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some words :

"Le poète est un archer qui tire dans le noir." - Salah Stétié -
"Soyez un écrivain mineur, cela vous rajeunira." 
Dominique Noguez

"Cette femme était si belle
Qu'elle me faisait peur."
 Guillaume Apollinaire

"In a place far away from anyone or anywhere, I drifted off for a moment." -- Haruki Murakami --


"Être poète n'est pas une ambition que j'ai. C'est ma façon à moi d'être seul."   -- Fernando Pessoa --

"Ca va tellement mal aujourd'hui que je vais écrire un poème. Je m'en fiche ; n'importe quel poème, ce poème." -- Richard Brautigan --

"J'écris à cause du feu dans ma tête et de la mort qu'il faut nier."
Jacques Bertin

"O mon passé d'enfance,
pantin qu'on m'a cassé."
Fernando Pessoa


« La mort c’est l’infini des plaines
et la vie la fuite des collines. »
Joseph Brodsky

Certaines choses

Nous entourent « et les voir

Equivaut à se connaître »

George Oppen



" LA GRANDE FORCE EST LE DESIR "
(Guillaume Apollinaire)



"Quand je dis « je », je désigne par là une chose absolument unique,
à ne pas confondre avec une autre."
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"Le sens trop précis
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ta vague littérature"
Stéphane Mallarmé


" Je ne suis pas moi ni un autre

Je suis quelque chose d’intermédiaire :
Un pilier du pont d’ennui
qui s’étend de moi vers l’autre. "
Mario de Sa-Carneiro
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-- je vous souhaite un bon passage... --


"Mais rien de cette nature n'est définitivement acquis. Comme une eau, le monde vous traverse et pour un temps vous prête ses couleurs. Puis se retire, et vous replace devant ce vide qu'on porte en soi, devant cette espèce d'insuffisance centrale de l'âme qu'il faut bien apprendre à côtoyer, à combattre, et qui, paradoxalement est peut-être notre moteur le plus sûr."  Nicolas Bouvier

« La poésie vient vers nous, on ne sait d’où, et elle nous quitte, allant vers on ne sait quel au-delà. Mais en passant, elle nous laisse des mots et elle nous fait des signes dont l’interprétation est inépuisable. » Gabriel Bounoure

" Avec tes défauts. Pas de hâte. Ne va pas à la légère les corriger. Qu'irais tu mettre à la place ? " Henri Michaux


écrivez moi si vous le souhaitez :    

Soyez indulgent, je ne suis qu'un petit écrivaillon tentant d'écrivasser

Mai 2008 : "L'apéritif de la neige"
est "paru"

Si vous êtes intéressé : laissez moi un message
(133 pages de poèmes et textes poétiques, pour la plupart ici sur mon blog)

"Le meilleur choix de poèmes est celui que l'on fait pour soi." Paul Eluard

"Savoir que nous ignorons tant de choses suffit à mon bonheur." George Oppen

______________________________________________

 

30 octobre 2019 3 30 /10 /octobre /2019 18:24

« Il faut que l’Homme sorte à la rencontre de la vie hostile. » 

Schiller

 

 

 

 

 

 

Je dis

J’ai à dire

J’imagine le dire

Seul, ici, dans un beau verger, sous les étoiles naissantes et pétillantes, étincelantes et vivantes, arbres vivants,

Sous les dires difficiles

J’essaie moi aussi de vivre « à propos »

Perdu, angoissé, isolé

Cette solitude et moi comme seul compagnon ou compagne

Vivant on me dit que je le suis encore

On me parle on m’explique, on donne des indications

Rares moments d’empathie, de « bonne » vision du monde

Je déchiffre les pancartes, j’observe les cartes ; comme Bouvier, je lis les cartes « comme des polars »… je me nourris de noms, de croisées, de chemins, de rivières engagées, monts et brumes, lumières externes et d’intérieur

On donne sens à la vie

 

J’ai peine à dire

J’ai peine à dire

 

Le lieu reste insaisissable

Comme le délitement de toute chose

Comment exprimer sa présence au monde ?

S’éduquer à la réalité… est-ce essentiel, est-ce superflu ?

L’abri de Bachelard « contre la nuit », au moins…

 

Les livres, les meubles, me suivent ; c’est mon identité

Le bien peu de moi

Si j’avais eu un talent, j’aurais peint tout cela, et l’infini même aux moments de vigueur

 

Le verbe « temps » a passé, s’est décliné, a utilisé toutes les conjugaisons, fortifié ou affaibli c’est selon ; on ignore s’il faut du mouvement, spontanéité, constance ou repli et visions internes. Immobilité ou voyage perpétuel.

Fortin ou semelles aux vents

 

Ou ta peau mordorée, mon deuxième moi ; l’aigreur connaissable ; les entours en tout bien ; modèle vaguement de bonheur, on pourrait l’imaginer – comme un marin ayant écroté le monde.
Mais l’ennui et la solitude –comme des chances à polir – sollicitent en moi un quelconque éclairage ; c’est encore cela : subsister dit-on , c’est déjà bien.

 

 

Paul Delvaux, la ville inquiète, 1940

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29 juillet 2019 1 29 /07 /juillet /2019 10:50

It rained the all night. She was dressed all in white, there were trees all along the road. 

Je la suivais, toute de blanc vêtue, collant en laine et robe blanche, elle semblait swinguer entre les arbres ; elle exhalait tout le féminin ; je sortais d’une exposition sur les coléoptères du monde entier ; l’excellence de la beauté encore en tête de ces insectes prodigieux ; et je la suivais, sorte de satyre bienheureux, pensées lubriques en tête ; dans les allées du jardin des plantes, la géométrie et l’alignement faisaient douces ces idées-là ; quelle beauté, le monde ; j’allais à mon cours de remise à niveau d’anglais, j’imaginais des phrases…

 

It rained the all night. She was dressed all in white, there were trees all along the road. 

Elle venait de faire l’amour ou elle s’y dirigeait tant son énergie semblait profonde, efficace. Ehontément, je l’imaginais nue et jalousais son compagnon ; nous happions l’air doux chaud vivant à pleins poumons ; orpailleur de son corps et plus généralement de toutes les beautés féminines ; mon âme cyclique vêtue tout de noir, puis tout de blanc voyait là un bon présage pour la journée à venir : elle serait amicale, joyeuse et non asexuée ; bref, la vie.

 

Il avait plu toute la nuit, elle était habillée tout en blanc, il y avait des arbres tout au long du chemin. All of us are invited. 

