chaud réveillon haut perché qui embaume,

Petite orange en fête aux branches de la mort

 

https://www.youtube.com/watch?v=kwQdD5yr6mg

 

 

 

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1 février 2023 3 01 /02 /février /2023 15:25

Si je n’ai mieux à faire

à Georges Banu, toujours proche

 Un jour, je serai trop vieux pour me souvenir

comment j’ai gaspillé ma jeunesse.

Je serai peut-être le vieux Monsieur, celui qui

autrefois écrivait des poèmes, des conventions à l’envers,

subterfuges de l’âge.

Je serai peut-être le sympathique clochard, le maître d’orchestre

de l’armée de pigeons qui hantent ce bourg de province

où année après année l’esprit fut stigmate,

une erreur génétique, un crachat en plein vent

fouettant toujours en plein ton visage.

Je serai l’éclat coloré d’une vitre brisée par une voix tonitruante,

un pauvre alexandrin égaré dans le cirque de l’univers.

Un jour, si je n’ai rien de mieux à faire,

rusé comme un chat qui a volé la voix de l’enfant,

je chanterai dans un registre absolument faux l’hymne de la perdition

et, montant au ciel comme une feuille de journal,

je flotterai encore un instant dans les rêves matinaux des bourgeois

noyés dans les flots dépourvu de magie du dégoût

dans lequel vogue sans but leur vie.

 

La révolution n’a pas eu lieu

 Le masque que je dois retirer tous les jours commence

À m’ennuyer comme une vieille cocotte qui s’agrippe

À ta jeunesse hypocrite. Seulement si tu n’étais pas si innocent,

Pareil à une brique sur laquelle le soleil passe chaque jour pile-poil à l’heure

 

À laquelle un banquier, usé par les affaires, boit le thé coupé d’un nuage

De venin bien que le docteur lui ait prescrit le silence de l’oubli. Que j’apprenne

Des juifs le truc littéraire avec la grandeur de la gloire ante-mortem

Pour qu’au crépuscule je sorte tranquille dans la ruelle bondée de curieux

 

Sifflant un petit chant que j’aurais inventé. Seulement si je comprenais un

Instant plus tôt que je saute d’éclipse en éclipse - un comparatiste

Agacé d’avoir compris : les poètes révolutionnaires finissent dans l’oubli

Et les vieilles cocottes sont accompagnées sur le dernier chemin par un mendiant

 

Auquel elles donnaient un centime après chaque rendez-vous avec le grand amour.

Seulement si je comprenais – et ça c’est un vieux truc littéraire une calamité.

 

 

 

Eté vers la fin du monde

 Plus jeune que je ne le suis, impossible. Toi, à mes côtés

dans un verre de l’esprit – rien ne nous fait vaciller.

Bruns, inspirés, pareils aux glaçons carboniques

sur la langue d’un buveur de cognac. Été, vers la fin du monde.

Le journal de demain nous apprend dans quel siècle nous avons vécu,

le dernier pont sur le Styx tangue dans le vide,

le soleil tombe comme une poupée des bras d’une fillette,

d’une mansarde le saxophone d’un adolescent

fait échouer les gammes

de même que la poésie laisse l’homme compter son argent

le reste étant donné à tout ce que nous payons avec l’âme.

de même qu’une belle femme garde sa grâce dans la peau fine

d’entre nos doigts.

Toi, à mes côtés – un cou de cygne retourné vers la poitrine

d’un poulet mort.

 

 

Versions françaises par Geta Rossier

- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - 

Nicolae Coande

Né le 23 septembre 1962. Il vit à Craiova, où il dédie son temps à préserver le goût de la poésie et l'arôme de l'amitié de la ville. Début avec „În margine” (En marge) (Ed. Ramuri, 1995), pour laquelle il reçoit le Prix de l’Union des Écrivains Roumains. 12 livres de poésie publiés, 7 livres d'essais. Certains des livres les plus récents publiés: La mémoire d'un mort est ma mémoire, Edition « Max Blecher », 2019, Je ne suis pas la Bête, Edition « Max Blecher », 2022 (poesie),  Le grenier Europe (Edition Paralela 45,  2019), Le manuel du chasseur de poètes, Edition Hoffman, 2021 (essais). Résidences littéraires en Allemagne, Autriche, Suisse, Espagne. Le Prix Mihai Eminescu de l’Academie Roumaine, 2017, pour poésie.

