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12 août 2010 4 12 /08 /août /2010 19:36

        Je voudrais vous parler ici d’un écrivain singulier, peu connu et pourtant un de ceux que je considère comme un écrivain majeur : Jean Reverzy.

    Jean Reverzy est né en 1914, mort en 1959 à 45 ans. Il perd son père à la guerre alors qu’il n’a que 18 mois, lorsqu’il aura 4 ans il recevra la croix de guerre de son père délivré à titre posthume lors d’une cérémonie militaire. Imaginez la scène.
    En 1932 il commence des études de médecine, en 1940 il est obligé de démissionner de sa fonction d’interne pour attitude non conforme (propos et écrits anti-pétainistes).
    Il se mariera très vite et très mal, cherchant très rapidement à divorcer, or les nouvelles lois de Vichy interdisent le divorce et sa première femme ne cessera de le harceler durant toute sa vie (« un cas unique » dira un expert de la jurisprudence), cette dernière ayant une partie de sa famille dans le monde religieux, Reverzy deviendra brutalement très anticlérical et anti-théiste. En 1943 il est arrêté par la Gestapo puis relâché ; en 44 il rejoint le maquis dans la forêt de Tronçais. De 1945 à 1952 il partage son temps entre son métier de médecin généraliste (installation dans un quartier pauvre de Lyon) et ses voyages. En octobre 1952 après plusieurs mois passés en Océanie (un rêve d’adolescent et une passion pour Gauguin) et poussé par des angoisses sur la maladie et la mort, il se met à écrire.



Son premier roman est publié en 1954 « Le passage » chez Julliard ; c’est un succès immédiat, couronné par le prix Renaudot, Jean Reverzy a 40 ans passés. Le livre est maintes fois réédité.

En 1955 après des voyages en Hongrie et en Roumanie, il rompt avec le PCF.
En 1956 il publie « Place des angoisses », roman « lyonnais » où le narrateur est le médecin que sans doute Jean Reverzy est. Le succès est moins au rendez-vous.

En 1958 il publie son troisième livre « Corridor », roman inquiétant et expérimental mais qu’on ne peut pas relier au nouveau roman qui voit jour ces années-là. Il se lie d’amitié avec Charles Juliet, ce dernier lui consacrera un livre d’ailleurs. C’est à nouveau un relatif insuccès.

En 1959, il participe à un meeting pour la paix en Algérie, il meurt brutalement le lendemain, à 45 ans alors qu’il s’était atteler à « La vraie vie » roman écrit pour sa mère qu’il savait condamnée par un cancer. Il n’aura écrit « que » 4-5 ans.


    J’aurais pu vous parler du « passage » livre remarquable. Suite à une crise existentielle et un malaise profond où des idées de maladie mortelle le hantaient, Reverzy décide de partir en Océanie. Il voit cela comme une solution thérapeutique, en outre depuis l’adolescence il rêve de ces îles-là. Il sera déçu du voyage, et l’écriture sera la seconde étape de son voyage polynésien. Reverzy s’inspire de l’un de ses patients pour inventer le personnage de Palabaud, il puise aussi dans sa propre hypochondrie. Ce long récit magnifique parle de la maladie et de la mort ; sentant la mort proche, Palabaud veut regagner sa ville natale Lyon pour y mourir, il y rejoint son ancien ami médecin – le narrateur.
    Bien sûr, résumé ainsi cela est insuffisant, il s’agit bien de découvrir le passage entre la vie et la mort, l’écriture serait l’un de ces passages ; mais aussi encore la notion de « présence au monde »  si chère à Reverzy et à tant d’autres écrivains. Enfin bien sûr la qualité d’écriture de Reverzy qui rappelle un peu celle de Camus, une écriture rythmée, riche, brillante, très ample.


