(Sculpture de Ron Mueck)
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Tordu dans votre (ton) monde
recroquevillé en moi-même en-dedans
Cette facétie, ce monde
d’une fange que je consomme
Après tant d’errances et d’escapades infécondes
j’ai décapité ma propre poésie
me suis effacé de mes cluses et vallées
disparues fermes et frontières
enchaînées mes paumes obscurcies
je me suis inculpé moi-même
musarderie blême déchets à compost
Ô femme demi-lune sirène gloutonne
inquiétant corps inespéré
peur, peur, peur d’être en vous
cette complicité difficile où ton regard
ou ton regard, toi-même fourbue
J’ai perdu foi en ces galbes
et pourtant beaux et belles
tes (vos) deux seins comme deux galles
matelot faible de tes rivages
je lampais tes sucs comme des mirages
goinfre gros mangeur j’étais
dans tes matinées je m’assoupissais
Replet de mes noirceurs autiste de mes délits
artiste de mes désenchantements
j’ai pris soin de me détruire avec minutie
incognito sans tambour ni trompette
le despote de ta peau meurt
je quitte enfin cette aube poissante
je laisse tes (vos) lopins à d’autres
plus attentifs plus aimants plus radieux
Tordu dans ce monde obscurci
j’ai fini dans mon incendie
de tout-à-fait embraser toutes mes cendres mauvaises
Édouard Manet . Le Bouquet de violettes . 1872