 

 

 

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14 janvier 2019 1 14 /01 /janvier /2019 11:57

Encore

J’aurais voulu pouvoir aimer

Les fanes des amitiés, grandir les sexes des femmes

Les gourmandises des soleils changeants, les sensations des hauts blés.

Tu es ce soir triste de tes inquiétudes, j’arrête alors d’écrire un mauvais poème de plus…

Car les mots ne viennent plus dans ma besace, ces fameux concertos de mes adolescences ; ma silhouette ailée, mes sourires de beau gosse, mon aptitude à jouer la comédie ou à aimer ; mes chansons à texte, mes mains abimées et fatiguées de tant de caresses. 

C’est cette grande fatigue de vivre qui éreinte chaque jour, car chaque jour on souhaite la rencontre de ce fleuve et de cet autre ; ces fameux « becs » aux paysages souvent ahurissants ; on approche, on marche vite, on piétine sans observer une foule de souvenirs qu’il n’aurait pas fallu anéantir, et puis rien, l’eau coule toujours plus loin, toujours plus vite. C’est désastreux. 

Tu as alors terriblement l’impression d’avoir gaspillé le peu de temps que l’on t’avait octroyé, bref tu nages en plein contre-courant. Le peu que tu crées ne sert à rien. Ou tu ne crées rien. 

Encore, j’aurais voulu pouvoir aimer, te dis-je. 

Ensuite. Ces mauvais mots. Cette écriture qui date ; ces « poèmes » enfilés comme à l’usine, ces rails qui se succèdent sans cesse identiques ; bien sûr, il y aura toujours la découverte de « l’autre ». 

La vie, ainsi, ne peut pas donner ce que tu souhaites, c’est INSUFFISANT. 

Peut-être cette insuffisance centrale de l‘âme dont parle justement cet autre ami…

Impasse centrale de l’âme.

 

Encore, j’aurais voulu pouvoir aimer

Et puisque l’autre ne se manifeste que si peu… si peu du vide, ce grand fleuve argenté aux cailloux roux, on y côtoie les étoiles sous les branches et la haute lune si poétique dans son ensemble ;

Bref, noyé, les yeux bien ouverts, je dérive dans ma barque très seul, bien seul, étrangement seul dans ce monde si peuplé ! Rentrer chez moi, dans ma solitude d’enfant, mes grâces de jadis, mes sourires perpétuels, mes envies de vivre. 

Diverticule de moi-même, je ne suis rien qu’un passager anecdotique, qu’une luciole en train de s’éteindre, moments infimes d’un peu d’activité, hublots condamnés.
Et pourtant j’aurais souhaité encore aimer.

 

 

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25 août 2018 6 25 /08 /août /2018 15:14

 

 

 

En fermant les yeux, des îles apparaissent, elles sont vertes sur fond bleu ; selon le relâchement des paupières ou leur crispation, les formes et les couleurs varient : ainsi des continents surgissent en totale apesanteur et attendent d’habiles découvreurs. 

En ouvrant les yeux, les carreaux de la fenêtre apparaissent, selon leur inclinaison, des morceaux du monde externe sont dévoilés ; et le vent par d’adroits mouvements massent ces vitres doucement variant ainsi les paysages ; derrière, les feuilles des arbustes proposent dans des verts unis des carreaux de lumière qui eux aussi par des alternances subtiles évoquent un kaléidoscope vert-blanc du pays de mon enfance. 

En me levant du lit, lentement, les douleurs de ma polyarthrite sont telles que je pouffe des cris – que j’étouffe – de douleur ; à les retenir ainsi, une envie de tousser survient ; à la toux, d’ignobles élancements naissent entre chaque côte, chaque muscle et tendon intercostaux, c’est alors une autre souffrance, une nouvelle, reliant le tout dans une puissance inouïe. 

Dehors, le soleil chauffe toutes les herbes, arbres, arbustes dont je suis propriétaire. De même de nombreux insectes, coléoptères et papillons, je les désigne tous par leur nom, voire leur prénom pour certains, je les montre du doigt à la foule silencieuse qui me regarde. Jadis, c’était sur un court de tennis où je marquais l’ultime et nécessaire point de la victoire sous d’innombrables hourrahs. Là, je suis seul sur le terrain à écouter les voltiges du vent et à célébrer ma victoire.

La victoire de ma vie qui a bien attendu la dernière ligne droite pour me dire : c’est enfin là. 

Le haut des arbres bouge lentement, on dit que le meilleur moment pour planter un arbre c’était il y a vingt ans, on rajoute que l’autre meilleur moment c’est maintenant. J’ai encore à planter ! Même si les places deviennent rares. Les grands arbres sont beaux dans leur croissance lente mais puissante, leur présence me rassérène. L’adoucissement des douleurs. Les douleurs s’adoucissent.

Revenons aux îles de mes méditations, elles forment ma géographie intime, je leur imagine des noms et des particularités ; Nicolas Bouvier disait qu’il lisait les cartes de géographies comme des polars ; c’est pareil pour moi, les cartes m’ont toujours attiré comme des aimants : les noms des lieux, des fleuves, des monts et collines. Il y aurait eu tant à découvrir ! Que fais-je ici ? Dans ma douleur statique et perpétuelle ? En finir avec moi même ? Maintenant que le temps probable est déjà passé ? 

Je foule l’herbe verte d’Août, entre mes doigts de pied, la pelouse sauvage me chatouille. Le ciel est très bleu – ce bleu des cartes postales - . Fertiliserais-je la terre ? Au milieu de ces fourmis infatigables ? Je suis confus, les yeux embués ; il faut que je change de braquet, sinon tout cela va mal finir. 

 

 

 

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27 juillet 2018 5 27 /07 /juillet /2018 08:49

Pourquoi la vie commence.

Pour finir si tôt se dit Jean, un revolver à la main ; dehors, derrière des vitres sales et poussiéreuses, les arbres du parc eux-mêmes, semblent immensément tristes, leurs bras pendant avec inutilité. Leur déplacement est lugubre et les racines couleur d’automne paraissent du sang figé, rouillé…

Il a tant foulé cette colline aux petits bois jadis.

Le petit bois de Monts, on l’appelait et sa musique est infiniment mélancolique à l’enfance. 

On parcourait ses sentes en courant et en se chronométrant. Le père, parfois, était là ; il avait grande imagination et tendait des fils entre les arbres pour augmenter les difficultés des athlètes. Ainsi les enfants sautaient et couraient et nous sautions, pleins de vie ; oh oui nous sautions plein de vie. Jadis.