 

« L’une des voix les plus fortes et les plus clairement définies des années '90. » (Claudiu Komartin, éditeur, poète).

Georges Banu

Ces jours-ci nous sommes tristes en Roumanie, notre bon ami George Banu, le grand critique et homme de théâtre, est décédé le 21 janvier à Paris.

 

 

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16 janvier 2023 1 16 /01 /janvier /2023 12:02

Quelle soie aux baumes de temps
Où la Chimère s’exténue
Vaut la torse et native nue
Que, hors de ton miroir, tu tends !

Les trous de drapeaux méditants
S’exaltent dans notre avenue :
Moi, j’ai ta chevelure nue
Pour enfouir mes yeux contents.

Non ! La bouche ne sera sûre
De rien goûter à sa morsure,
S’il ne fait, ton princier amant,

Dans la considérable touffe
Expirer, comme un diamant,
Le cri des Gloires qu’il étouffe.

 

Toujours, chez Mallarmé, combat entre l'idéal et la réalité...

"moi, j'ai ta chevelure nue

pour enfouir mes yeux contents"

quoi dire de plus...

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6 mars 2022 7 06 /03 /mars /2022 18:59
poème de Vasyl Symonenko
 
Le poème est aussi parfaitement et magnifiquement récité par Roman de l’Arche en Ukraine en décembre 2020:  https://youtu.be/mcqKeV_pvhw
 
 
Vasyl Symonenko (Василь Андрійович Симоненко) est un poète Ukrainien né le 8 janvier 1935, décédé le 13 décembre 1963 - âgé de 28 ans. Ses œuvres et sa mort prématurée après avoir été violemment battu par la milice locale de l'URSS ont eu un impact énorme sur la montée du mouvement national démocratique en Ukraine. Voilà le lien Wikipedia anglais: https://en.wikipedia.org/wiki/Vasyl_Symonenk
 

 

You know that you are a human…

 
You know that you are a human.
You know that, or do you not?
That smile of yours is unique to you,
That torment of yours is unique to you,
Your eyes no other person has got.
 
Tomorrow you won’t be here present.
Tomorrow on this blessed land
Others’ll be running and laughing,
Others’ll be feeling and loving;
Good people and bad ones, my friend.
 
Today all the world is for you:
Forests and hills, valleys deep.
So hurry to live, please, hurry!
So hurry to love, please, hurry!
Don’t miss out on it, don’t oversleep!
 
‘Cause you on this Earth are a human.
And whether you want it or not,
That smile of yours is unique to you,
That torment of yours is unique to you,
Your eyes no other person has got.
 
 
 

Tu sais que tu es un humain…

 
Tu sais que tu es un humain.
Tu le sais ou tu ne le sais pas?
Ce sourire est unique pour toi,
Ce tourment est unique pour toi,
Tes yeux qu'aucune autre personne n'a.
 
Demain, tu ne serais pas ici présent.
Demain, sur cette terre bénie,
D’Autres courront et riront,
D’autres ressentiront et aimeront;
Les bons et les mauvais, mon ami.
 
Aujourd'hui le monde s'offre à toi :
Forêts et collines, vallées profondes.
Alors dépêche-toi! de vivre, s'il te plaît, dépêche-toi!
Alors dépêche-toi d'aimer,  s'il te plaît, dépêche-toi!
N’hésite pas, ne dormez pas trop!
 
Parce que vous sur cette terre tu es un humain.
Et que tu le veuilles ou non,
Ce sourire est unique pour toi,
Ce tourment est unique pour toi,
Tes yeux qu'aucune autre personne n’a.


 

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13 février 2022 7 13 /02 /février /2022 11:31

Quand recevrons-nous des renforts… ? 

 

 

https://www.youtube.com/watch?v=f3F1vSh8Tlk

 

Quand recevrons-nous des renforts, mon âme ?
Souviens-toi du son des fifres, soudain si beau
Quand la colonne déboucha de la grande ombre des grands
arbres
Les hommes s'embrassaient comme des fous et lançaient leurs chapeaux

Crois-tu que les renforts viendront ? Tu te souviens de
l'embuscade
Où nous avons perdu du monde et nous sauvâmes nos
drapeaux
Un messager aura passé un billet par la palissade
La nuit de la vie est si longue et dure à l'âme le manteau

Manteau de pluies gris et pesant et sale aussi manteau des
peines
Recevrons-nous enfin un signe à travers les lignes, là-bas ?
Un signal, une infime lueur de l'infini où l'amour mène
Reste-t-il un peu d'eau, mon âme, pour la soif ? Ne faiblis
pas !