        Si « Le passage » est un livre extraordinaire, « Place des angoisses » n’est pas de reste, il y a d’ailleurs une continuité : on retrouve le médecin narrateur, son cabinet, la ville de Lyon, le Professeur. Alain Gerber dira cependant que même si Reverzy a composé deux fois le « même livre », il n’est guère possible de produire deux textes aussi différents. 
        Ce livre m’a toujours intrigué et perturbé, d’abord parce qu’il parle d’un métier que j’aurais souhaité parfois être mien (soigner des êtres humains, améliorer leurs conditions), d’autre part il parle de choses qui me sont chères : la mort, l’humanisme, l’empathie, la grandeur et la frivolité des êtres vivants, les indécisions de nos propres existences.
    Cela pourrait être la vie résumée de Reverzy : une sorte d’initiation médicale, le narrateur – médecin – espère devenir un « grand médecin hospitalier », il deviendra médecin des ouvriers et des pauvres dans un quartier triste de Lyon au nom ironique : « Sans-souci ». C’était la médecine d’autrefois, celle des années 50, bien pauvre en ressources techniques, mais si riche en humanisme ; même si le portrait que fait Reverzy d’un grand ponte lyonnais montre cependant les écarts monstrueux de cette médecine-là.
Dans ce grand roman on y parlera encore de la maladie, de la mort, des médecins, mais c’est aussi d’une méditation sur la vie et la mort, sur la pauvreté et les choses essentielles ; et tout cet aspect fusionnel est très bien décrit et révélé. On y sent là une humanité et une authenticité qu’on sait désormais révolues, d’un autre monde, d’un autre temps ; et puis la mélancolie des grandes villes, la solitude de l’homme dans son mysticisme laïque. Jean Reverzy était un écrivain exceptionnel.


Alain Gerber à propos de « Place des angoisses » :
« Vivre, c’est être poussé dans le dos par un violent harassement qui ne connait ni trêve, ni fin, ni remède – que la mort. Semblables au narrateur de ce livre, nous sommes tous peu ou prou des « épuisés infatigables ». Et voici, objet unique et scandaleux dans le panorama littéraire universel, le sublime roman de l’exténuation. »

De Jean-François, son fils : «  Reverzy s’engage, sans jamais l’affirmer, sur la voie d’un mystique laïque : son objet est sans cesse répété et clairement défini. La voie négative qu’opère l’acte d’écrire lui permet d’en retirer du réel la forme humaine et de peindre par les mots la pure présence du vivant, ou plus simplement du phénomène humain et de son passage entre vision et parole, regard et lettre.

    "Que m’importait d’ailleurs la mort des autres ! je commençais de connaitre la mienne : elle était au bout de ma longue patience. Et déjà, fort de mon expérience, m’adressant à un auteur à venir, hésitant devant sa première phrase, fraternellement, je lui donnais mon conseil : « Vous voulez écrire, apprenez à mourir. »

A l’heure d’une certaine régression de la forme romanesque, Jean Reverzy nous ouvre toujours une voie nouvelle et à accomplir dans ces lisières du verbe et du silence, de la noèse individuelle et de son parcours solitaire et d’une métanoèse qui crée un nouvel espace.

"Derrière moi il n’y a rien
En moi il n’y a rien
Devant moi, rien.
Quand j’ai voulu devenir écrivain, il a fallu que je me crée de toutes pièces un univers intérieur à partir de mon néant, pour le projeter sur le néant de la littérature."

Ce néant est un océan fertile, immense, inachevé et inachevable…

Enfin un passage de « Place des angoisses », de ces passages-là, une fois lues qui ne vous quittent plus guère.