Plus tard, seul  à l’adolescence, c’était des gymkhanas avec le 102 Peugeot ; encore après une petite moto de cross et plus le temps passait, plus ce petit bois devenait un gros bosquet, les yeux de l’enfant avaient tout agrandi… Mais c’était la nature et un peu plus loin, la lande était là avec ses traces de gibiers et la beauté de ses teintes pastel. 

Quelques années passèrent, puis le petit bois disparut – comme la vie douce -.

Rues, routes, goudrons, maisons, jardins : tout fut nivelé, mis à la disposition des hommes adultes, tout fut – comme on dit maintenant (quel mot extraordinaire !) – artificiallisé. 

Alors il est là, tranquille, l’arme à la main, et dont il sent parfois le bout froid contre sa tempe ; oh ! en finir.

Je ne suis plus apte à dérouler tout ce fil : Ariane a bien tout trop compliqué. Et mon amertume est grande ; et pourtant quelle liberté ! A l’heure des vingt ans retrouvée, quelle liberté ! Ces traversées, la nuit, dans ses propres déserts, où je passais tel un roi discret dans ma population endormie, glissant féériquement en ondes multiples et oniriques.

 

La batterie qui scande, ce désert est ce jour, comme des goûts de suicide endolori et les feuilles mortes automnales forment des coussins dans leur pourriture panachée. 

Autrefois, il y eut là le petit bois de Monts et son cortège de souvenirs. Encore une fois, le retour à la douleur. 

Le petit bois de Monts
Le petit bois de Monts
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30 avril 2018 1 30 /04 /avril /2018 18:45

Merci à mon ami Serge 

pour cette belle lecture d'un court texte : "rêvé, presque"

photographie de Jean Sébastien Monzani

CLIQUEZ ICI

 

 

Jean Sébastien Monzani, photographe et graphiste, c'est ICI

Serge Cazenave, écrivain, c'est ICI

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21 janvier 2018 7 21 /01 /janvier /2018 10:55

Le vernis de ce paysage rouge foncé est en ivresse au pied de ce ruisseau

La lumière éblouit ces bras mis en rond comme une couronne de peau

Légèrement je finirais dans ces pays-là.

 

Voilà, c’est fini comme on dit ;

Au mieux les trois-quarts, mais cela peut être aussi demain ;

Je n’imaginais pas une fin si asexuée, si ennuyeuse alors que la vie réclame tant de violences heureuses ; le temps a passé comme on dit, presqu’encore une fois très insidieusement, je ne me suis rendu compte de rien.

Et puis lorsque le fleuve s’est élargi perpétuellement, que les actions quotidiennes devinrent répétitives, stériles, infertiles, monotones, que les berges furent très  lointaines, je vis l’estuaire de la fin ; non pas un étranglement, mais l’infini désert clapotant du rien, la solitude primale au centre de moi-même et cette condition unique d’homme isolé, d’homme non partagé, d’homme non désiré. D’homme inutile.

Déjà ma femme ne me caressait plus depuis très longtemps, et la vie à deux se transformait en une sorte d’acquiescement  de l’amitié et de la confiance ; je ne vivais plus avec une amante fougueuse et étonnée mais avec une aimable sœur pleine de bonnes sollicitudes.  Le désir de séduire avait disparu malheureusement, et ce départ – sournois – était l’une des clefs de ces désamours. Femmes aimantes, continuez à flirter avec vos compagnons, utilisez tous les arts féminins, on ne cessera alors de vous contempler charmés !

Ainsi, pour ne pas m’ouvrir les veines immédiatement, je prenais des bains chauds, un livre en main pour dissiper les ennuis, les remugles terribles et les chagrins du déplaisir. Je remettais cela à demain. Offrant mon corps fatigué et vaincu à l’immense noir du rien, du néant total. En dérivement justement. Une chaude eau mousseuse. Mais j’eus l’impression – un moment – d’avoir tout lu. Et de rajouter inutilement des phrases à des phrases déjà parcourues. Vous le savez, la chair est triste, hélas et j’ai lu tous les livres.

 

Paradoxalement, l’immense beauté du monde extérieur calmait un peu les désastres internes. Ici l’achat d’une magnifique boîte de Longicornes à un prix dérisoire bien loin du temps passé à leur récolte et à leur classification ; là la relecture d’un livre magique ; ici la marche dans la neige et ce bruit si typique des bottes s’enfonçant dans le velours ; et puis tant de choses qui restent, tant de petits plaisirs si l’on creuse… Un chiot joueur tourne sans lassitude autour de toi et évite d’être attrapé. Des oiseaux mangent dans le froid en se combattant gentiment. Une mésange huppée me regarde fixement, ne lui manque qu’une guitare.

 

Tant de quoi dis-tu ? Non je trouve qu’il en reste bien peu ; c’est pourquoi ce paysage crépusculaire en vernis rouge – au bord de l’eau – pourrait à lui seul écarter les doutes et les vaines peurs. Tu me conseilles de photographier ces instants-là. Tu me reproches de ne plus photographier. Juste regarder et rêver, je dis.

 

Même, là, le petit Rhône que l’on longe montre en hiver des images féériques, ces coups de pinceaux en cheveux d’argent que montrent les grands peupliers blancs. Dans la brume, au bord du fleuve, cette grisaille permanente donne au contraire du baume au cœur ; la vie est là, bien loin des vies humaines, il y a une grande nonchalance dans cette vie naturelle. Du coup, mes problèmes semblent idiots, peut-être ne suis-je pas là pour vivre ainsi. Où s’est produit le dérèglement ?

 

Je ne fais plus de photos, je ne récolte plus d’insectes, je n’herborise plus ; j’observe seulement et c’est déjà beaucoup.

 

Le haut des peupliers blancs raye le ciel gris de gouache argentée, magistralement.