Les renforts n'arriveront pas et nous fûmes si seuls au monde
Cette nuit-là quand soudain le son des fifres et des tambours,
Au moment qu'on allait lâcher, fit vibrer le ciel comme une onde
Tu te souviendras de cela, mon âme, et tiendras jusqu'au
jour

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8 novembre 2021 1 08 /11 /novembre /2021 21:26

 

 

"C'est une chose étrange à la fin que le monde 
Un jour je m'en irai sans en avoir tout dit 
Ces moments de bonheur ces midi d'incendie 
La nuit immense et noire aux déchirures blondes

Rien n'est si précieux peut-être qu'on le croit 
D'autres viennent Ils ont le cœur que j'ai moi-même 
Ils savent toucher l'herbe et dire je vous aime 
Et rêver dans le soir où s'éteignent des voix

D'autres qui referont comme moi le voyage 
D'autres qui souriront d'un enfant rencontré 
Qui se retourneront pour leur nom murmuré 
D'autres qui lèveront les yeux vers les nuages

Il y aura toujours un couple frémissant 
Pour qui ce matin-là sera l'aube première 
Il y aura toujours l'eau le vent la lumière 
Rien ne passe après tout si ce n'est le passant

C'est une chose au fond que je ne puis comprendre 
Cette peur de mourir que les gens ont en eux 
Comme si ce n'était pas assez merveilleux 
Que le ciel un moment nous ait paru si tendre

Oui je sais cela peut sembler court un moment 
Nous sommes ainsi faits que la joie et la peine 
Fuient comme un vin menteur de la coupe trop pleine 
Et la mer à nos soifs n'est qu'un commencement

Mais pourtant malgré tout malgré les temps farouches 
Le sac lourd à l'échiné et le cœur dévasté 
Cet impossible choix d'être et d'avoir été 
Et la douleur qui laisse une ride à la bouche

Malgré la guerre et l'injustice et l'insomnie 
Où l'on porte rongeant votre cœur ce renard 
L'amertume et Dieu sait si je l'ai pour ma part 
Porté comme un enfant volé toute ma vie

Malgré la méchanceté des gens et les rires 
Quand on trébuche et les monstrueuses raisons 
Qu'on vous oppose pour vous faire une prison 
De ce qu'on aime et de ce qu'on croit un martyre

Malgré les jours maudits qui sont des puits sans fond 
Malgré ces nuits sans fin à regarder la haine 
Malgré les ennemis les compagnons de chaînes 
Mon Dieu mon Dieu qui ne savent pas ce qu'ils font

Malgré l'âge et lorsque soudain le cœur vous flanche 
L'entourage prêt à tout croire à donner tort 
Indiffèrent à cette chose qui vous mord 
Simple histoire de prendre sur vous sa revanche

La cruauté générale et les saloperies 
Qu'on vous jette on ne sait trop qui faisant école 
Malgré ce qu'on a pensé souffert les idées folles 
Sans pouvoir soulager d'une injure ou d'un cri

Cet enfer Malgré tout cauchemars et blessures 
Les séparations les deuils les camouflets 
Et tout ce qu'on voulait pourtant ce qu'on voulait 
De toute sa croyance imbécile à l'azur

Malgré tout je vous dis que cette vie fut telle 
Qu'à qui voudra m'entendre à qui je parle ici 
N'ayant plus sur la lèvre un seul mot que merci 
Je dirai malgré tout que cette vie fut belle"

Louis ARAGON in Les yeux et la mémoire – Chant II – 1954 .
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27 juillet 2021 2 27 /07 /juillet /2021 09:30
SOMEONE / Dennis O'Driscoll




someone is dressing up for death today, a change of skirt or tie
eating a final feast of buttered sliced pan, tea
scarcely having noticed the erection that was his last
shaving his face to marble for the icy laying out
spraying with deodorant her coarse armpit grass
someone today is leaving home on business
saluting, terminally, the neighbours who will join in the cortege
someone is paring his nails for the last time, a precious moment
someone’s waist will not be marked with elastic in the future
someone is putting out milkbottles for a day that will not come
someone’s fresh breath is about to be taken clean away
someone is writing a cheque that will be rejected as ‘drawer deceased’
someone is circling posthumous dates on a calendar
someone is listening to an irrelevant weather forecast
someone is making rash promises to friends
someone’s coffin is being sanded, laminated, shined
who feels this morning quite as well as ever
someone if asked would find nothing remarkable in today’s date
perfume and goodbyes her final will and testament
someone today is seeing the world for the last time
as innocently as he had seen it first