« De même que le repas que m’offrit le professeur Joberton de Belleville, événement singulier de ma jeunesse, ma visite à Dupupet reste pour moi un sujet de méditation, d’étude, d’étonnement et parfois de crainte. Ma mémoire l’a simplifiée en quelques faits : ma brève attente dans les ténèbres où brillait la plaque de cuivre, l’exploration du bois rugueux, puis ma marche hardie, le début de la phrase immense accompagnant mon dialogue avec Dupupet, le silence soudain, l’auscultation du vieux mâle dont le thorax, frappé par mon index, résonnait comme le bois léger de la porte. Enfin le contact obscène et tentateur des trois billets. En me remémorant tout cela, il m’arrive de penser qu’une science est encore à naître qui se préoccupera de l’approche des vivants, de leur contact, de leur retrait, des mouvements de leurs corps et de leurs membres. Science qui serait celle de la solitude de l’homme et, par là, celle de l’homme même : c’est pourquoi elle n’ a encore tenté personne. Et le rêve seul est permis devant le mystère des forces qui attirent les êtres, les éloignent ou les immobilisent face à face, cependant que la pensée se contente de cette observation, sans conclusion ni profit pour l’intelligence, de sons articulés, de signes écrits, de gestes, de décharges, de regards, grâce auxquels semblent communiquer les âmes.
Je mourrai sans satisfaire la curiosité qui m’a tourmenté ; mais la curiosité vaut par sa seule existence ; ses questions n’ont pas besoin de réponse. Je ne saurai jamais pourquoi, après avoir frappé à la porte de deux êtres qui s’appelaient Dupupet, une heure durant je leur parlai, je le écoutai, je leur fis signe , alors que, sans paraître m’entendre et cependant en parfait accord avec moi, ils modulèrent le chant de leur langage. Après avoir pénétré dans l’intimité des vieillards, avec une facilité si grande qu’il me fallut des années de réflexion pour m’en étonner, je ne sentis plus de même : il y eut de ma part un progrès, non de compréhension, mais d’attitude. Je crois que la pauvreté de Dupupet, proche de la mienne, n’y fut pour rien ; mais le changement était en moi.
Je m’étais trouvé près d’un vieillard endormi, je l’avais réveillé ; nos voix s’étaient levées pour proclamer notre alliance, pendant que derrière nous une femme se signalait par une phrase sans fin. Je ne voulais rien comprendre, parce que rien d’humain ne se comprend, mais j’avais trouvé ma place au milieu des hommes. »



les oeuvres complètes de Jean Reverzy /
dans l'excellente collection Flammarion

à lire absolument !

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commentaires

C
<br /> <br /> Bonjour Marc,<br /> <br /> <br /> J'ai la réponse à la question que je t'ai posé il y a quelques jours !! Toi au moins quand on te demande si tu connais quelqu'un tu es précis dans tes réponses ! Merci pour ce bel article, cela<br /> fait une semaine que je me régale à lire sa poésie, et je vais bientôt me mettre à ses romans (quand Albert Londres m'aura quitté )<br /> <br /> <br /> à bientôt<br /> <br /> <br /> Claude<br /> <br /> <br /> <br />
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I
J'aime bien ce texte en effet, que je viens de lire vraiment, en prenant le temps, et la fin de ce texte est touchante, "je m'étais trouvé près d'un vieillard endormi, je l'avais réveillé, nos voix s'étaient levées pour proclamer notre alliance...J'ai déjà ressenti cela, mais là le terme d'alliance employé par Reverzy donne tout son sens à cette modeste sensation . Je vais donc lire Reverzy, sur tes conseils ...:)
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M
il faut lire au moins les deux premiersplace des angoisses et le passagece ne sont pas des livres si désespérés que celaplutôt ceux d'un homme qui cherche sa juste place dans la société des hommes
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I
salut marco, très interessant article sur cet homme méconnu , enfin pas à la mode donc mis aux oubliettes, J'avais lu il y a pas mal de temps mais j'ai du mal parfois avec les écrivains "desespérés", avec ceux qui hurlent leurs douleurs, leur peur de la mort, de la maladie peut-être justement parce que j'ai été , par ma profession (avocat) et le milieu dont je suis issu (médecins ...)confrontée très vite à tout ce qui bouleverse la vie humaine, et obligée quasiment d'assurer pour apporter de la confiance et de l'espoir aux gens plutôt que du négatif et du desespoir. Peut-être relirais-je cet auteur, car tout est une question de bon moment dans découverte et la lecture. Tu vois c'est marrant, car quand j'ai découvert ton blog, je pensais que tu pouvais être médecin. Apparemment non, mais peut-être pas loin ...bon j'arrête là ce long com. @+ bonne journée & des bises.
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M
 Je retrouve avec grand plaisir quelqu'un qui a traversé ma vie. Je l'ai découvert(le livre!) à Tahiti , lors d'une étude sur la littérature océanienne (c'est le premier roman d'importance sur le mythe de Tahiti, historiquement parlant). Ensuite, à La Réunion, sur les conseils de C.Juliet, j'ai rencontré son fils, médecin psychiatre là-bas, qui y dirige une revue littéraire.Tu devrais lui envoyer ton article, ça lui ferait certainement très plaisir.<br /> Merci Marco!
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V
c'est puissant comme écriture... Je ne connaissais pas. Merci Marco. On sent un désespoir dans ces lignes, et une lucidité incroyable;
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