Marilyn pursued by death / 1963 / Rosalyn Drexler

Marilyn pursued by death / 1963 / Rosalyn Drexler

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6 octobre 2016 4 06 /10 /octobre /2016 14:00
Gianni Bertini "Baccanale" 1973 report photographique sur toile émulsionnée
Gianni Bertini "Baccanale" 1973 report photographique sur toile émulsionnée

Ma fêlure à moi, c’était mon opulence, augmentée de grilles fermées et donc, ce sentiment d’être chez soi à l’abri de tous, sauf de ceux qui errent ici aussi chez vous, voire même en dedans de vous. Là, où la pervenche avait fleuri blanche, mon pessaire à toi, c’était donc mes doigts en cupule pouvant effleurer, caresser et si c’est d’un pétrel, il ouvre alors grand les ailes ; mon sexe pygmé devient pylône, un radar pour mieux d’empylorer, ma chérie. Le soir on y va vers cette môle essentielle, ce puits, cette geôle. A ton doigt fêlé, cette améthyste pour te ravir, offerte déjà il y a du temps… Tourmaline, c’était moi, j’étais vacciné du charbon, lorsque toi, vacillante comme uns scille bleue et fière et dressée comme une tige végétale, souple et fluide, comme une vigie vigile riante décomplexée, belle en feu en lumière de St Jean, en grande ville, où à l’aube nous enfournerions les pains ronds ; chantant les sittelles, faisant la pipée, tu accourrais fraîche, parfumée et l’air embaumée de tes fessées, une onde moulée à l’âme, immaculée et quasi monogame…

Dans ce seing là alors, j’encabanais en rang tes alexandrins très savants

Nous déciderions de faire de la musique du vent étoilé, ou d’asseoir cette grisaille-momie à l’ombre et faire rebondir les joies de vivre et si ce cœur grisonne, la rate en rade, la gnôle qui déglutit, la glotte sonne ; nous déciderions de faire péter le grisou. Blêmes chances, bonheur divan, tes yeux amande, ta poitrine un éventail où dans les forêts fluides et glauques, des volatiles flirteraient, alors culbute cuistre cachés dans les arbres où le gris perroquet de tes jambes cuirassées de ces beaux collants d’automne ; et malgré ma cornaline plein l’âme, toi, fine et longue, moi cob court épais, nous donnerions aux oiseaux divers à manger et tes coups de cuisses à mes joues à pleurer. Ce coeur grisonne et tonne aux feux désunis, volatiles frêles crient des graines amassées à ta peau fêlée, perlée, en pleine magnificence

Dans ce seing là alors, j’encabanais en rang tes alexandrins très savants

Tous trop sexués dans cet asile, on s’asperge de bonne grâce, d’artiste on devient article, et les anguilles et les anchois, moi c’est ton alvin qui frétille et m’invite, c’est tout mon intérêt à ton alysse, tes alizés, affalé, affermi, affamé, le sexe gai ; la cupule cyanosée au bout d’un temps, tu affectionnes ce groom invité à ta cour, et mon groin qui grommelle, et tes reins devenus longue piste cyclable, où moi et d’autres dans ce jardin de libellules viennent déguster quelque petit déjeuner ; quant à moi invaginé dans un coït sombre, je me suis perdu aux cieux ultramarins et c’est invétéré dans ce mal inverti que tu t’es créée : sexe involuté ; plumes bien loties de nos armées volatiles, marina démasquée sans navires aux oreilles, on était tous là aux miradors des âmes à se non-aligner aux coutumes locales, pompier dans tes fesses et trop pris de coups en tout, nous allons mourir dans des coins très doux, fessier chantant, armes rechargées

Dans ce seing là alors, j’encabanais en rang tes alexandrins très savants

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18 mai 2015 1 18 /05 /mai /2015 22:14

jeune femme brune

la trentaine, cheveux mi-longs, grand regard, yeux noirs

un beau profil

parle beaucoup avec une amie assise en face d’elle, volubile,

grand sourire

lèvres qui brillent rose vif, active

elle dialogue avec son amie avec de grands coups de cou et de tête

agite ses mains, ses ongles peints rose pâle

un sourire, une volonté, rappelle Irène Jacob jeune,

même fougue dans sa beauté

même allant, indocile, rebelle, insoumise

on peut la fixer (je suis assis loin dans le restaurant - elle

est dehors en terrasse sur le trottoir - je suis bien dans l’axe pour l’observer, elle)

pour s’en délecter

chaque expression saisie est un délice, chaque sourire, chaque regard en coin majesté

ah ! ces visages de femmes sans cesse renouvelés, il y a tant à dire, à nouveau

toutes ces incompréhensions dans ces joies de vivre, cela m ‘échappe, ces insouciances

 

Au sortir : robe dans les tons jaunes, ballerines noires, jambes nues, cuisses assez lourdes

je jette un dernier regard avant de m’enfoncer dans mon chemin seul,

 

veste caban sombre

jambes croisées, un pied derrière le mollet, comme un verrou

une tension du corps, proche d’une envie de vie, une pulsion

 

le bon temps a passé, la vieillesse m’a pris mon air de jeune homme romantique,

je me fossilise

mutacisme de ma vie oubliée,

indûment, je l’aurais aimée

 

Café Madeleine, Paris.
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18 décembre 2014 4 18 /12 /décembre /2014 09:57


    De gros geais cajolent fort hauts dans les cimes et se poursuivent, faisant craquer net les branchages. Le long de l’Arc, petite rivière longeant Aix en Provence, l’automne est devenu maître ; de très vieux arbres perdent leurs feuilles dans des danses jaunes, brunes et ocre... Les feuilles des peupliers blancs, lorsqu’elles tombent du bon côté donnent l’illusion qu’un peintre a éparpillé des gouttes blanches sur la toile ; les feuilles brillent comme des nasses argentées sur un flou de camaïeu de jaune, postillons ivoirins.
    Canes et canard luttent paisiblement contre le courant en toute quiétude, au détour du chemin un héron cendré a les pieds bien posés dans l’eau et nous regarde ; à notre approche, chaque fois, il s’envolera, dévoilant sa large et belle envergure grise, pour se reposer cent mètres plus loin, le cou tendu, attendant ses proies.
    La marche sur le sol couvert de feuilles est douce, on semble marcher sur de la mousse, l’odeur des feuilles en voie de putréfaction est surette, l’humus hume bon. Les akènes et les glands perlent des arbres et trouent le silence délicatement. Quelques vieux mélèzes subitement rouges semblent malades, grillés ; ils perdent simplement leurs feuilles eux aussi. Quelle étrangeté de ramasser ces feuilles, en approchant la main, on craint de se piquer, mais les feuilles sont douces excessivement, soyeuses, cette texture est quasi irréelle, essayez-vous mêmes vous verrez. Comme un petit enfant je récolte quelques feuilles d’automne. Manquent juste les marrons de mon enfance. Chaque année on est émerveillé. Le soleil, enfin, perce le gris et la rivière s’en trouve éclairée, miroitante, moins maussade ; les feuilles de platane dorent davantage alors et tout fourmille, l’air autour, des poussières multicolores, des bruits d’eau discrets, le son des pas sur les feuilles mortes. Le silence terriblement bon de la nature éternelle.