------------------------------------------------------------

quelqu'un s'habille pour la mort aujourd'hui, un changement de jupe ou de cravate

mange un dernier festin de pain-de-mie beurré, du thé

à peine remarque l'érection qui fut sa dernière

rase son visage au marbre pour l'aménagement glacial

vaporise avec du déodorant son herbe rêche des aisselles

quelqu'un aujourd'hui quitte la maison pour le travail

saluant, définitivement, les voisins qui se joindront au cortège

quelqu'un s'épile pour la dernière fois, un moment précieux

la taille de quelqu'un ne sera plus marquée avec un élastique dans l'avenir

quelqu'un sort des bouteilles de lait pour un jour qui ne viendra pas

l'haleine fraîche de quelqu'un est sur le point d'être proprement emportée

quelqu'un rédige un chèque qui sera refusé pour "tireur décédé"

quelqu'un entoure des dates posthumes sur un calendrier

quelqu'un écoute des prévisions météorologiques non pertinentes

quelqu'un fait des promesses irréfléchies à des amis

le cercueil de quelqu'un est poncé, laminé, poli

qui se sent ce matin aussi bien que jamais

quelqu'un tant demandé ne trouverait rien de remarquable dans la date d'aujourd'hui

parfum et adieux sa dernière volonté et testament

quelqu'un aujourd'hui voit le monde pour la dernière fois

aussi innocemment comme il l'avait vu la première fois

 

 

 

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16 janvier 2021 6 16 /01 /janvier /2021 14:03

"The Flower"


I think I grow tensions
like flowers
in a wood where
nobody goes.

Each wound is perfect,
encloses itself in a tiny
imperceptible blossom,
making pain.

Pain is a flower like that one,
like this one,
like that one,
like this one.

 

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30 août 2020 7 30 /08 /août /2020 10:37

il aimait bien les morts

(traduction j-m Luccioni)

 

 

 

comme approchait la fin du jour,

la pauvre fin d'un jour sans vie

il tenta de compter les choses

qui lui tenaient vraiment au coeur.

il n'avait rien d'un Rupert Brooke,

et rien d'un amoureux célèbre ;

rien dans sa mémoire n'était sans mélange,

jamais son âme n'avait été sans crainte,

et en ce moment même il l'eût dix fois vendue

pour une canette de bière.

il semblait ne jamais avoir connu l'amour,

et avoir estimé l'angoisse plus que tout.

il aimait bien les morts. L'herbe n'était pas verte,

à ses yeux : et elle n'était pas même l'herbe,

ni le soleil n'était le soleil, ni la rose

la rose, la fumée fumée, ni corps le corps.

 

 

 

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27 mars 2020 5 27 /03 /mars /2020 17:04

Lorsque l’enfant était enfant

Lorsque l’enfant était enfant,
Il marchait les bras ballants,
Il voulait que le ruisseau soit rivière
Et la rivière, fleuve,
Que cette flaque soit la mer.

Lorsque l’enfant était enfant,
Il ne savait pas qu’il était enfant,
Tout pour lui avait une âme
Et toutes les âmes étaient une.

Lorsque l’enfant était enfant,
Il n’avait d’opinion sur rien,
Il n’avait pas d’habitude
Il s’asseyait souvent en tailleur,
Démarrait en courant,
Avait une mèche rebelle,
Et ne faisait pas de mimes quand on le photographiait.

Lorsque l’enfant était enfant,
ce fut le temps des questions suivantes :
Pourquoi suis-je moi et pourquoi pas toi ?
Pourquoi suis-je ici et pourquoi … pas là ?
Quand commence le temps et où finit l’espace ?
La vie sous le soleil n’est pas qu’un rêve ?

Ce que je vois, entend et sens, n’est-ce pas…
simplement l’apparence d’un monde devant le monde ?
Le mal existe t-il vraiment
avec des gens qui sont vraiment les mauvais ?
Comment se fait-il que moi qui suis moi,
avant de le devenir je ne l’étais pas,
et qu’un jour moi… qui suis moi,
je ne serais plus ce moi que je suis ?

