Je viens d’écouter deux fois l’excellent CD
« L’étrangèreté » de Michael Edwards
CD / à voix haute / Gallimard Collège de France, 2010
J’ai eu la chance d’écouter ce poète et traducteur anglais, qui est maintenant professeur au collège de France, lors de la conférence d’Aix sur la traduction en poésie avec Yves Bonnefoy.
Tout démarre pour le poète par une balade le long du Canal St Martin, il fait très froid, un matin d’hiver et le soleil est très brillant, anormalement, et le poète a alors une sensation de symétrie, de « mise en scène » du monde qui le fait réfléchir…Toute la suite de cette étrangèreté va faire naître cette conférence sur l’étrange. Un réel un peu différend. Peut-être après tout, seul, le poète peut se rendre compte de cette étrangèreté.
Ici le poète veut parler de l’étrange, de l’étranger et de ce qu’il nomme l’étrangèreté, pour lui l’étrangèreté est une aubaine. Les langues étrangères par exemple sont une part de cette aubaine… C’est réjouissant.
Etrangèreté :
- des lieux
- de la foule
- du moi
- de la langue
- de la poésie
- de l’imaginaire au réel
- importance de l’étranger
Ce sont des mots de poète…
Lorsqu’il parle de l’étrangeté de certains lieux à certains moments, je le comprends car assez régulièrement (mais pas assez à mon goût) je ressens les mêmes effets surprenants ou inquiétants, j’avais tenté de mettre cela noir sur blanc avec cette courte nouvelle : studios. J’eus alors les mêmes impressions d’étrangèreté.
C’est ainsi que le familier peut devenir étrange, et très souvent c’est le très ordinaire (le très quotidien) qui deviendra étrange, c’est le regard du poète et sa force imaginative qui révèlera cet étrange. C’est une inquiétude jubilatoire.
« Etre un étranger dans une langue étrangère est une aubaine. Au Moyen Age, si un étranger mourait sur le territoire d’un seigneur français, tous ses biens revenaient au seigneur comme une « aubaine » - d’où notre expression actuelle – parce que le mot « aubain » signifiait à l’époque « l’étranger ». » M. Edwards
« Une langue étrangère est un grand poème qui transforme l’univers. » M. Edwards
But de la poésie = rendre d’abord étrange le langage et rendre étrange le réel (le monde).
Un poème : on ajoute tout un monde.
Le poète est le maître
La poésie existe pour « étranger » le monde.
L’imagination est nécessaire pour comprendre le monde, elle transforme ce que nous voyons, c’est nécessaire, ce n’est pas angoissant… L’imagination et non la raison… L’imagination transitive…
L’étranger est une idée salutaire ! C’est l’autre dont nous avons besoin.
« Restons étrangers pour mieux nous comprendre. » M. Edwards
« Mon dissemblable, mon frère. » (Baudelaire)
Le moi est aussi étrange… Chercher l’étranger en soi, l’autre …
Cela est visible souvent dans les œuvres littéraires, « Je est un autre » réellement (intuition extraordinaire du jeune Rimbaud !)
C’est moi et pas moi en même temps : un éloignement ?
Il faut découvrir l’étranger que l’on doit devenir, en s’imprégnant de l’étrangeté du monde. Devenir ce que l’on observe… (pas de mysticisme là dedans…), le moi disparaît, mais ne devient pas un vide, il s’enrichit au contact des choses du monde…
Il faut apprendre à se dire « tu ». Telle sera la conclusion de ce très intéressant CD.