 

erable2

 

cotinus

 

erable

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20 septembre 2014 6 20 /09 /septembre /2014 08:44

(Texte lu dans l'émission de Sophie Nauleau "ça rime à quoi" sur France Culture en mai 2010)    

 

    J’avais ébauché le geste, puis m’étais résigné. Ses fins cheveux châtains flottaient dans le vent dans les calanques bleues clair. J’étais comme un peintre, peiné de ne pas réussir son portrait. Je ne voyais que sa nuque, mon regard y errait à la recherche d’un nouveau détail dont je me souviendrais plus tard. Un nouveau cratère de lune à explorer.
    La nuit tombait, je lui dis : il faut rentrer ; nous nous mîmes en marche. Les pierres glissantes et la lumière faiblissant rendaient la démarche malaisée et nous nous accrochions l’un l’autre comme deux marins éméchés rentrant au port. Nous nous tenions pour ne pas tomber, maladroitement, comme souvent un homme, une femme. J’étais nanti, je le savais. J’avais ma nacre à mes côtés, mon aimée dix fois ; le jour finissait dans des paysages stupéfiants.   
    Difficile de dire, ensuite. Prendre sa main, ou non ? Elle repartait vers son autre ami. Elle ne m’appartenait pas, n’est-ce pas ? Les ombres des grands pins noircissaient le chemin. Les racines à fleur de terre nous faisaient trébucher. Arrivés au parking, elle partit sans trop me parler, à la fois très rapidement, et pourtant je la sentais aussi au ralenti. Elle hésitait aussi sur ses amours ou sur sa manière de vivre. Elle ne pouvait plus, m’écrivit-elle plus tard.
    J’allais au petit bar, commandais un pastis dans un grand verre. La mer pleurait en rythme avec moi très régulièrement. Je pouvais me saouler comme le font les poètes célèbres. Je restais sobre. Le soleil se couchait derrière la montagne, je vis cependant les couleurs de la mer changer. J’essayais d’en capter beaucoup d’énergie, de connivence. Afin de n’être plus seul, comme un autre couple. Je marchais enfin sur la petite plage de galets, je m’assis à nouveau et je contemplais.
   
    Je partis ensuite, silencieusement, sans musique dans ma voiture, sans radio, comme seul encore dans ma sotte enveloppe humaine. Je maudissais le monde des couples, sachant pourtant que parfois et souvent, j’étais comme tous. « Quand je vois un couple dans la rue, je change de trottoir » disait Ferré.
    Du coup, je mis Ferré. « Ni dieu, ni maître », un long moment me réchauffa le cœur. « La mémoire et la mer » me conseilla résolument de continuer de vivre. L’automobile accéléra d’elle-même, sentant que cela me ferait plaisir. Je conduisais un peu en automate, découvrant au bout des phares les sinuosités de la route et ainsi ma vie, que je dévoilais virage après virage, comme un étudiant maladroit. J’étais « en vie », je me devais de vivre.


D'ocre et de bleu 30x30 cm (Plage d'Argent, Porquerolles)

(D'ocre et de bleu) (30x30) Peinture de Lionel Borla, peintre marseillais.

En cliquant sur sa toile : son site. 

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6 mai 2013 1 06 /05 /mai /2013 20:55

Samurai

 

Tokonoma et autres alcôves

 

 

 

Je m’appelais Kinko.

 

Certes, j’ai tué beaucoup de gens ; mais c’était mon métier, mon devoir, même.

 

Quel endroit bizarre ! Et je suis là depuis quand ? Des années ? Un siècle ?

Cet enfoncement, avec juste la place pour ce petit lit, cette couche plutôt, miteuse, humide. L’endroit est malsain, l’air se renouvelle peu, j’y dors mal, j’y tousse. Ici, pas d’estrade, pas de colonnes, pas de riches ornementations, ce n’est pas l’alcôve galante des siècles passés en Europe dont j’ai vu jadis quelques dessins. Ni l’alcôve douce de mes parents, ouverte les jours de fête.

Il fait froid et humide. Il y a juste la place du lit, je peux tenir debout à peine ou m’allonger ou m’asseoir. Lorsque je tente de quitter cet endroit, je ressens de suite une impossibilité, comme un mur invisible, une incapacité physique. J’ai maintes fois essayé, mais chaque tentative a été un échec, c’est simplement impossible. Je n’ai pas soif, ni faim, je n’urine plus, je ne défèque plus, je n’ai plus d’érection.

Je pense savoir où je suis. Qu’ai-je fait pour mériter cela ? Je n’ai fait que mon travail, sans aucun zèle. Juste ce que pourquoi l’Empereur me payait. Et je fus l’un des derniers.

Parfois j’ai l’illusion d’ombres qui passent, comme une brusque variation de luminosité, un éclair. J’aimerais alors, enfin, voir ou découvrir mon ou mes geôliers.

 

Je pensais aussi pouvoir réciter à voix haute les poèmes qui me sont chers, mais là où je suis il n’y a pas de son, c’est un silence total et affligeant, et du fond de ma gorge, rien ne sort, même pas de râles ou de cris ou de sifflements ; je ne sais même plus si je respire encore. Ni les battements de mon cœur. Je suis présent physiquement, ça c’est sûr, de même, mon cerveau fonctionne parfaitement bien, et mes pensées trop mélancoliques me blessent.

Dur… je ne sais plus quoi dire… j’ai mal finalement…

 

Je fus Samouraï.

 

Je me souviens – et ce sont mes seuls bons souvenirs – de la fête des enfants, le Kodomo no hi, qu’on appelait jadis aussi la fête des iris. Celle-ci était censée protéger les maisons de tous les malheurs et catastrophes ; des tiges de rotin et des feuilles d’armoise étaient suspendues aux toits. Cette fête devint peu à peu celle des garçons, on leur souhaitait courage, bravoure et force et on leur offrait des parties de leur future armure de Samouraï. Dans certaines maisons, celles-ci étaient remplacées par des mannequins ou des poupées disposés dans des alcôves ouvertes pour l’occasion, les tokonoma. J’aimais contempler ces mannequins richement habillés . Nous en profitions alors aussi pour prendre des bains parfumés à l’iris « shobu-yu » et nous avions le droit de boire du saké aromatisé à cette fleur. Des combats de gros coléoptères très populaires terminaient la fête, j’en ai vu de ces « kabutomushis », j’ai moi-même possédé maints de ces insectes.