Lorsque l’enfant était enfant,
Les pommes et le pain suffisaient à le nourrir,
Et il en est toujours ainsi.

Lorsque l’enfant était enfant,
Les baies tombaient dans sa main comme seule tombent des baies,
Les noix fraîches lui irritaient la langue,
Et c’est toujours ainsi.

Sur chaque montagne,
il avait le désir d’une montagne encore plus haute,
Et dans chaque ville,
le désir d’une ville plus grande encore,
Et il en est toujours ainsi.

Dans l’arbre, il tendait les bras vers les cerises, exalté
Comme aujourd’hui encore,
Etait intimidé par les inconnus et il l’est toujours,
Il attendait la première neige et il l’attend toujours.

Lorsque l’enfant était enfant
il a lancé un bâton contre un arbre, comme une lance,
Et elle y vibre toujours.

***

Lied vom Kindsein – Song of Childhood – Peter Handke

 

 

 

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24 mars 2020 2 24 /03 /mars /2020 16:37

J’ai peu de choses à dire
   

J’ai peu de choses à dire au fond je cherche peu de choses
Et tout le reste c’est un habit sur moi à peu près ajusté
Je peux bien partager votre combat vos certitudes : papier-buvard
Le jardin du grand-père et un trou d’eau un arrosoir
Le mal au fond le mien c’est ailleurs un fanal resté allumé
J’écris, ma femme dort, je rassemble un maigre bagage
Un maigre bien, des idées vagues, des tentatives de notions
Tout ce à quoi je souscris et qu’en bon entendement il faut admettre
Des restes de vos garde-robes, des idées de révolution
 
Qu’est-ce que j’ai à moi ? Ma mère le lundi qui lave
Quand elle pleure, c’est qu’elle a les yeux pleins de savon
Le linge sèche, la cuisine est humide, la radio couvre le cri des gosses
Je n’ai rien qu’une enfance banale comme un cartable en carton
 
Ô les appartements tièdes, les belles dames
Messieurs qui parlez fort bien et lisez des journaux avancés
Comme si le monde vous appartenait ô fils de familles
Vous êtes les meilleurs jusque dans la révolte ô impeccables révoltés
 
Qu’est-ce que c’est mon bien ? Qu’est-ce que je peux mettre dans la balance
Je suis ce bateau à l’écart des routes échoué
Dans une nuit où flottent des mots insaisissables
Parfois ils frôlent les toits comme le bas des robes brodées
 
Mère de mon ami madame des romans et des jardins à la française
Cheveux tirés qui régnez sur vos bibelots et vos rendez-vous
Que faites-vous ici ce soir, pourquoi vous déshabillez-vous
Ici, chez ce jeune homme qui est un enfant et qui vous prend les genoux
 
Parlez très vite et que s’effondre l’édifice
Je pénètre dans le parc interdit, je brise tout
Quand vous serez vaincue, votre monde souillé avec vous
Je suis encore l’enfant qui s’excuse pour le désordre et pour tout
 
Qu’est-ce que c’est mon bien ? le silence des enfants des pauvres
Et deux ou trois détails à dire aux copains les jours d’abandon
Un dimanche matin d’hiver, un jour, quand j’étais gosse
Il fait chaud, dehors, j’entends passer les dynamos
Qu’est-ce que j’ai à moi ? Qu’est-ce que je peux dire pour ma défense
Un souvenir sans intérêt, une nuit de vendredi saint
Nous allions boire un café à vingt-cinq francs sur une table de campagne
En ville, des messieurs-dames parlent des poètes avec du maintien
 
Qu’est-ce j’ai à dire On ne m’a pas donné la parole
J’ai le manteau troué au vent des étoiles de la révolution
Je suis sur mon vélo, je rentre à la maison par la croix-blanche
Ô mon père et ma mère laissez le garage allumé, je rentre à la maison

J'ai peu de choses à dire / Jacques Bertin
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24 février 2020 1 24 /02 /février /2020 13:09

 

" Lorsque viendra le printemps,
si je suis déjà mort,
les fleurs fleuriront de la même manière
et les arbres ne seront pas moins verts qu'au printemps passé.
La réalité n'a pas besoin de moi.

J'éprouve une joie énorme
à la pensée que ma mort n'a aucune importance.

Si je savais que demain je dois mourir
et que le printemps est pour après-demain,
je serais content qu'il soit pour après-demain.
Si c'est là son temps, quand viendra-t-il sinon en son temps ?
J'aime que tout soit réel et que tout soit précis ;
et je l'aime parce qu'il en serait ainsi, même si je ne l'aimais pas.
C'est pourquoi, si je meurs sur-le-champ, je meurs content,
parce que tout est réel et tout est précis.

On peut, si l'on veut, prier en latin sur mon cercueil.
On peut, si l'on veut, danser et chanter tout autour.
Je n'ai pas de préférences pour un temps où je ne pourrais plus avoir de préférences.
Ce qui sera, quand cela sera, c'est cela qui sera ce qui est."

 

F Pessoa

Extrait des "Poèmes Desassemblés" ( poésies d'Alberto Caeiro, 16ème poème )

 

 

 

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30 décembre 2019 1 30 /12 /décembre /2019 11:34

L'or du matin

C'est le silence l'or du matin

le silence

et le parfum des femmes

dans les rues

sous les arcades

qui se répand telle une vague

sans ressac

comme une heure

non marquée

comme la respiration

d'une promenade calme

et sans but

 

 

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7 novembre 2019 4 07 /11 /novembre /2019 19:22

y a pas  à dire, mais un beau poème dit parfaitement, c'est quand même kekchose !!

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Je voudrais pas crever

Avant d'avoir connu

Les chiens noirs du Mexique

Qui dorment sans rêver

Les singes à cul nu

Dévoreurs de tropiques

Les araignées d'argent

Au nid truffé de bulles

Je voudrais pas crever

Sans savoir si la lune

Sous son faux air de thune

A un coté pointu

Si le soleil est froid

Si les quatre saisons

Ne sont vraiment que quatre

Sans avoir essayé

De porter une robe

Sur les grands boulevards

Sans avoir regardé

Dans un regard d'égout

Sans avoir mis mon zobe

Dans des coinstots bizarres

Je voudrais pas finir

Sans connaître la lèpre

Ou les sept maladies

Qu'on attrape là-bas

Le bon ni le mauvais

Ne me feraient de peine

Si si si je savais

Que j'en aurai l'étrenne

Et il y a z aussi

Tout ce que je connais

Tout ce que j'apprécie

Que je sais qui me plaît

Le fond vert de la mer

Où valsent les brins d'algues

Sur le sable ondulé

L'herbe grillée de juin

La terre qui craquelle

L'odeur des conifères

Et les baisers de celle

Que ceci que cela

La belle que voilà

Mon Ourson, l'Ursula

Je voudrais pas crever

Avant d'avoir usé

Sa bouche avec ma bouche

Son corps avec mes mains

Le reste avec mes yeux

J'en dis pas plus faut bien

Rester révérencieux

Je voudrais pas mourir

Sans qu'on ait inventé

Les roses éternelles

La journée de deux heures

La mer à la montagne

La montagne à la mer

La fin de la douleur

Les journaux en couleur

Tous les enfants contents

Et tant de trucs encore

Qui dorment dans les crânes

Des géniaux ingénieurs

Des jardiniers joviaux

Des soucieux socialistes

Des urbains urbanistes

Et des pensifs penseurs

Tant de choses à voir

A voir et à z-entendre

Tant de temps à attendre

A chercher dans le noir

 

Et moi je vois la fin

Qui grouille et qui s'amène

Avec sa gueule moche

Et qui m'ouvre ses bras

De grenouille bancroche

 

Je voudrais pas crever

Non monsieur non madame

Avant d'avoir tâté

Le goût qui me tourmente

Le goût qu'est le plus fort

Je voudrais pas crever

Avant d'avoir goûté

La saveur de la mort...