 

Des manches à air en formes de carpes « koï nobori » flottaient dans les jardins ; la plus grosse symbolisait le père, la moyenne ma mère et la plus petite pour le fils.

Les carpes qui remontaient à grand mal les rivières et torrents tumultueux pour frayer, symbolisaient la force et la persévérance que tout jeune et futur combattant devait posséder, tandis que les scarabées qui se battaient en duel incarnaient le courage, l’absence de renoncement.

Je souris presque à ces réminiscences. Combien je donnerais pour m’asseoir sur le tatami du tokonoma pour observer les ikebanas de ma mère, les bonsaïs, les estampes et autres okimono. Mon père était fier de son tokonoma, peu de gens à l’époque pouvaient s’offrir de telles alcôves.

 

Puis, je fus Ronin. Je refusais le seppuku. Je fus fidèle au célèbre proverbe : « tomber sept fois, et se relever huit. ». Je fus enfin libre, et j’aidai les villageois de maintes contrées de ma région. Enfin je fus tué par des bandits en groupe trop nombreux, samouraïs jaloux de mon renom grandissant ou simples gredins, je n’ai jamais su.

 

Maintenant je sais où je suis ; je le mérite sans doute. Je sens intuitivement que nous sommes des centaines, des milliers, voire plus encore. Ma solitude est feinte. Là, dans ces sortes de cage, ces sortes d’alcôve malsaines ; nous sommes « en vie » , même si je suis mort depuis si longtemps. Notre punition vraisemblablement. Je n’ai jamais adhéré au christianisme que les Jésuites tentèrent d’imposer et j’étais là lors des seize martyrs de Nagasaki. J’ai moi-même tué nombre de Chrétiens, enfin tous ceux qui refusaient de piétiner les images du Christ et de la Vierge Marie, on les appelait jadis des fumi-e, ces images qu’il fallait piétiner ; tous ceux qui refusaient étaient décapités immédiatement. Telle était la loi, tel était ce que je devais faire.

Aujourd’hui, je me demande si leur fameux diable existe. Chez nous, ce sont d’autres démons, les kamis que j’ai pu mécontenter involontairement, leur esprit de violence est puissant. J’ai pourtant toujours été d’une prudence extrême avec eux et ai toujours respecté la Nature dans tous ses domaines. Ceci dit, le contact répété avec la mort, le sang, m’a sans doute souillé pour toujours ; j’en paye le prix aujourd’hui.

 

Alors ? Est-ce ce diable chrétien ou mes amis kamis qui nous retiennent prisonniers ainsi silencieusement et sans doute pour toute l’éternité ? Et je ne peux pas même crier… 

samouraï

poupee-samourai

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3 avril 2013 3 03 /04 /avril /2013 18:10

baignoire

 


   La veille j’avais pris un bon bain chaud, dans ma baignoire blanche ; bien allongé les pieds en hauteur, au sec, les bulles de savon venaient se suicider sur ma barbe naissante en jouant un air de Vivaldi. J’observais avec attention les veines bleues de mes pieds qui dessinaient comme des arborescences de fleuve, ma circulation sanguine semblait de bon aloi.

   Bon je reprenais mes respirations : compter cinq en inspirant, dix en expirant ; me détendre : deviendrais-je ainsi un meilleur amant avec moins de stress et davantage de contrôle ? Je méditais fermant les yeux et me récitant mon mentra composé de deux syllabes, que je ne peux nommer ici, car je l’ai enfoui il y a longtemps tel une graine et j’attends que l’arbre monte. Et l’arbre ne pouvait s’étoffer qu’en plein silence.

   Je pensais aussi au bon kilogramme de bactéries que nous possédons dans nos intestins, les théories actuelles donnaient à ce kilogramme une importance primordiale. Si notre organisme est constitué environ de 10.000 milliards de cellules, notre flore intestinale repésente 10 fois plus : 100.000 milliards de bactéries ; ces bactéries nous protègent et nous font vivre. Tout part de l’intestin dit-on et si on étalait celui-ci : il représenterait entre 1 et 2 terrains de tennis ; bref c’est là que se fait toute l’immunité, là bien plus qu’ailleurs.

   En vidant l’eau je scrutais avec attention le sens d’écoulement dans la bonde, tantôt sens horaire, tantôt sens anti- horaire. C’était mon pari de la journée. Un de mes nombreux poils morts (ou du moins qui avait chuté, vivait-il encore ?) se dirigeait à toute vitesse tel une barque vers la bonde cyclopéenne comme vers une cascade ; j’eus juste le temps de vérifier le sens anti-horaire. A ce niveau-là, peu importait la rotation de la Terre. Les forces de Coriolis, à cette échelle, sont très faibles (0.0001 m/s2, ai-je lu) et donc, le sens du tourbillon aléatoire ; l’effet “patineuse” est supérieur et le moment cinétique initial fondamental (tenir compte aussi des aspérités ou autres effets de ma baignoire blanche). Peu importait l’hémisphère.

   Je n’oubliais pas non plus que c'est le sol de la Terre, et nous avec, qui tournons, de l’ordre de 107.460 kilomètres à l'heure, soit grosso modo, 30 kilomètres par seconde. Cela peut donner le tournis, ou pas.

   J’imaginais aussi si j’avais les poignets sectionnés, l’eau et le sang se mélangeant, l’eau chaude empêchant la coagulation, pouvoir ainsi peut-être mieux percevoir la vidange de ma baignoire et le célèbre effet patineuse. Le temps de saignement variant entre 2 et 5 minutes selon la méthode de calcul, il fallait que je détermine bien mon coup. Ma baignoire de 96 litres s’est remplie en 8 minutes, j’ai mesuré qu’elle se vidait ensuite en 12 minutes. Donc bien calculer le moment de la tentative de suicide !

   Il parait que tous nos tuyaux : artères, veines, artérioles, veinules, capillaires mis bout-à-bout représentent 97.000 kilomètres ; imaginez la vie et les voyages d’un globule rouge ou blanc, ou d’un plaquette, ça c’est de l’aventure ! Courte ceci dit : 120 jours pour les globules rouges, 7 pour les blancs. Mais quand même ! Les parcours doivent être ahurissants ! Ainsi que les ralentissements dans les capillaires (permettant de mieux observer le paysage) ou l’inverse le boum cardiaque comme une fusée à Disneyland.