 1952

Je voudrais pas crever,

Jean-Jacques pauvert éditeur, 1962

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Ici Jean Louis Trintignant (avec Daniel Mille)

https://www.youtube.com/watch?v=vPo8FEbQzFM

 

Ici la fantastique diction de Pierre Brasseur

https://www.youtube.com/watch?v=ZzHUYH8W2r8

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10 juillet 2019 3 10 /07 /juillet /2019 12:32

Très grande émotion hier soir à Châteauvallon, Jean-Louis Trintignant faisait sa "dernière" de son spectacle de poésies avec Daniel Mille et son quatuor à cordes...
Devenu aveugle, ne pouvant plus se déplacer seul... c'est un homme physiquement au bout vu hier soir, ma compagne avait les larmes aux yeux de le voir arriver sur scène dans cet état...Et j'étais aussi très ému, moi pour qui le fanfaron est l'un de mes films préférés...
Par contre , sa voix, toujours fabuleuse, limpide, claire... Que de bien beaux poèmes excellemment dits...(Leprest, Desnos, Carver, Prévert...) et la musique de Piazzolla en accompagnement...
Je retiendrai une très belle interprétation de "je voudrais pas crever" de Vian et bien sûr la clôture par cet extraordinaire poème de Gaston Miron "Marche à l'amour" que JLT offre à sa fille morte à chaque fois qu'il dit ce texte, 16 ans déjà que Marie est morte...
Très long poème d'amour fabuleux...
Soirée exceptionnelle et longue standing ovation à la fin... ému et triste, je fus.

 

 

La marche à l'amour

Tu as les yeux pers des champs de rosées
tu as des yeux d'aventure et d'années-lumière
la douceur du fond des brises au mois de mai
dans les accompagnements de ma vie en friche
avec cette chaleur d'oiseau à ton corps craintif
moi qui suis charpente et beaucoup de fardoches
moi je fonce à vive allure et entêté d'avenir
la tête en bas comme un bison dans son destin
la blancheur des nénuphars s'élève jusqu'à ton cou
pour la conjuration de mes manitous maléfiques
moi qui ai des yeux où ciel et mer s'influencent
pour la réverbération de ta mort lointaine
avec cette tache errante de chevreuil que tu as

tu viendras tout ensoleillée d'existence
la bouche envahie par la fraîcheur des herbes
le corps mûri par les jardins oubliés
où tes seins sont devenus des envoûtements
tu te lèves, tu es l'aube dans mes bras
où tu changes comme les saisons
je te prendrai marcheur d'un pays d'haleine
à bout de misères et à bout de démesures
je veux te faire aimer la vie notre vie
t'aimer fou de racines à feuilles et grave
de jour en jour à travers nuits et gués
de moellons nos vertus silencieuses
je finirai bien par te rencontrer quelque part
bon dieu!
et contre tout ce qui me rend absent et douloureux
par le mince regard qui me reste au fond du froid
j'affirme ô mon amour que tu existes
je corrige notre vie

nous n'irons plus mourir de langueur
à des milles de distance dans nos rêves bourrasques
des filets de sang dans la soif craquelée de nos lèvres
les épaules baignées de vols de mouettes
non
j'irai te chercher nous vivrons sur la terre
la détresse n'est pas incurable qui fait de moi
une épave de dérision, un ballon d'indécence
un pitre aux larmes d'étincelles et de lésions
profondes
frappe l'air et le feu de mes soifs
coule-moi dans tes mains de ciel de soie
la tête la première pour ne plus revenir
si ce n'est pour remonter debout à ton flanc
nouveau venu de l'amour du monde
constelle-moi de ton corps de voie lactée
même si j'ai fait de ma vie dans un plongeon
une sorte de marais, une espèce de rage noire
si je fus cabotin, concasseur de désespoir
j'ai quand même idée farouche
de t'aimer pour ta pureté
de t'aimer pour une tendresse que je n'ai pas connue
dans les giboulées d'étoiles de mon ciel
l'éclair s'épanouit dans ma chair
je passe les poings durs au vent
j'ai un coeur de mille chevaux-vapeur
j'ai un coeur comme la flamme d'une chandelle
toi tu as la tête d'abîme douce n'est-ce pas
la nuit de saule dans tes cheveux
un visage enneigé de hasards et de fruits
un regard entretenu de sources cachées
et mille chants d'insectes dans tes veines
et mille pluies de pétales dans tes caresses

tu es mon amour
ma clameur mon bramement
tu es mon amour ma ceinture fléchée d'univers
ma danse carrée des quatre coins d'horizon
le rouet des écheveaux de mon espoir
tu es ma réconciliation batailleuse
mon murmure de jours à mes cils d'abeille
mon eau bleue de fenêtre
dans les hauts vols de buildings
mon amour
de fontaines de haies de ronds-points de fleurs
tu es ma chance ouverte et mon encerclement
à cause de toi
mon courage est un sapin toujours vert
et j'ai du chiendent d'achigan plein l'âme
tu es belle de tout l'avenir épargné
d'une frêle beauté soleilleuse contre l'ombre
ouvre-moi tes bras que j'entre au port
et mon corps d'amoureux viendra rouler
sur les talus du mont Royal
orignal, quand tu brames orignal
coule-moi dans ta plainte osseuse
fais-moi passer tout cabré tout empanaché
dans ton appel et ta détermination