   D’ailleurs ceci me fait penser à l’un de mes films fétiches lorsque j’étais enfant (j’avais 9-10 ans) : “Le voyage fantastique” qu’Asimov, plus tard, adapta en roman. Cette balade, jadis, en sous-marin dans le corps humain fut un choc pour moi et allait déterminer le choix de mon métier et même de mes spécialisations (et puis Raquel Welsh en costume de sous-marinière...et puis il y avait un traître ; c’est toujours bien les traîtres, l’histoire est – de suite – plus vraisemblable). Le corps humain, quelle machine fabuleuse !

   Bon ça y est : il n’y a plus d’eau dans la baignoire, juste mon gros corps lourd et chaud qui fume, 80 kilogrammes de chair humaine. Une dernière petite douche sera nécessaire pour enlever tout ce savon dans mes cheveux et ma peau. Et me donner l’illusion d’être propre. Et donc repartir pour un tour de manège. Et pouvoir plaire aux filles qui aiment que les hommes soient propres.

   Ensuite je voyagerais à nouveau dans mes rêves inquiétants. 

 

VoyageFantastique

voyage-fantastique-03-g

film-le-voyage-fantastique13

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8 mars 2013 5 08 /03 /mars /2013 14:50

Allo ?

(Une voix de femme dit :)

Jupe, robe, pantalon ?

(Je réponds rapidement sans sourciller)

Jupe ou robe

Jambes nues ? Collant ? Bas Dim up ? Jarretelle ?

Comme tu veux, mais habillées, oui habillées tes jambes

Chaussures ?

Escarpins, mais pas trop hauts ou ce que tu veux…

Le haut ?

Corsage, pull léger, tee-shirt… comme tu veux…

Maquillage ?

Pas trop. Juste esquissé, à peine visible…

Rouge à lèvres ?

Oui de la couleur naturelle de tes lèvres…

Cheveux, coiffure ?

Naturelle, floue

Parfum ?

Oui, mais discret.

Bijoux ?

Juste ce qu’il faut, pas de bracelets.

Où ?

A ce restaurant chic, rue Mignet, où je t’avais croisé pour la première fois.

Quand ?

Ce soir, à 20 heures.

Tu me diras un poème, à nouveau ?

J’essaierai

Tu seras plus gai que l’autre fois ?

J’essaierai

Et moi, comment ?

Féminine et joyeuse, insouciante, décontractée, naturelle…

../..

Amoureuse ? dis-je

../..

C’est con la Saint Valentin, je dis.

Tu trouves ?

Oui, c’est con ; cette histoire de cadeau ; cette histoire d’amour censée renaître de ses cendres ? Phoenix suprême ?

La vie peut être simple, tu sais, sans cadeau, sans amour vain ; juste toi et moi, pour une soirée. Je mettrai ma petite robe noire, des Dim up noirs opaques, mes créoles en or, et puis c’est tout… OK ? Et puis –puisque tu le veux – je me ferai « féminine », je minauderai, c’est bien ça ?

../.. (sourire)

Tu dis rien ?

Ça me va, dis-je.

Bon, je raccroche ?

Et moi ? Je dois être comment ?

Jeune, beau, riche, fringuant, volontaire, astucieux, bien habillé, décontracté mais bien habillé, plein d’humour : bref comme d’habitude… Non je plaisante. Attentif, voilà ! Toi, tu dois être attentif ! Il y a tant d’hommes qui ne le sont plus ! Bref, tu fais « attention », tu me regardes ! Tu m’admires ! N’est-ce pas ? Tu me parles en étant a-t-t-e-n-t-i-f …

Je t’ai toujours aimée, tu le sais !

L’amour c’est un flux et un reflux, tu le sais, n’est-ce pas ? Profites-en quand c’est le ressac qui vient  vers toi.

 

…/…

 

Le sans-domicile-fixe se relève avec difficulté, ses yeux peinent maintenant à voir la gracile silhouette d’une jeune femme habillée d’une robe noire et qui s’éloigne vivement. Il ne distingue bientôt plus qu’un halo d’une noire luminosité. Depuis tout à l’heure Jean la regardait. Elle lui rappelait sa femme, décédée il y a cinq ou six ans. C’était la mort de sa femme, si brutale, si soudaine qui avait tout précipité : l’alcoolisme, le licenciement, le chômage puis la rue. L’abandon de sa famille et tout le reste. Il cherchait à mourir, lui aussi, maintenant, mais seul et ignoré de tous ; c’est ainsi qu’il le voulait. Il venait à la vue de cette jeune femme tout juste de se remémorer les conversations téléphoniques qu’ils avaient jadis lors de moments difficiles ; ils se réinventaient alors une jeunesse dans des rituels de complicité amoureuse.

Jean ne distinguait plus maintenant la silhouette frêle, il avait perdu ses lunettes, ou volé peu importe. Malheureusement. Il prit son sac-à-dos élimé, et divers plastiques remplis à craquer et se dirigea vers les chambres d’accueil pour la nuit. Le froid venait de tomber vite et son ventre avait faim.

 

Il eut envie de pleurer. Mais eut un sourire aussi, le visage charmeur de sa femme en tête.

 

bas-multiples

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12 janvier 2013 6 12 /01 /janvier /2013 21:57


             Et alors j’aurais marché jusqu’à perdre haleine, jusqu’à plus soif
Odeur de thym / romarin aux baskets trempées
L’air qui fouette
L’eau qui prend
Etre rapide, marcher vite, fouler au sol
Ne penser à rien surtout pas à elles et leur somme d’insatisfactions
Donc progresser
Il y aurait peut-être une idée qui se dessinerait dans la fouaille de l’air
Un air de romantisme, comme dirait l’autre une histoire d’amour ( ?)
Mais aussi simplement
Une idée de l’autre, ou un air de branchage, un coup de vent dans les voiles
Larguez les amarres, larguez tout l’inutile, on ne se gardera que soi
L’ancre n’existe plus
Le fond est trop profond
L’attache est rompue
Peut-on ainsi passer si facilement de l’une à l’autre
Ou changer de vie, changer de vie ?
Je n’ai qu’une vie, un cœur rouge, un muscle qui se contracte, je n’ai prise, ou fermant les yeux le faire ralentir, écouter le pouls lisse , le pouls il file ;
Ainsi se baladant le temps s’effiloche, quelque part mine de rien : ça passe, et secondes puis minutes ;


On me dirait : à quoi penses-tu ? Mais si je pense, c’est en désordre, c’est inorganisé c’est l’anarchie des paroles et des idées ; des mots qui s’entrechoquent, des cuisses et des sexes différents qui s’ouvrent, pruneaux mûrs très goûteux, juteux, acidité femelle. Idées de littérature, de romanciers, de poètes, de finitude.
Ou ?

 
Ou se reposer là sous ce chêne, y chercher le feu, la main sur l’écorce ressentir la vie, se ressourcer ? et puis non, marcher, marcher c’est encore mieux, chaque pas fait oublier le reste, les yeux scrutent le sol, l’esprit fait marcher. Les pas succèdent aux pas.
Donc définir sa vie, il y a ceux qui voyagent, ceux qui bricolent leur maison, et pour les autres ? ceux qui cherchent dans l’ovale de deux lèvres tout l’or du monde, ceux qui s’en éloignent. Ceux qui dans les livres cherchent des réponses et ceux qui n’y trouvent que questions ?
Mal à la tête, ce vin était trop fort, Gigondas et ses cailloux chauffés comme silex et ses vignes brunes rousses, le pampre lui-même roux.
Donc marcher, je vais faire ce grand tour, ceindre mon univers, rechercher la faille, les lézardes puissantes, le temps a creusé.
Donc elle me dit : alors ?


Oui alors, c’est une bonne question, mais à dire vrai je ne donne pas de réponse, je suis déjà trop épuisé par trop de nourriture et trop d’attentisme ; ou trop de fébrilité, l’inorganisation de mon monde et de ses annexes. Parfois je m’imagine soldat, un gros trou dans le front et bien sûr : je dors. Le refuge dans le sommeil, quelle bonne idée, et puis les endorphines marchent mieux, les synapses lancent désespérées leurs petits bras salvateurs, très souvent le vide cérébral est là rageant, brûlant, avec une impression de rien du tout.
Il y a un effet mécanique dans la marche, presque robotique qui doit plaire aux vrais marcheurs, utiliser le corps mais pas le cerveau. Il doit y avoir un effet mécanique dans la baise : utiliser le corps, mais pas le cerveau, tout juste l’utilisation raisonnée de quelques muscles, savoir les maîtriser essentiellement. Enfin le cerveau reprendrait le dessus peut-être au moment ultime, lèvres de feux, sperme bouillant. Encore une histoire d’endorphines ? mensonge suprême !

Les nuages, oui regarder les nuages, les beaux nuages, là aussi retourner en enfance, dans les champs enfantins où les nuages étaient amis ; maintenant ils ont pris des noms latins pour nous satisfaire, car l’homme adulte a la brutale obligation de la classification ; moi-même, bien piètre coléoptériste et naturaliste, j’avais commencé à classifier, à parler latin, cherchais-je déjà à me rassurer ? maintenant je n’apprends plus les noms, même ceux des gens je les oublie, j’essaye plutôt la mémoire des traits, du regard ou du grain de la peau. Je me suis fait des amis ainsi, j’en ai perdu d’autres ; certains sourient, d’autres sont perdus. De toute façon je ne suis plus un jeune adulte, je suis un adulte déjà vieillissant. Et j’aime l’enveloppe des arbres, le grain de ce chêne par exemple, surpris de découvrir des glands géants sur ce minuscule arbre ratatiné en pleine garrigue.


Bon à vrai dire, il faut donc décider ce que sera sa vie, voilà une tâche bien ardue et peu commode, donnant beaucoup à regretter, la maladie du remords, le vieillissement prématuré, les artères qui s’encrassent.
Je me rappelle donc de ma jeunesse, mon adolescence, le bon cul de S., mon premier dans la chambre du bas très claire, avec la lumière qu’il fallait, en biais. Son sourire était fameux ; elle est maintenant mariée à G. un ami lycéen de jadis, le monde est petit ; les gens ont tant de mal à se rencontrer. Le monde m’a toujours semblé n’être qu’un astre de solitude désespérée, une boule noire, les communications coupées. Heureux qu’il y ait eu le sexe pour se rapprocher, s’emboîter, s’approcher, devenir timide.


Les études, un métier qui s’impose et puis voilà : ma vie résumée en quelques phrases maladroites ; maintenant je cherche cette insuffisance centrale de l’âme dont tout le monde parle. Je ne me reposerais qu’après l’avoir pressentie.
Ca y est encore : le vide revient ; j’hésite sur la direction à prendre, après tout je suis censé vous narrer une histoire, un roman, un récit, juste des phrases, un baptême de l’écriture.
Ou écrire ou reprendre la marche, pourquoi suis-je si seul sur ce chemin, cette garrigue remplie d’exhalaisons ; bon, de toute façon ne pas rester là contre ce chêne, je ne suis pas un druide gaulois cherchant le feu, mais bien un papillon perdu tournoyant en vain, refusant sa bien trop courte vie. Donc je repars, la pluie est fine, aiguail clair, le soleil est là, j’aime ces mélanges de lumière et d’eau : un photographe ou un peintre auraient su quoi en faire, moi simplement je les traverse dans ma marche, démarche ébrieuse. J’essaye de me redresser, épaules en arrière, nuque relevée, mais la vie moderne m’a tellement plié en deux que j’ai beaucoup de mal à me remettre droit, c’est pourtant la meilleure façon de voir loin. Etrange sentiment là, sous cette lumière mordorée, au pied de la Sainte Victoire, garrigue enchantée, pieds enfoncés, cheveux trempés j’ai eu presque le sentiment d’exister. Mais par rapport à quoi ? à qui ? ce n’est pas la nausée que je ressens, mais une impression d’irréalité, comme si j’étais l’acteur d’un film, jeune homme prometteur ; or je sais qu’il n’en est rien, ce n'est pas moi qui toucherais aux starlettes dévêtues et rieuses, insouciantes. Je sais déjà que je tourne en rond, fais du surplace même si on me voit m'agiter beaucoup. Agitation des condamnés, des solitaires, des dépressifs. Revient sur mes pas, vers mon passé.


Ou, le silence et l'immobilisme ; il fait si bon ce silence, rester sans trembler là dans la lumière et ne chercher rien, rien du tout ; simplement prendre conscience des secondes qui s'égrainent. La dérision pourrait être mon arme ultime ; c'est une arme qui déplait aux autres ; mais moi je suis démuni, simple nabab orgueilleux d'amitié et en recherche de désespoir ; mystique sans mysticisme, amoureux seulement de la pluie tombante car chaque gouttelette éjacule en moi sa force terrestre, bouillonnante ; sa gravité seulement et moi ma morosité taciturne.


Se taire donc et avancer, oh! Belle montagne! Belle couleur! Zoom arrière et l'immensité apparaît. Juste, manque la mer.


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