Montréal est grand comme un désordre universel
tu es assise quelque part avec l'ombre et ton coeur
ton regard vient luire sur le sommeil des colombes
fille dont le visage est ma route aux réverbères
quand je plonge dans les nuits de sources
si jamais je te rencontre fille
après les femmes de la soif glacée
je pleurerai te consolerai
de tes jours sans pluies et sans quenouilles
des circonstances de l'amour dénoué
j'allumerai chez toi les phares de la douceur
nous nous reposerons dans la lumière
de toutes les mers en fleurs de manne
puis je jetterai dans ton corps le vent de mon sang
tu seras heureuse fille heureuse
d'être la femme que tu es dans mes bras
le monde entier sera changé en toi et moi

la marche à l'amour s'ébruite en un voilier
de pas voletant par les lacs de portage
mes absolus poings
ah violence de délices et d'aval
j'aime
que j'aime
que tu t'avances
ma ravie
frileuse aux pieds nus sur les frimas de l'aube
par ce temps profus d'épilobes en beauté
sur ces grèves où l'été
pleuvent en longues flammèches les cris des pluviers
harmonica du monde lorsque tu passes et cèdes
ton corps tiède de pruche à mes bras pagayeurs
lorsque nous gisons fleurant la lumière incendiée
et qu'en tangage de moisson ourlée de brises
je me déploie sur ta fraîche chaleur de cigale
je roule en toi
tous les saguenays d'eau noire de ma vie
je fais naître en toi
les frénésies de frayères au fond du coeur d'outaouais
puis le cri de l'engoulevent vient s'abattre dans ta
gorge
terre meuble de l'amour ton corps
se soulève en tiges pêle-mêle
je suis au centre du monde tel qu'il gronde en moi
avec la rumeur de mon âme dans tous les coins
je vais jusqu'au bout des comètes de mon sang
haletant
harcelé de néant
et dynamité
de petites apocalypses
les deux mains dans les furies dans les féeries
ô mains
ô poings
comme des cogneurs de folles tendresses
mais que tu m'aimes et si tu m'aimes
s'exhalera le froid natal de mes poumons
le sang tournera ô grand cirque
je sais que tout mon amour
sera retourné comme un jardin détruit
qu'importe je serai toujours si je suis seul
cet homme de lisière à bramer ton nom
éperdument malheureux parmi les pluies de trèfles
mon amour ô ma plainte
de merle-chat dans la nuit buissonneuse
ô fou feu froid de la neige
beau sexe léger ô ma neige
mon amour d'éclairs lapidée
morte
dans le froid des plus lointaines flammes

puis les années m'emportent sens dessus dessous
je m'en vais en délabre au bout de mon rouleau
des voix murmurent les récits de ton domaine
à part moi je me parle
que vais-je devenir dans ma force fracassée
ma force noire du bout de mes montagnes
pour te voir à jamais je déporte mon regard
je me tiens aux écoutes des sirènes
dans la longue nuit effilée du clocher de
Saint-Jacques
et parmi ces bouts de temps qui halètent
me voici de nouveau campé dans ta légende
tes grands yeux qui voient beaucoup de cortèges
les chevaux de bois de tes rires
tes yeux de paille et d'or
seront toujours au fond de mon coeur
et ils traverseront les siècles

je marche à toi, je titube à toi, je meurs de toi
lentement je m'affale de tout mon long dans l'âme
je marche à toi, je titube à toi, je bois
à la gourde vide du sens de la vie
à ces pas semés dans les rues sans nord ni sud
à ces taloches de vent sans queue et sans tête
je n'ai plus de visage pour l'amour
je n'ai plus de visage pour rien de rien
parfois je m'assois par pitié de moi
j'ouvre mes bras à la croix des sommeils
mon corps est un dernier réseau de tics amoureux
avec à mes doigts les ficelles des souvenirs perdus
je n'attends pas à demain je t'attends
je n'attends pas la fin du monde je t'attends
dégagé de la fausse auréole de ma vie

 

Gaston Miron

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